“Rose Jonc”, un nouveau souffle pour les familles polynésiennes


L’immeuble Rose Jonc porte le nom de son ancienne propriétaire, en hommage à son engagement social.
Tahiti, le 23 septembre 2025- Au cœur de Papeete, l’immeuble Rose Jonc vient d’entrer dans le parc locatif de l’Agence immobilière sociale de Polynésie française. Ce bâtiment de six appartements offre un toit temporaire aux familles et travailleurs modestes, le temps de constituer une épargne
 
Nous sommes arrivés ici en juin.” Tautiare sourit en jetant un coup d’œil au bâtiment Rose Jonc, situé juste derrière elle. “Avant, on payait 80.000 francs de loyer, sans les charges. C’était beaucoup. Ici, c’est 51.000 francs, charges comprises. Grâce à cette différence, on peut mettre de l’argent de côté.” Son mari et elle disposent désormais d’un F3 lumineux au cœur de Papeete, à deux pas de l’école de leurs enfants et de leur travail. “Je marche pour aller au bureau. Les enfants vont seuls à l’école. C’est un soulagement mental énorme.
 
Pour cette famille, l’installation dans l’immeuble Rose Jonc n’est pas qu’un changement d’adresse : c’est la promesse d’un avenir plus stable. “Dans deux ans, on aura assez économisé pour trouver un logement à nous”, explique la trentenaire. Leur parcours illustre la mission de l’Agence immobilière sociale de Polynésie française (AISPF) : offrir une étape décisive vers l’autonomie.
 
Un projet collectif au cœur de Papeete
 
Situé 3, rue du Général Castelnau, l’immeuble Rose Jonc a été présenté ce mardi 23 septembre. Son acquisition, d’un montant de 260 millions de francs, marque une étape majeure pour l’AISPF. “Nous avons mobilisé 150 millions de fonds propres, le reste provient d’un crédit de la Banque de Tahiti”, précise la directrice l'AISPF – Rahu Ora, Vaiatu Frogier. Des travaux estimés à 10 millions de francs sont déjà programmés pour l’année.
 
Le bâtiment compte six appartements de type F3, meublés et destinés aux familles, couples ou étudiants qui connaissent des soucis financiers. Les bénéficiaires signent un bail de deux ans, à condition d’avoir un contrat de travail à durée indéterminée et un projet d’avenir. L’objectif est clair : permettre de constituer une épargne afin de rejoindre ensuite le marché privé ou social.
 
Une histoire ancrée dans la solidarité
 
L’émotion était palpable lors de cette présentation par l’AISPF de ce bâtiment qui vient enrichir son parc locatif. Christian Jonc, l’un des enfants des anciens propriétaires, a retracé la vie de ses parents, bâtisseurs infatigables de cet immeuble érigé en 1985. “Nos parents ont travaillé dur pour ce terrain. Mon père surveillait chaque clou, chaque ferraillage, ma mère gérait les comptes.” Vendre ce bien familial fut un choix de cœur : “Grâce à l’AISPF, cet immeuble continue de servir la collectivité. C’est la meilleure destinée possible.” Les frères et sœurs Jonc n’ont pas caché leur émotion, voyant dans cette vente un prolongement naturel de l’engagement social de leurs parents qu’ils souhaitent perpétuer. 
 
Pour Tautiare et les cinq autres familles qui vivront là, Rose Jonc est bien plus qu’un toit. C’est une chance de bâtir un projet, de reprendre souffle et de se préparer à une nouvelle étape. “Le dispositif n’est pas une fin en soi”, insiste la direction. Il s’agit de donner le temps et l’accompagnement nécessaires pour que chaque foyer trouve sa propre voie. 
 
À Papeete, au cœur d’un marché immobilier tendu, ce nouveau lieu se veut un modèle : une preuve qu’avec une gestion rigoureuse, une vision sociale et la confiance des pouvoirs publics, il est possible d’offrir un futur plus serein aux familles polynésiennes.
 

Tautiare et David, avec leurs enfants, sont les premiers locataires de l’immeuble à bénéficier de l’aide de l’association Rahu Ora.
Rahu Ora, l’agence au service des plus fragiles
 
Fondée en 2008, l’Agence immobilière sociale de Polynésie française (AISPF) – plus connue sous le nom de l'association Rahu Ora – s’inspire des structures métropolitaines du même type. Sa vocation : offrir un logement temporaire décent à des familles, étudiants ou jeunes travailleurs en difficulté, tout en leur assurant un accompagnement social personnalisé.
 
Au départ réservée aux familles avec enfants, l’offre s’est progressivement élargie aux étudiants boursiers, jeunes couples sans enfant et travailleurs célibataires. Les baux, d’une durée de deux ans maximums, sont assortis d’un suivi rapproché : une assistante sociale aide chaque bénéficiaire à consolider son projet d’autonomie. 
 
Une subvention annuelle de 300 millions de francs, a permis à Rahu Ora, en 2024, de mobiliser 277 logements à destination de 445 bénéficiaires. L’association, présidée actuellement par Jerry Biret avec Antonina Bambridge comme secrétaire, fonctionne avec un conseil d’administration composé de bénévoles issus de la société civile.
 
Son équipe salariée, presque entièrement féminine, est mue par un engagement quotidien visant à lutter contre la précarité. L’achat de l’immeuble Rose Jonc s’inscrit dans cette même logique : transformer la solidarité en tremplin vers l’avenir.
 
Depuis 2021, Rahu Ora s’est dotée d’une “petite sœur” : Aveia Ora. Cette agence immobilière “très sociale”, s’adresse aux familles en grande précarité, celles qui ne peuvent accéder par leurs propres moyens à un logement décent. Avec une subvention annuelle de 69 millions de francs, elle sous-loue des logements meublés, issus du parc privé, à des loyers très modérés, compris entre 5.000 et 25.000 francs par mois, selon la taille du bien.

Rédigé par Darianna Myszka le Mardi 23 Septembre 2025 à 13:15 | Lu 6516 fois