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Standard & Poor’s abaisse de BBB+ à BBB- la note à long terme de la Polynésie Française

L'agence de notation financière américaine "Standard & Poors" dont l'influence détermine les taux d'intérêts d'emprunt des pays concernés, abaisse de BBB+ à BBB- la note à long terme de la Polynésie Française. Cette décision est motivée par la dégradation des comptes publics de la Polynésie et la détérioration de sa situation de trésorerie dans un contexte de récession économique et d’impasse institutionnelle. L'agence tire un rapport éloquent de la situation.


Standard & Poor’s abaisse de BBB+ à BBB- la note à long terme de la Polynésie Française
La note de la Polynésie continue de refléter la manne financière de l’État français sur laquelle repose
l’économie polynésienne, la forte autonomie fiscale du Pays, ses équilibres budgétaires encore satisfaisants et son endettement modéré d’un point de vue international. La note reste contrainte par l’instabilité politique chronique et une situation de trésorerie tendue. La fragilité structurelle du tissu économique local, la faiblesse de l’administration et les risques hors-bilan significatifs, sont également pris en compte.

La Polynésie connaît une crise économique exceptionnelle comme le montre la diminution du PIB, estimée par Standard & Poor’s à 3% en volume en 2008 et 2009, après 10 ans de croissance au rythme annuel moyen de 2.3% entre 1996 et 2006. Elle témoigne de la vulnérabilité des principaux secteurs productifs (tourisme, perliculture et pêche) qui souffrent d’un manque structurel de compétitivité et sont exposés à la conjoncture mondiale.

Pour la première fois depuis que la Polynésie est notée, l’emploi a reculé significativement (d’environ 7% en 2008 et 2009) affectant la consommation des ménages, principal moteur de l’économie polynésienne. La récession met en lumière les limites du modèle économique polynésien
basé sur la consommation et alimenté par des dépenses publiques massives de l’État et du Pays
(représentant près de deux tiers du PIB), qui sont de plus en plus contraintes par les déficits publics.
La crise a déclenché et creusé le déficit de l’assurance maladie du Régime des salariés à hauteur de 15 milliards de F CFP selon le budget 2010. Elle a par ailleurs augmenté les besoins de financement du régime de solidarité dont le Pays doit assurer l’équilibre budgétaire. Malgré l’augmentation des dépenses de solidarité et la diminution des recettes fiscales, le Pays a contenu la dégradation de son épargne brute grâce à une part accrue de DGDE affectée au fonctionnement, à d’importantes recettes exceptionnelles et à une diminution significative des frais généraux et des transferts aux satellites.

Les déficits après investissements ont certes augmenté mais ont été limités à 9% des recettes totales (hors-dette) en 2009 contre 7.2% en 2008 et 4.3% en 2007. La dette a augmenté de 13 milliards de F CFP et représentait 76% des recettes de fonctionnement fin 2009.
Nous nous attendons à ce que les comptes publics continuent à se détériorer en 2010, explique l'agence, au-delà des prévisions budgétaires du Pays basées sur une hypothèse de légère reprise alors que les indicateurs conjoncturels du premier trimestre sont en ligne avec ceux de 2009. Nous pensons que l’épargne brute du Pays pourrait être de l’ordre de 2 à 3 milliards de F CFP en 2010 sous l’effet de moindres recettes fiscales, de faibles recouvrements et de la détérioration des comptes sociaux.
En l’absence de marges de manoeuvre sur les recettes, sauf à recourir au levier fiscal mais celui-ci est de nature à déprimer la consommation, la capacité du Pays à maintenir l’équilibre budgétaire repose essentiellement sur sa capacité à diminuer d’avantage les dépenses. La capacité d’investissement du Pays, importante pour la relance de l’activité économique, dépend essentiellement des dotations de l’Etat et de la volonté des prêteurs.

Les défis socio-économiques et les déséquilibres structurels restent entiers. Aucune réforme n’a pu être engagée compte tenu de l’instabilité politique chronique. Cette dernière pèse sur la confiance et la demande intérieure. Faute d’une reprise sensible de la demande externe (du tourisme notamment) et dans l’attente d’une nouvelle donne institutionnelle que l’Etat prépare pour la fin de l’année 2010, nous n’attendons pas de redressement significatif de la situation politique, économique, sociale et financière du Pays avant la fin del’année 2011.

