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Oscar Temaru : "Nous avons eu tort de laisser le tourisme entre les mains de professionnels"


Oscar Temaru : "Nous avons eu tort de laisser le tourisme entre les mains de professionnels"
FAA’A, jeudi 18 octobre 2012 – Oscar Temaru a présenté le projet "Welcome Home – Haere mai ra" comme une solution pour accroître la capacité d’accueil touristique en Polynésie. Ce projet s'adresse au bénévolat de la population et prône le développement de chambres d'hôte chez l'habitant. Il s'inspire du principe du "Couch surfing", mais de l'aveu du président, aucune étude d'impact sur l'économie touristique et notamment des structures d'hébergement existantes, n'a été menée en Polynésie française.

Pas d'enquête, mais un crédo : "le touriste qui ne paye pas son séjour à l'hôtel consommera plus ailleurs et autrement, fera plus de sorties, notamment culturelles", pour en finir avec les "circuits fermés qui ne profitent qu'à une minorité".

"Nous n’avons pas assez de chambres d’hôtel dans ce pays", déclare en outre Oscar Temaru en mettant en avant l’organisation prochaine de grands rassemblements sportifs, comme la coupe du monde de beach soccer et les possibles Jeux du Pacifique de 2019 à Tahiti. Des événements lors desquels le besoin d’hébergement pourrait atteindre ponctuellement plusieurs milliers de chambres alors que la capacité d’accueil sur l’île est de 1130 unités (source : Tahiti Tourism Authority).

Aussi, le projet "Welcome Home – Haere mai ra" entend-t-il développer un réseau de chambres d’hôte, chez l’habitant, pour accueillir gratuitement les visiteurs qui le souhaitent.

Dans un premier temps, 1.500 unités d’hébergement de ce type pourraient voir le jour dans la commune de Faa’a.
"Je pense que nous avons eu tort de laisser pendant des années le tourisme entre les mains de professionnels", explique Oscar Temaru qui entend, par le biais de cette innovation ambitieuse replacer la population au cœur du développement de l’industrie touristique.

"Je demande à la population de préparer une chambre d’hôte", développe Oscar Temaru. "Bien sûr cela ne se fera pas comme ça sans qu’il y ait une formation adéquate. Le service du Tourisme (…) organisera des formations pour l’accueil et certainement des visites dans ces familles, pour voir si les conditions souhaitées sont présentes. (…) Je compte sur la participation de toute la population. Nous allons commencer par Faa’a, pour mettre en place ce réseau de chambres d’hôte. Nous ferons appel dans un deuxième temps aux autres communes. Nous n’avons pas assez de chambres d’hôtel dans ce pays. En tout, avec les pensions de famille et les hôtels, nous sommes justes au-dessus des 3.000 chambres. Il s’agit d’une capacité d’accueil très limitée, si nous voulons vraiment atteindre l’objectif de quelques centaines de milliers de touristes chez nous.
Nous avons besoin que la population prenne cette affaire en main. J’ai toujours souhaité que le tourisme soit chez nous l’affaire de tous. Et je ferai un travail de sensibilisation au niveau des différentes communes, des maires et également auprès de toutes les confessions religieuses, des associations sportives, pour que le tourisme soit l’affaire de tous.

Mais déjà, si on arrive à faire en sorte ici à Faa’a, où il y a quelques 6.000 familles, de créer 1.500 chambres d'hôte chez l'habitant, c’est énorme. Et on le fera savoir au plan international.
Mais attention, c’est Accueil traditionnel : c’est gratuit ! Haere mai i te fare : haere mai tama’a.
Notre pays a la réputation d’être très cher. Tahiti c’est beau, dit-on, c’est magnifique, c’est plus beau que Hawaii – j’ai tout entendu --mais vraiment c’est cher. Alors comment combattre cette réputation qui ne me plait pas beaucoup ? Et bien je fais appel à la population pour de petites chambres d’accueil, traditionnelle, de chez nous
".

