Tahiti, le 31 octobre 2025 - Clap de fin pour la 32e édition de la Hawaiki Nui qui se termine sur un exploit historique de Shell Va’a. Pourtant loin derrière le leader à l’aube de cette dernière étape, les hommes de David Tepava ont livré une course exemplaire tant au niveau physique que stratégique. Après 59 km et 4 heures, 11 minutes et 15 secondes, l’équipe au coquillage franchit la ligne d’arrivée mythique à Matira, remportant sa dixième Hawaiki Nui et faisant tomber le record de l’étape. Avec une belle bataille menée à distance, OPT prend la deuxième place tandis qu’Air Tahiti complète ce podium. Chez les vétérans 40, c’est le Team EDT qui décroche le titre tandis que chez les vétérans 50, c’est la formation de Huahine Fare Ara qui vient faire la fierté de tous les Raromata’i.
Ce vendredi matin, pour la dernière étape de la Hawaiki Nui Va’a entre Taha’a et Bora Bora, le plan d’eau était plus calme que la veille, car pour les juniors, open dames, vétérans dames et vétérans hommes 60, la course était terminée. Après les deux premières étapes, dont une sur le même parcours que les seniors, vétérans 40 et 50, ces quatre catégories ont connu une course intense avec des rebondissements. Les juniors d’Air Tahiti, vainqueurs de la deuxième étape et de l’édition, ayant été déclassés lors de la première journée entre Huahine et Raiatea pour un non-contournement de bouée qui leur avait valu trois minutes de pénalité. Mais la relève de l’équipe avait démontré dès le lendemain, et de la plus belle des manières, que son succès n’était pas volé en surdominant ses adversaires et terminant cette étape entre Raiatea et Taha’a avec plus de deux minutes d’avance sur le second, Mataiea Hoe. Une victoire finale qui couronne une génération dorée menée par Chance Tevita ou Maia Campbell, qu’il faudra suivre de près dans les années à venir.
Chez les femmes, la bataille attendue entre les rameuses d’Ihilani Va’a et les Hawaiiennes a bien eu lieu. Tenantes du titre, les rameuses d’Hawaii avaient comme objectif de conserver leur titre mais aussi de prendre leur revanche sur les coéquipières de Vaimiti Maoni qui leur avaient damé le pion il y a quelques semaines sur leur propre terre lors de la Na Wahine O Ke Kai. Et c’est bien Ihilani qui mettait la pression sur la Team Hawaii lors de la première étape. Vainqueur dans l’océan, Ihilani marquait son territoire. Mais l’ombre de ses adversaires planait car les Hawaiiennes étaient deuxièmes avec seulement 25 secondes d’écart, rien n’était joué. Malheureusement, le lendemain, dans le lagon entre Raiatea et Taha’a, les Hawaiiennes ont imprimé un rythme d’enfer que les rameuses d’Ihilani n’ont pu tenir. Terminant sur la ligne d’arrivée à Patio avec cinq minutes d’avance, la Team Hawaii conserve sa couronne mais Ihilani Va’a a encore prouvé son très haut niveau et qu’il faudra compter sur elle lors des futures courses à domicile et à l’étranger.
Chez les vétérans dames, pas de surprise. Après avoir gagné la Hawaiki Nui l’année dernière, la supériorité de l’équipe Ruahatu a été de tous les instants. Félicitations à cette équipe qui fait preuve d’une belle régularité.
Pour les vétérans 60, les six équipes inscrites ont livré un combat de tous les instants sur ces deux étapes, prouvant que le va’a peut être pratiqué à tous âges. Nous avons eu droit à un duel au sommet entre la Team Nunue, vainqueur lors de l’édition précédente, et la Team Pirae, qui avait fini quatrième. Mais cette année, les hommes du président Samuel Moo-Sung ont cette fois-ci gagné les deux étapes et décrochent donc une magnifique victoire sur cette 32e Hawaiki Nui.
Une étape déterminante
Ce vendredi donc, il ne restait sur la ligne de départ que les seniors, vétérans 40 et 50. Ces deux derniers partaient dix minutes avant les seniors pour une meilleure fluidité dans le lagon.
Sur les débuts de la course, c’est Air Tahiti qui menait suivi par Enviropol et Manihi alors que Po Pora Te Hoe Mamu et OPT étaient dans le peloton composé d’une dizaine de va’a. Shell, lui, a eu un départ plus timoré mais dans cette partie de course, aucun pronostic ne pouvait être fait tant il restait encore beaucoup de kilomètres à parcourir et surtout les changements de conditions de course allaient être déterminants à la sortie de la passe de Paipai. La cadence était forte dans ce premier quart de course et Air Tahiti et Enviropol ont commencé à creuser un écart conséquent. Derrière, Shell Va’a entamait sa remontée avec un coup de rame plus long, les hommes de David Tepava avaient mis en place une stratégie qui commençait à voir le jour.
