Putiare Iotefa: “Je n'attends pas que la maladie vienne me chercher”


Débordante d'énergie, Putiare Iotefa, 48 ans, livre un témoignage sans filtre sur son combat.
Tahiti, le 10 octobre 2025 - Dans le cadre d'Octobre Rose, nous avons rencontré Putiare Iotefa, 48 ans, membre active des Amazones Pacific. Diagnostiquée d'un cancer du sein en octobre dernier, cette ancienne animatrice périscolaire a enchaîné opération, chimiothérapie et radiothérapie en sept mois. Débordante d'énergie, le regard pétillant, elle parle avec une intensité et une passion communicatives. Aujourd'hui guérie, elle livre un témoignage sans filtre sur son combat, loin des clichés de la “guerrière courageuse”.
 
Comment avez-vous découvert votre maladie ?
“Je me suis baignée et j'ai senti quelque chose de bizarre au niveau du sein. Pas une autopalpation, vraiment par hasard. Ça tombait bien, j'allais voir mon gynécologue dans la semaine. Je lui ai dit : ‘Ce n'est pas normal pour moi, c'est la première fois.’ Il m'a fait faire une radio immédiatement, puis une biopsie. Quinze jours d'attente pour les résultats. Le 24 octobre, elle m'annonce : ‘Tu as bien le cancer du sein.’ Pendant cinq minutes, j'étais bouche bée. Dans ma tête : ‘Allô, mais pourquoi moi ? Je suis en bonne santé, je prends soin de moi, je suis sportive.’ J'ai pleuré cinq minutes. Puis je me suis dit : ‘P***, il faut accepter.’ Je ne suis pas restée bloquée là-dessus.”
 
Vous avez été opérée quinze jours plus tard. Pourquoi cette urgence ?
“Pour moi, c'était un combat personnel. Je me suis dit : ‘Non, je n'attends pas que la maladie vienne me chercher.’ Je suis jeune, je suis mariée, j'ai quatre filles. Opération le 6 novembre ; chimiothérapie à partir du 23 décembre ; terminé le 12 mai, puis radiothérapie jusqu'au 16 juillet. Mon objectif : au bout de ce combat, j'ai mon mari et mes enfants qui m'attendent.”
 
Comment l'avez-vous annoncé à vos filles ?
“On s'est réunies. Je leur ai parlé tranquillement, comme si je leur expliquais une chose normale. Ça n'a pas été difficile de communiquer. À un moment, on est obligé de le dire. Je leur ai dit : ‘Maman est gravement malade. Ce n'est pas une fin. Maman va se battre. J'ai juste besoin de votre amour et de votre soutien.’ Mes deux grandes ont fait des examens. Elles n'ont rien. Ça me rassure en tant que maman.”
 
Vous dites que le sport vous a “sauvée”. Comment ?
“Le lendemain de ma deuxième chimiothérapie, j'ai repris le sport. Mon mari m'a dit : ‘Mais t'es pas bien, toi ?’ Dans ma tête, si je me laissais aller. Me reposer, c'était me laisser mourir. J'avais l'impression d'être plus forte que la chimio. Comme j'étais déjà sportive avant, ce n'était pas une obligation, c'était normal chez moi. Le sport m'a vraiment aidée pendant le traitement. Je faisais du vélo, de la randonnée, de la voile... Quand j'étais affaiblie, dans ma tête, je continuais mon sport au quotidien.”
 
Qu'est-ce vous n’appréciez pas de ce que les gens disent quand on annonce son cancer ? 
“De la pitié. Ça, je déteste. Je déteste qu'on me parle comme si j'étais déjà morte. Parlez-moi normalement ! Je suis vivante, je suis bien. Pour moi, ma maladie, c'est comme si c'était une grippe, pas une grave maladie. Il faut s'inquiéter le jour où on ne me verra plus courir, faire du va'a. Mais tant que je bouge, tout va bien.”
 
Comment vous êtes-vous retrouvée chez les Amazones Pacific ?
“Ma grande m'a dit : ‘Écoute maman, vas-y, essaye, peut-être qu'il y a d'autres personnes comme toi.’ Je lui ai répondu non. J'étais bien dans ma zone de confort à la maison. Dans ma tête je n'avais pas besoin des autres. Aujourd'hui, je suis tellement contente qu'elle m'ait encouragée ! J'apporte quelque chose aux autres qui leur donne de l'espoir pour continuer leur combat. Quand je viens ici, j'oublie tout. C'est comme si je me voyais avec des copines, sans penser à la maladie.”
 
Vous parliez de tabou autour du cancer dans la culture polynésienne...
“Chez nous, les Polynésiens, on est très famille, mais c'est très tabou. On n'en parle pas à n'importe qui. Aux temps anciens, c'était comme ça, et aujourd'hui encore. Mais moi, je veux casser ce tabou. Les mentalités ont évolué. J'essaie d'être à la page pour mes enfants. Je discute de tout avec mes filles, de sexe, peu importe. J'ai le respect pour les matahiapo, mais avec mes enfants, c'est autre chose.”
 
Que changeriez-vous dans le système de santé polynésien, si vous le pouviez ?
“Le lieu de l'oncologie. Les gens se retrouvent dans le couloir et certains sont gênés qu'on sache qu'ils ont un cancer. Moi j'ai dit : ‘Ben non, on est malade et voilà.’ Mais il y en a qui avaient la tête baissée. Il faudrait un endroit plus à l'écart. Mais moi je dis : il faut accepter, il faut garder la tête haute.”
 
Quel conseil donneriez-vous à une femme qui sort du cabinet médical avec un diagnostic ?
“Il faut accepter. Il ne faut pas se décourager. On a tous les moyens de traitements qui peuvent aider à guérir. Mais il faut fournir beaucoup d'efforts. Mentalement, c'est très dur. Et physiquement aussi. C'est un combat très mental. Aujourd'hui, je suis arrivée vainqueure du combat.

Marie-Christine Seroux, présidente des Amazones Pacific.
Amazones Pacific : agir toute l'année
 
Le cancer ne s'arrête pas fin octobre. L'association Amazones Pacific accompagne les femmes tout au long de leur parcours de soins grâce à l'écoute, au partage et à des ateliers de soins de support proposés au Fare Amazones. Pour rappel : la mammographie tous les deux ans pour les femmes de 50 à 74 ans permet de détecter tôt le cancer et d'augmenter les chances de guérison. Pour les femmes plus jeunes présentant des facteurs à risque, un suivi personnalisé est essentiel.
 
Attention aux fausses solidarités
 
Durant Octobre Rose, de nombreuses entreprises vendent des produits “solidaires” en affichant le logo des Amazones Pacific. Vigilance : l'association ne perçoit de reversement que si une convention a été signée avec l'entreprise. Malheureusement, certaines sociétés utilisent le nom de l'association sans verser le moindre franc. Avant d'acheter un produit “Octobre Rose”, vérifiez qu'une convention avec cette association (ou une autre) existe réellement. Vous pouvez les contacter pour confirmation. Votre générosité mérite d'arriver à bon port.

Rédigé par Darianna Myszka le Vendredi 10 Octobre 2025 à 17:59 | Lu 826 fois