Oscar Temaru : "Nous avons eu tort de laisser le tourisme entre les mains de professionnels"
Comment pouvez-vous arriver à la conclusion que nous n’avons pas assez de capacité d’accueil alors que les hôtels de Polynésie tournent avec des taux d’occupation moyens à peine supérieurs à 50% ?

Oscar Temaru : Vous savez nous sommes dans une situation où nous devons nous poser les bonnes questions. Je vais vous citer un exemple : j’ai été invité à un grand rassemblement organisé par Morinda, à Los Angeles, qui a réuni plus de 10.000 revendeurs. Cette réunion devait à l’origine être organisée ici, chez nous. Et bien il n’y avait pas assez de chambres.
De nombreuses autres organisations souhaiteraient tenir ce genre de rassemblement chez nous. Mais il n’y a pas assez de chambres d’hôtel. Si 5.000 visiteurs arrivent d’un coup, comment fait-on pour les accueillir ?
Pour le championnat du monde de Beach soccer, l’an prochain, comment ferons-nous pour accueillir tous nos visiteurs ?

Je veux que la population se prépare psychologiquement dès aujourd’hui à accueillir. Il faut que la population mette la main à la pâte. Je pense que nous avons eu tort de laisser pendant des années le tourisme entre les mains de professionnels.

Certes, ils savent ce qu’ils ont à faire et ils le font bien. Mais nous, que sommes-nous là-dedans ? Comment pouvons-nous contribuer ? Voilà la question qu’il faut se poser.

Nous organisons bientôt le semi marathon de Tahiti (3 novembre 2012, ndlr), avec des concurrents étrangers qui vont venir y participer. Il y aura la compétition de Beach soccer et d’autres manifestations encore.
Je veux que l’île de Tahiti soit la première destination touristique en Polynésie.


N’avez-vous pas peur que cela nuise aux pensions de famille et à l’industrie du tourisme en général ?

Oscar Temaru : Non, je crois le contraire. Ces gens-là qui viendront dans les familles auront l’occasion d’aller voir les pensions de famille, voire de se rendre dans les hôtels. De retour chez eux ils pourront témoigner : ce seront les meilleurs ambassadeurs. Ils auront vécu l’accueil traditionnel. Et ils auront eu le choix.
Il y a aussi l’aspect économique : ces visiteurs achèteront des produits de l’artisanat, dépenseront au marché, achèteront des produits locaux. Le tissu économique en bénéficiera.



Le Pays sera-t-il partenaire pour aider les familles qui le souhaitent à aménager ces chambres d’hôte ?

Oscar Temaru : Oui, le Pays participera.

Comment convaincre la population d’accueillir des visiteurs à domicile, gratuitement ?

Oscar Temaru : (…) Nous avons un peu d’expérience à ce niveau à travers les visites d’un navire qui vient assez souvent chez nous, le Peace Boat. Les premiers visiteurs qui sont venus par ce biais étaient des japonais. (…) Cette expérience s’est très bien passée. Maintenant, à chaque fois qu’ils reviennent ils veulent aller chez l’habitant. Et c’est gratuit.

(…) Il ne faut pas laisser un fossé se créer entre la population et nos visiteurs. Il y a un chantier de sensibilisation pour que cette population comprenne que le tourisme est la première ressource du pays. Au bout du compte, il s’agit de créer des emplois pour nos enfants. Si nous atteignons, ne serait-ce que 500.000 visiteurs par an, il faudra que les agriculteurs redoublent d’efforts pour nourrir tout ce monde, et c’est pareil pour le secteur de la pêche.

Le tourisme doit bénéficier à la population et doit être l’affaire de la population. Et non pas simplement l’affaire des professionnels, comme c’est le cas depuis quelques décennies. Il est temps que cette population prenne l'affaire en main. Enfin c’est mon avis.

Projet Welcome Home – Haere mai ra

Les volontaires peuvent d'ores et déjà se faire connaître auprès de Stéphanie Boue ou Annie Ebb à la mairie de Faa'a. Tél : 800 960 poste 221


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 18 Octobre 2012 à 15:23 | Lu 10073 fois