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Prison de Papeari : le syndicat pénitentiaire s’oppose à une embauche métropolitaine


Une manifestation d'agents pénitentiaires a été organisée lundi pour dénoncer le recrutement d'un agent technique métropolitain pour un poste d'informaticien à la prison de Papeari.
Une manifestation d'agents pénitentiaires a été organisée lundi pour dénoncer le recrutement d'un agent technique métropolitain pour un poste d'informaticien à la prison de Papeari.
FAAA, 19 septembre 2016 - Les agents pénitentiaires de Faa’a-Nuutania manifestent à l’appel du syndicat maison contre la mutation à Tahiti d’un technicien informatique actuellement en poste en métropole et sans attache sur le fenua.

Ce que redoute surtout le syndicat pénitentiaire de Polynésie française, apparenté Force ouvrière, est que cette affaire ne crée un précédent dommageable pour l’avenir, alors que dans l’immédiat plusieurs postes d’agents techniques demeurent encore à pourvoir au nouveau centre pénitentiaire de Papeari.

L’élément qui a mis le feu aux poudres est l’annonce, mardi 13 septembre, de la mutation d’un agent métropolitain pour occuper le poste d’informaticien en qualité d’adjoint technique au centre de détention de Papeari. Cette décision a été prise par la direction centrale de l’administration pénitentiaire, à la suite d’une analyse en commission administrative paritaire de mini-mobilité d’adjoints techniques restée infructueuse.

"Partant de là, ils auraient dû ouvrir un concours pour un recrutement local. Mais le poste a directement été confié à un agent métropolitain. Et ça, on ne comprend pas", dénonce Angelo Zarli, le secrétaire général du syndicat FO Pénitentiaire.

Pour les agents manifestants du centre pénitentiaire de Faa’a-Nuutania, cette décision de mutation est d’autant moins compréhensible qu’elle déroge, selon eux, à un accord de fin de conflit signé avec la direction régionale en avril 2003 et sans cesse respecté depuis. Ce protocole d'accord stipule que "pour tous les postes vacants, il sera recherché, dans le respect des règles statutaires, à recruter un personnel polynésien par voie de concours ou de promotion interne", les détachements ne pouvant intervenir qu’ "à défaut de candidats susceptibles de remplir les conditions de ces postes" ou à la suite d’un concours resté infructueux.

Protocole et engagement officiel

"Pour le moment ce poste n’a pas été proposé aux Polynésiens", assure Angelo Zarli. "Je pense que nous avons ici, en Polynésie, suffisamment de personnes compétentes en informatique".

Dans le milieu pénitentiaire en Polynésie française, les recrutements d’agents techniques sont ouverts au niveau national en fonction d’un profil recherché. Mais il est tenu compte du Centre d’intérêt moral et matériel (CIMM) de chaque candidat, afin de favoriser les agents qui auraient un intérêt familial ou patrimonial à être muté sur le territoire, pour une affectation sans limite de durée. Dans le cas contraire, les mutations sont faites pour une durée de deux ans et moyennant indemnités d’éloignement.

Mais depuis 2012, les syndicalistes affirment que la Polynésie fait l'objet d'une particularité, au plan national. Le Haut-commissariat a pris l’engagement lors de la Convention d’engagement partenarial pour l’emploi et le développement local, signée cette année-là avec le Pays et la mairie de Teva I Uta, d’installer un centre d’examen décentralisé afin de permettre l’organisation en Polynésie française du concours des services pénitentiaires. Les 204 futurs agents pénitentiaires polynésiens recrutés par ce biais sont actuellement en formation à Agen. Ces concours déconcentrés ont également été mis en œuvre pour le recrutement du 1er surveillant, des officiers, des secrétaires administratifs de la future prison de Papeari.

Les agents techniques ont fait l'objet d'un recrutement "à la carte". "Aujourd’hui, nous avons une personne de métropole – nous n’avons rien de personnel contre elle – qui s’est positionnée mais qui ne remplit pas les conditions", dénonce le syndicaliste Karl Manutahi, en faisant de cette affaire une question de principe. "Nous avons ici, aujourd’hui, une jeune informaticienne recrutée en CDD, qui habite Papeari et qui attend que l’on ouvre un concours pour qu’elle puisse postuler et régulariser sa situation".
"Si nous ne sommes pas entendus aujourd’hui, nous le serons demain : nous continuerons à nous plaindre jusqu’à ce qu’ils respectent le protocole d’accord de 2003", clame de son côté Angelo Zarli.

La manifestation de lundi s’est faite dans le calme, avec l’accord de la direction de l’établissement pénitentiaire de Faa’a. Le directeur, Yannick Massard n’a pas souhaité faire de déclaration en opposant son devoir de réserve. De leur côté, les manifestants affirment qu'ils ne sont "pas là pour bloquer le fonctionnement pénitentiaire. Nous avons choisi de manifester un lundi parce que ce n’est pas un jour de parloir". Des bonnes manières qui ne masquent qu'à peine leur apparente détermination dans ce dossier.

La prison de Papeari en quelques chiffres

Le chantier du centre pénitentiaire de Papeari a été lancé en juin 2013 pour un coût de 9,403 milliards Fcfp (78,8 millions d’euros) financés par l’Etat. Du point de vue de son coût, il s'agit de la plus importante réalisation en cours en Polynésie française. La maîtrise d’œuvre a été confiée à l’entreprise métropolitaine Léon Grosse.

Cette prison de 12 450 m2 de surface utile, et d’une capacité d’accueil de 410 détenus, entrera en activité en mai 2017 avec plus de six mois de retard. L’établissement est composé de cellules de 10,5 m², équipées d'une douche, d'un WC, d'un lavabo, d'un lit, d’une liseuse, d’une table et d'une chaise, conçues pour accueillir un seul détenu.

L’ouverture de la prison de Papeari doit générer 250 emplois pérennes. Le recrutement des futurs agents a donné lieu en 2015 à une sélection par concours, localement. Parmi les 4502 candidats qui ont participé aux épreuves dans les 16 centres d’examen, 794 ont été reconnus admissibles et 204 élèves agents pénitentiaires ont finalement été recrutés. Ce contingent suit actuellement une formation de 8 mois à Agen, à l’Ecole nationale d’administration publique (ENAP). Initialement attendu de retour en Polynésie française courant octobre, cet effectif ne sera finalement de retour que mi-décembre, compte tenu du retard pris par les travaux de construction. Les prises de fonction opérationnelles doivent avoir lieu le 30 janvier 2017, dans le nouveau centre pénitentiaire, trois mois avant la réception des premiers détenus. La prison de Papeari ne devrait accueillir que des détenus hommes, majeurs et soumis à de longues peines.
(Photo prise en juin 2015)
(Photo prise en juin 2015)

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 19 Septembre 2016 à 14:55 | Lu 11584 fois