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Pays associé : Gaston Flosse présente son rêve statutaire


Gaston Flosse a présenté jeudi son projet d’évolution du statut d’autonomie vers celui de Pays associé. Un texte dont l’avenir est très incertain aujourd’hui.
Gaston Flosse a présenté jeudi son projet d’évolution du statut d’autonomie vers celui de Pays associé. Un texte dont l’avenir est très incertain aujourd’hui.
PAPEETE, 10 mars 2016 - Gaston Flosse a fait la démonstration, jeudi matin au siège du Tahoera’a Huiraatira, des vertus d'un projet de loi constitutionnelle devant ouvrir la voie à l’évolution du statut d’autonomie de la Polynésie française vers celui de Pays associé à la France.

"Cet exercice-là, c’est la quatrième fois que je le fais", a rappelé Gaston Flosse au cours d’un exposé de plus de deux heures au sujet des vertus du statut de Pays associé, comme évolution ultime du statut d’autonomie de la Polynésie française au sein de la République : "Une première fois devant le bureau exécutif du Tahoera’a, voté à l’unanimité ; puis devant le conseil politique, voté à l’unanimité des 180 présents, moins une voix ; et hier soir devant le grand conseil, avec une unanimité pour".

Le Tahoera’a semble massivement d’accord pour provoquer cette évolution statutaire. Comme le rappelait Gaston Flosse, lors du procès en correctionnelle de l’affaire des annuaires de l’OPT : "Le Tahoera’a, c’est moi !". Mais, détail remarquable, jeudi matin, le président délégué du parti, Marcel Tuihani, a privilégié une intervention sur le plateau de Radio 1, de 10 h 45 à midi, alors que la police perquisitionnait la présidence de l’assemblée dans le cadre d’une enquête préliminaire et qu’une chaise vide était réservée à son attention au siège du Tahoera’a…

Présentées à la presse jeudi matin, les explications détaillées du statut de Pays associé que concocte le parti orange depuis plusieurs mois ont été adressées par courrier à tous les groupes politiques de l’assemblée, au haut-commissaire, au gouvernement Fritch et aux associations Moruroa e tatou et 193. "Ca, c’est de la transparence", s’est amusé le Vieux Lion.

Si Gaston Flosse annonce qu’il prend dorénavant son "bâton de pèlerin" pour informer la population dans les mois qui viennent, cet exposé surgit aujourd’hui dans un contexte assez défavorable politiquement. Le président Fritch a clairement précisé qu’il n’était pas sur la même ligne idéologique que son ancien mentor, quant à cette question statutaire. Sa majorité à l’assemblée se posera en obstacle à toute évocation à Tarahoi. Attitude en quoi il rejoint la position soutenue par Paris, où on œuvre actuellement à un "dépoussiérage" de la loi statutaire modifiée de 2004.

Lire aussi : "Ah, vous savez, c’est dur d’être français !" (Flosse)

Depuis janvier 2015, une proposition de résolution portée par le Tahoera’a pour une évolution statutaire doit être examinée à Tarahoi. Compte tenu du trop faible soutien dont il serait l'objet, ce texte dort encore au fond d’un tiroir du côté de la présidence de l’assemblée et n’a jamais risqué d’être soumis à la critique en séance plénière.

Car Gaston Flosse ne peut guère espérer plus de soutien du côté des indépendantistes. Oscar Temaru le rappelait dernièrement : il souhaite l’accession de la Polynésie au statut d’Etat souverain. La collectivité, une fois indépendante, pourrait s’associer entre autres à la France.

"Enchâssée" au sein de la constitution

Le Pays associé voulu par le Tahoera’a est au contraire une évolution statutaire, assortie de compétences élargies et d’une organisation institutionnelle renforcée. "L’Etat n’abandonne pas ses prérogatives, il les délègue dans le cadre de la Constitution et sous le contrôle du conseil constitutionnel, garant de l’équilibre nouveau", précise-t-on, tandis que le statut d’Etat associé ne s’entend qu’après accession de la collectivité à une souveraineté pleine et entière, dans le cadre d’un accord de coopération.

Présenté comme la clé du développement futur de la collectivité, selon Gaston Flosse le statut de Pays associé laisserait à l’Etat les compétences régaliennes sur la monnaie, la justice, l’ordre public. Il abandonnerait à la France la charge du système polynésien de l’éducation (65 milliards Fcfp par an) mais donnerait au Pays une stature renforcée "enchâssée" au sein de la constitution française avec la capacité de rendre la justice en matière de droit foncier, de droit du travail ou de préférence locale. Rien ne pourrait plus être décidé à Paris sans l’accord du président du Pays, de l’assemblée ou de la population consultée par référendum.

Ce projet de statut prévoit également de graver la dette nucléaire dans le marbre de la Constitution française, dans les conditions décrites par la résolution du 27 novembre 2014, sur les conséquences environnementales.

Ce nouveau statut prévoit, outre celle des représentants de l’assemblée, l’élection d’un président de la Polynésie française au suffrage universel, chef de l’exécutif et compétent en matière de politique étrangère.
Détail intéressant : le Pays s’octroie aussi la capacité de pouvoir "remercier" des agents de la fonction publique d’Etat. Un procureur qui serait trop gênant, par exemple.

Cette modification statutaire s’appuierait en préalable sur une "loi fondamentale" qui viendrait modifier l’article 74 de la Constitution française. Vaste sujet en soi : celle-ci devrait être votée par le parlement français, réuni en congrès. Ensuite, les institutions locales, sous le régime du statut d’autonomie de 2004, disposeraient d’un an pour coucher les nouvelles dispositions de cette "loi fondamentale" dans le cadre d’un nouveau statut de Pays associé. Un pays rebaptisé "Tahiti Nui-Polynésie française".

On le sent bien : la route est semée d’obstacles, devant ce projet statutaire. Un rêve autonomiste dont les chances de réalisation ne sont pour l'heure qu'à la mesure des rares soutiens politiques qui le portent au plan local.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 10 Mars 2016 à 16:11 | Lu 4389 fois