Après quarante-cinq minutes de course, c’est toujours Air Tahiti qui passait en premier devant le temple de Tiva et creusait encore plus l’écart. Les hommes de Kyle Taraufau étaient déterminés à bouleverser la hiérarchie lors de ce round final.
Les premiers à sortir de la passe au bout d’une heure dix minutes de course étaient les vétérans 40 de Tamarii Aaro no Arue suivis des leaders d’EDT. Le vent d’est s’était levé et poussait très vite après la sortie du lagon les va’a pour une belle partie de surf qui s’annonçait.
C’était ensuite au tour des seniors de prendre la haute mer pour entamer la deuxième partie du parcours qui serait sûrement déterminante. Avec trois choix de cap, soit vers le mont O te Manu, soit sur Turiroa, soit vers Maupiti, on connaissait l’importance stratégique du cap, surtout sur une longue distance comme sur cette étape de 59 km. Dès la sortie de la passe, les équipes prenaient chacune le leur et Shell partait vers la pointe de Turiroa, seul. Mais ce n’était que le début de cette partie en haute mer et tout restait à faire. Du côté des deux autres favoris, OPT et Air Tahiti, le duel continuait. Avec le même cap, Air Tahiti était toujours devant. Cinq cents mètres séparaient les deux équipes mais le rythme commençait à monter du côté des postiers qui grappillaient des mètres au fil des minutes. Mais des équipes comme Enviropol, Team Huahine et Po Pora Te Hoe Mamu étaient venues se mêler à la fête.
À presque deux heures de course, Air Tahiti menait toujours les débats et la surprise est venue de Shell Va’a qui avait réalisé une remontée digne des champions qu’ils sont. Le choix de cap et le rythme imposés par ses rameurs leur ont permis de remonter à la deuxième place alors qu’à la sortie de passe, ils n’étaient même pas dans le top 10. Troisième et toujours aussi surprenante, Toa Amok était toujours là, dans le peloton de tête depuis le début de la course. L’équipe de Bora Bora avait annoncé qu’une victoire chez elle serait le plus beau des cadeaux et elle était encore dans le coup. En quatrième position, OPT gérait sa glisse. Sachant qu’ils avaient au départ plus de deux minutes d’avance au général sur leurs deux concurrents les plus dangereux, les postiers avaient mis une stratégie en place qui leur donnait raison. Car à la moitié de course, la remontée commençait.
Un choix payant
Mais à quelques encablures au large, le cap choisi par Shell Va’a commençait à payer car la houle était plus forte sur ce trajet-là, ce qui a permis aux coéquipiers de Putu Lister de mettre beaucoup plus d’intensité dans leurs coups de rame. En tête du classement, Shell poursuivait son parcours mais en parallèle, les autres formations maintenaient aussi un rythme d’enfer à l’image de Po Pora Te Hoe Mamu, Toa Amok. Un suspense incroyable s’installait avec des duels à distance de très haut niveau. À dix kilomètres de la pointe de Turiroa, impossible de savoir quelle stratégie allait être payante, entre Shell qui pointait directement sur Turiroa et le reste du peloton qui longeait le récif.
Du côté des vétérans 40, tout allait se jouer entre les trois cadors de la catégorie. À l’approche de la pointe de l’entrée du lagon, Tamarii Aaro no Arue était devant suivi de près par Mataiea, les vainqueurs de la veille, et EDT, les leaders au classement général.
À l’approche de la troisième partie de ce parcours, le choix du cap a commencé à payer, surtout pour Shell. Confiants en leur stratégie, seuls durant toute la course, les Shelliens avaient 1,9 km d’avance, soit sept minutes d’écart, sur leurs concurrents au passage du bateau officiel. Ayant bénéficié d’un surf tout au long de leur trajet, ils pourraient créer la surprise du jour et surtout célébrer la science du va’a de leur coach David Tepava. La victoire se profilait et même si rien n’était joué avant l’arrivée, on ne voyait pas ce qui pourrait empêcher Shell Va’a de remporter cette étape et surtout de décrocher le titre suprême.
Après avoir passé la passe de Te Ava Nui au bout de 3 h 30 de course, Shell dégageait une maîtrise et une confiance dignes des plus grands. Seuls dans le lagon, comme depuis le début de la partie en haute mer, les Shelliens connaissaient les conditions pour gagner cette Hawaiki Nui. La partie lagonaire demande une rame différente mais vu la supériorité stratégique de cette équipe tout au long de cette étape, rien ne semblait perturber la future arrivée sur la plage de Matira.
Loin derrière, Air Tahiti était deuxième et OPT troisième, suivis de Team Huahine et Po Pora Te Hoe Mamu.
