Tearii Alpha fait le point sur le foncier en Polyénsie française


Le ministre des affaires foncières, Tearii ALPHA, a organisé une conférence de presse sur le thème du foncier ce jeudi 9 décembre 2010 à 14H00 à la présidence.

Etaient présents à ces cotés M. Monil Tetuanui et Maître Olivier MAZZOLI qui font partie de la cellule itinérante des affaires foncières.

Le ministre a présenté les étapes de la réforme foncière initiée par son ministère.

1- Pourquoi une réforme foncière en Polynésie française ?

La question de l’accès à la terre et à l’habitat est au cœur des préoccupations des Polynésiens.
Le foncier est un enjeu fondamental pour le devenir de la Polynésie.
Il constitue non seulement un patrimoine culturel et social incontestable mais aussi un important facteur potentiel de développement économique pour notre pays.
C’est une question qui suscite de nombreuses attentes et la nécessité d’une réforme recueille donc un large consensus. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut faire bouger les choses.

2- Bref état des lieux

Nous avons hérité d’une situation complexe résultant d’un « choc des cultures », d’un côté, l’administration française, pétrie d’individualisme et son corollaire, le concept de propriété privée, de l’autre, la culture polynésienne fondée sur la vie communautaire et son corollaire, l’indivision des terres. A cela, s’est ajoutée l’intervention de quelques notables véreux qui ont su exploiter à leur profit la méconnaissance de nos grands-parents concernant les contrats de vente de biens immobiliers, et c’est ainsi que nous sommes arrivés à la situation inextricable que nous connaissons aujourd’hui.
De plus, des erreurs d’appréciation ont été commises par les experts (peut-être dues en partie à des raisons idéologiques). En effet, la sortie de l’indivision et l’appropriation individuelle du sol ont d’abord été envisagées comme une démarche indispensable au développement économique et social. Malgré la création d’un service des affaires de terres en 1962 pour accélérer le traitement des demandes de sortie d’indivision, il est apparu que le partage des successions remontant à plusieurs générations et mettant en cause de nombreux héritiers issus de souches différentes, posait des problèmes difficiles à résoudre tels que :

- l’identification et la délimitation des terres,
- la régularité des titres,
- l’absence de cadastre (ou les contestations auxquelles il donne lieu)
- l’inadéquation des relevés cadastraux avec les mentions des « tomite »
- l’établissement des généalogies et de la dévolution successorale face à l’insuffisance de l’Etat civil.

On peut en conclure que les efforts constants des autorités locales et judiciaires depuis des décennies pour maîtriser et régler le problème de l’indivision tel qu’il se pose en Polynésie française, n’ont pas abouti.

3- La démarche du ministère des affaires foncières ( ce qui est déjà fait ou en cours)

Le ministère s’inscrit dans une démarche participative. C’est pourquoi, dans un premier temps, il a été mis en place une cellule itinérante d’information sur la législation foncière qui a organisé des réunions publiques dans toutes les communes de Tahiti et Moorea. (Le ministre tient à remercier ici tous ceux qui « tournent » dans les communes depuis le mois de juillet, en particulier, Monil Tetuanui, Olivier Mazzoli, Clotilde Virmaux et Tamatoa Doom, présents sur le terrain tous les samedis matins depuis près de six mois maintenant) .
Il s’agissait d’échanger avec la population, de recueillir les doléances et nous nous sommes rendus compte , même si nous le savions déjà, combien la question foncière dans notre pays était source d’amertume, de rancœur et même de souffrance. Cette vulgarisation foncière devait permettre à la population une meilleure appropriation de ses droits et obligations en matière de législation foncière.
Le ministre attend aussi de cette sensibilisation, une adhésion massive de la population à la réforme foncière qu’il entend mener à terme.

Parallèlement à cette tournée d’information, le ministre a rencontré, en septembre dernier à Paris, la directrice de cabinet de la ministre de la justice d’alors, Madame Alliot-Marie, qui nous a fait part de l’avis favorable de l’Etat quant à l’aménagement des dispositions du code civil, pour l’heure inadaptées à la situation locale et constituant de ce fait des éléments de blocage, notamment l’article 832 encadrant les possibilités d’attribution préférentielle dans le partage et l’article 815-3 et 1871-1, qui stipulent le principe de l’unanimité dans la gestion de l’indivision.

A Tahiti, le 11 octobre dernier, Tearii ALPHA a contacté Monsieur Serge Samuel, Procureur Général et Monsieur Jean-Pierre Atthenont, Premier Président et leur a demandé la mise en place d’un groupe de travail qui définirait un périmètre d’action permettant d’adapter le code civil au particularisme culturel polynésien, notamment dans le domaine de la gestion de l’indivision. Ce groupe de travail est désormais opérationnel. Il s’est réuni le 27 octobre. Des pistes de travail ont été déterminées pour l’adaptation du code civil, notamment les difficultés liées à la tierce opposition et les modes de représentation pour entériner le partage par souches.