Liquidité

La gestion en trésorerie 0 du Pays vise à minimiser ses disponibilités qui, dans le cadre français ne génèrent aucun produit financier, au moyen d’une gestion active d’emprunts revolving, dont le plafond cumulé représentait fin mars 19.7 milliards de FCFP.
La dégradation des performances budgétaires du Pays et les retards de paiement de l’Etat se sont traduits par de vives tensions sur la trésorerie du Pays au cours de l’année 2009 plus particulièrement au moment des changements gouvernementaux qui induisent des flottements dans les rouages politico-administratifs.
En particulier le 25 novembre 2009, les tirages disponibles sur les lignes de trésorerie après paiement d’une annuité de 92 millions de F CFP étaient quasiment nuls. Le Pays a sollicité et obtenu l’aide de l’Etat qui a accéléré le paiement de ses arriérés. Les 6.2 milliards de F CFP débloqués sur les dernières semaines de l’année ont soulagé la trésorerie du Pays, qui avait fortement freiné ses dépenses pour faire face à la situation. L’Etat a versé fin février 2010 près de 12 milliards de F CFP soit près de 80% des transferts budgétés en 2010 (le solde devant être versé d’ici fin octobre) et s’est engagé à payer les reliquats de DGDE, soit environ 8.9 milliards de FCPP, en deux annuités en 2010 et 2011. Avec près de 12 milliards de F CFP de tirages disponibles actuellement, la situation de trésorerie du Pays s’est améliorée. Elle n’en reste pas moins fragile et exposée à des perturbations liées aux possibles remaniements ministériels et à une dégradation de la situation budgétaire.
· Le dimensionnement des instruments de trésorerie du Pays parait limité au vu de l’historique 2009 des tirages disponibles et au regard du service de la dette (9,8 milliards de FCFP d’ici la fin de l’année 2010 et 3,5 milliards de F CFP au premier trimestre 2011) et des pics de remboursement (1.4 milliard de F CFP le 25 décembre 2010 et 0.9 milliard de FCFP le 1er avril 2011). De surcroit les plafonds autorisés diminuent d’environ 3 milliards de F CFP par an compte tenu de l’amortissement de certaines lignes.
· A ce jour le Pays dispose d’une enveloppe d’emprunt de 6.8 milliards de F CFP, reliquat de prêts
contractés en 2009 et a reçu des offres de prêt pour 12.8 milliards de F CFP. Pour autant, ces offres n’ont pas encore été contractées et sont assorties de conditions contraignantes dont nous ne
connaissons pas la teneur.
· Les capacités de l’État à aider exceptionnellement le Pays sont limitées à priori à l’accélération du paiement des dépenses budgétées, déjà très largement versées s’agissant de la contribution 2010.

L’Etat s’est engagé, dans l’accord relatif à la réforme de la DGDE, à appuyer favorablement les
demandes de financement de la Polynésie française auprès de l’AFD, en complément des bailleurs de fonds privés. Si nous estimons probable que l’Etat ferait en sorte que son bras armé intervienne en cas d’urgence, rien ne nous garanti que cette intervention se ferait en temps et en heure faute d’un cadre contractuel et compte tenu du décalage horaire ente Paris et Papeete.

Perspective

La perspective négative reflète l'inquiétude de l'agence quant aux perturbations qu’un nouveau changement de gouvernement probable dans les prochains mois, pourrait induire sur la trésorerie du Pays. Le 12 avril dernier, l’assemblée de Polynésie française à élu à sa tête le leader de l’opposition Oscar Temaru, mettant de facto en minorité la coalition soutenant Gaston Tong Sang, Président de la Polynésie depuis novembre2009.
Dans la situation actuelle de trésorerie, un nouveau changement d’exécutif pourrait mettre la note sous pression.

Si le Pays parvient à sécuriser de nouvelles sources de liquidité susceptibles de prévenir tout interruption du service des engagements financiers, la perspective pourrait être revue à stable. La contractualisation de lignes de trésorerie confirmée, d’emprunts moyen-long-terme –selon les éventuels clauses de sauvegarde-,ou d’autres sources de financement externe pourrait constituer un matelas supplémentaire.

Rédigé par communiqué le Jeudi 22 Avril 2010 à 16:38 | Lu 1318 fois