Victoire époustouflante de Shell Va’a
Rien ne viendrait changer la destinée des rameurs de Shell et de son peperu Rete Ebb, longtemps adversaire mais qui, cette année, est venu se greffer au groupe et prendre la couronne suprême, remportée par Shell pour la dixième fois. Et comme un exploit ne vient jamais seul, le record de l’étape a été pulvérisé en 4 heures 11 minutes et 15 secondes. Une incroyable démonstration qui prouve que la science du va’a est un facteur déterminant sur les courses longue distance. Air Tahiti termine deuxième de l’étape et le Team OPT troisième, mais ils échangent leur place sur le podium au classement général.
Chez les vétérans 40, Tamarii Aaro no Arue décroche cette étape après avoir fini deuxième et troisième, mais c’est bien EDT qui prend la première place au classement général.
Chez les vétérans 50, c’est l’équipe de Huahine Fare Ara menée par Jean-Luc Eychenne qui décroche la victoire finale et vient remplir de joie les Raromata’i, fiers de voir l’une de leurs équipes ramener le titre.
Une Hawaiki Nui encore une fois réussie qui confirme au fil du temps la grandeur de cette course.
Et pour que la fête soit totale, le comité organisateur avait organisé samedi matin des courses pour toutes les catégories n’ayant pu participer à la Hawaiki Nui. Dans le lagon de Bora Bora, les minimes, benjamins, cadets, filles et garçons, les juniors filles, les entreprises, les mixtes, les para novices, les loisirs, les communes et les Amazones ont démontré encore une fois que le va’a touche tout le monde, et que quel que soit le niveau, la passion reste la même.
Réactions
Rete Ebb, peperu de Shell Va’a
“On y a cru jusqu’à la fin”
“Je suis très content, c’est incroyable. On y a cru jusqu’à la fin, on sait que la Hawaiki Nui se termine à Bora et qu’il ne faut rien lâcher. On a pris un cap diffèrent, on était tout seuls. On a bien surfé et arrivés à Turiroa, on a poussé fort. Ça fait deux mois que je suis avec eux, merci aux copains pour leur accueil et leur confiance. On savait qu’on avait les moyens de gagner et on a cru en nous.”
Teriitua Tefaatau, rameur d’Air Tahiti
“On a tout tenté”
“On a tout tenté aujourd’hui. On est bien partis, mais après, chacun a pris son cap. On était quand même bien en bas, mais ça n’a pas suffi. On regardait souvent derrière nous pour voir nos concurrents, mais on s’est surtout concentrés sur notre course. Félicitations à Shell.”
Temoana Taputu, capitaine du team OPT
“On a suivi la meute”
“Ça s’est joué sur des choix stratégiques. On est restés un peu en retrait pour voir les différents caps pris par les équipes. On a suivi la meute, mais ça n’a pas été le bon choix. Pour gagner trois fois consécutivement, c’est très difficile mais on n’a rien lâché. Je suis fier des boys. Félicitation aussi à Shell qui a fait une course incroyable.”
Albert Moux, président du club Shell Va’a
“Ce sont eux qui feront le va’a de demain”
“Le sport, c’est le sport. Il faut attendre l’arrivée pour connaître les vainqueurs. Aujourd’hui, les garçons ont montré toutes leurs qualités car gagner avec sept minutes d’avance sur ses poursuivants, ce n’est pas donné à tout le monde. Je suis surtout content pour nos jeunes qui sont en pleine construction. Hier, nous avions des jeunes de 18 ans, ils manquaient d’un peu d’expérience, donc on est très confiants pour l’avenir car ce sont eux qui feront le va’a de demain.”
Manutea Millon, rameur du Team Huahine
“Aujourd’hui, on a mieux marché”
“Toutes les étapes sont difficiles. Aujourd’hui, on a mieux marché que sur les deux précédentes. On s’est bien sentis. Le cap, c’est déterminant, mais quand on a un bon feeling, ça joue aussi beaucoup.”
Iorama Teahu, peperu de Po Pora te Hoe Mamu, Toa Amok
“On n’a pas réussi à tenir”
“On a essayé d’aller jouer avec ceux de devant, mais on n’a pas réussi à tenir. Je suis très fier des gars car on a bien ramé et ils ont montré que c’étaient des ‘aitos. On est cinquièmes et on en est très heureux.”
Tehira Roopinia, capitaine EDT, vainqueur en vétérans 40
“On a fait une grosse fin de saison”
“Heureusement qu’on a bien travaillé sur les deux premiers jours parce que Arue était fort aujourd’hui. On a été au coude-à-coude. Pourtant, on a pris des bonnes vagues mais ils n’ont rien lâché, ce sont des gros rameurs. On a fait une grosse fin de saison, les organismes commencent à être fatigués, mais on est contents, on termine bien en gagnant cette Hawaiki Nui.”
Jean-Luc Eychenne, membre de l’équipe Fare Ara, vainqueur en vétérans 50
“C’est un grand privilège”
“C’est toujours une joie de gagner cette course. C’est un grand privilège, quel que soit l’âge, car c’est beaucoup de sacrifices pour les rameurs et les familles.”
Propos recueillis par TNTV