Il a également été débattu de la définition et de l’organisation du tribunal foncier prévu par l’article 17 du statut de la Polynésie française et qui, pourtant, n’a jamais été opérationnel.

Le « collège d’experts fonciers » prévu par la loi 60-612 du 12 juillet 1990 qui était en sommeil depuis 1998 puisqu’il n’était plus consulté, a été réactivé .

La commission de conciliation obligatoire en matière foncière (CCOMF) créée par la loi d’orientation 94-99 du 5 février 1994 et dont l’organisation a été fixée par la loi du 5-7-1996, article 38 et le décret d’application du 9 janvier 1997 (modifié le 11-9-2002 ) a bien fonctionné jusqu’en 2003 avec plus de 2000 requêtes reçues. Elle était donc opératoire mais le ministre lui a redonné une impulsion et des moyens matériels pour qu’elle puisse fonctionner « à plein régime ».

Enfin , le ministère a contacté toutes les communes de Tahiti pour qu ‘elles mettent en place les « comités des anciens », organes consultatifs qui permettront d’éclairer les élus avant toute prise de décision concernant le foncier.

4- Les projets ( Thèmes à débattre lors de la conférence-débat du 11 décembre)

Premièrement, une restitution de la tournée de la cellule itinérante aura lieu samedi 11 décembre à l’amphithéâtre de l’université. Elle aura la forme d’une conférence-débat publique précédé par un film de 45 minutes dans lequel des questions sont posées par les usagers du foncier et les réponses sont apportées par les experts fonciers ( avocats et magistrats). La parole sera libre (indifféremment en tahitien et en français) et donnée à tous.

Deuxièmement, la poursuite de la tournée de la cellule itinérante dans les îles dès le début de l’année 2011.

Troisièmement, des Etats Généraux du foncier sont prévus au cours du premier trimestre 2011 avec pour objectif global de dégager de manière consensuelle les éléments de la réforme foncière à mettre en place dans le contexte socio-économique polynésien, avec notamment, la mise en œuvre d’un système de gestion domaniale et foncière plus équitable, durable et applicable, fondé sur une coexistence plus harmonieuse du droit français et du droit polynésien contemporain, le droit coutumier polynésien étant une notion ambiguë puisqu’il n’a jamais été figé et que les Polynésiens l’ont constamment fait évoluer au cours de leur Histoire (voir les dispositions du code Pomare datant de 1819 et 1842, le code de Huahine datant de 1820 et les « tomite » fondés sur la tradition orale).
La finalité de la réforme étant la sécurisation foncière et le développement de l’investissement privé, au profit cette fois, de la population polynésienne.

Quatrièmement, il est à noter par exemple que le code civil introduit à Tahiti en 1866 n’a jamais été traduit en tahitien. C’est pourquoi, le ministère souhaite, dans un premier temps, initier un mouvement de réconciliation des Polynésiens avec le code civil en mettant à la portée du plus grand nombre des traductions en langue tahitienne de l’ensemble des dispositions du code civil relatives à l’indivision et des dispositions des modes de procédure civile relatives au partage. Ces traductions seront gratuites et accessibles dans les mairies, les services territoriaux, la direction des affaires foncières et sur internet.

Cinquièmement, avec l’accord du Garde des Sceaux, Monsieur Michel Mercier que nous avons déjà contacté, le ministre souhaite la mise en œuvre d’un groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété, ou agence foncière, sur le modèle de ce qui se fait en Corse, et dont le rôle sera d’étudier, d’animer et de coordonner les interventions des différents professionnels tendant à la constitution des titres de propriété (généalogistes, géomètres, notaires).

Sixièmement, la rédaction d’un code foncier polynésien s’avère être une nécessité absolue et représentera une avancée considérable pour le respect des droits de notre population. En outre, son élaboration ne rencontre a priori aucun obstacle puisqu’elle relève de la compétence statutaire du pays.

Septièmement, en s’inspirant du modèle anglo-saxon, notamment de la Nouvelle-Zélande où existent des Land Tribunals, Customary Land Tribunals, Law Commissions, Waitangi Tribunal, nous voulons mettre en place un système de « Trust » ou constitution de sociétés qui permettraient une gestion de la masse indivise sans sortie de l’indivision. Que ce soit des sociétés immobilières ou des groupements fonciers agricoles, le « Trust » permettrait, grâce à un encadrement juridique strict, de donner à tous les Polynésiens de vrais perspectives d’avenir en maintenant autour des biens familiaux le regroupement et la cohésion des co-indivisaires qui ne seraient plus en indivision mais en sociétés.

Conclusion

L’objectif premier du ministère était de faire en sorte que s’engage un dialogue dépassionné entre la population qui a très souvent été déçue et les professionnels du droit.
Maintenant que cette confiance est rétablie, le ministre Tearii ALPHA est déterminé à poursuivre la réforme foncière et à restituer aux Polynésiennes et Polynésiens leurs droits fonciers et leur dignité tout en les faisant participer au développement économique du pays.

Rédigé par communiqué du MAF le Jeudi 9 Décembre 2010 à 16:05 | Lu 1463 fois