Opales : l'arc-en-ciel minéral du Mexique


Sur fond noir, jeux de lumière et de couleurs avec ces opales nobles parcimonieusement livrées par le sous-sol du Mexique.
Tahiti, le 19 novembre 2020 - C’est à un voyage extraordinaire, datant évidemment d’avant la Covid 19, que Tahiti Infos vous invite aujourd’hui et la semaine prochaine : à travers le Mexique, que nous avons parcouru en diagonale entre Mexico et Guadalajara, nous vous convions à la découverte des opales dont les laves de ce pays regorgent. Une pierre que l’on assimile un peu trop vite à la seule Australie. L’opale a une autre patrie, le Mexique. Cette semaine, nous partons à la découverte des plus précieuses d’entre elles, les opales multicolores ; la semaine prochaine, nous plongerons dans le monde scintillant des opales de feu...
 
Dans les livres de minéralogie, il n'est pas rare de dénicher, plus ou moins bien mise en valeur, une photo d'opale du Mexique, généralement orange, très souvent supposée avoir été récoltée à Zimapan. Curieux de nature, nous avons pris notre baluchon pour l'altiplano central mexicain. Direction... Zimapan justement.
L'histoire des opales mexicaines est pour le moins imprécise et confuse ; autant les Australiens ont parfaitement su gérer sur le plan marketing leurs trouvailles (Cooper Peaddy, White Cliffs, Lightning Ridges) et les faire connaître au monde entier, autant les Mexicains, très "latins" dans leur joyeux amateurisme, n'ont jamais su promouvoir leur pierre. D'où un malentendu de taille : Zimapan n'a jamais produit une seule opale (elles sont extraites non loin de là, à San Juan del Rio).

Dans les laves du Mexique, mais bien au-delà, les opales se détachent facilement de leur gangue de rhyolite. Il suffit de creuser...
Cabochons ou facettes ?
 
A dire vrai, le terrain est tellement en friche sur le plan de l'information que Tahiti Infos a décidé de vous faire effectuer deux promenades au Mexique sur les traces des opales afin de vous permettre de vous y retrouver dans les gisements et les catégories de pierres. Aujourd'hui, nous effectuerons quelques centaines de kilomètres en traversant le Mexique d'est en ouest sur la piste des opales précieuses. La semaine prochaine, nous nous concentrerons sur une seule zone, celle qui produit les fameuses opales orange.
La différence entre les unes et les autres est simple : les opales précieuses sont multicolores et d'un prix très élevé, plutôt taillées en cabochon, alors que les opales orange (du jaune miel au rouge sang) sont parfois estimées de moindre valeur et souvent facettées. Les unes et les autres méritent bien entendu le déplacement, et pour tout dire, Tahiti infos s'est déplacé quatre fois au Mexique, pour un séjour cumulé d'environ deux mois, afin de visiter toutes les mines et d'enfin cerner l'histoire de ces mystérieuses opales mexicaines.
 
Aztèques et conquistadores
 
Pour l'opale précieuse, tout commença au temps des Aztèques ; la quetza-litzle-pyollitli de Moctezuma était déjà bien connue, son nom signifiant tout bêtement "pierre qui change de couleur". 
Sa popularité dans la bijouterie précolombienne n'atteignit jamais celle de l'obsidienne, du jade ou même de la turquoise. Sans doute les opales étaient-elles trop fragiles. 
Lorsque Cortès débarqua avec sa bande de soudards pour en découdre avec cet empire regorgeant d'or, il ne fit curieusement pas référence aux opales et d'ailleurs il n'en envoya guère en Espagne au titre du fameux “quint” qu'il devait à son roi (20 % du produit des pillages). En revanche, l'opale mexicaine surgit assez vite dans les écrits de l'époque, puisqu'elle était connue dès 1530 environ en Europe ; ni ruée ni engouement, la belle s'endormit pour longtemps et ne s'éveilla en fait qu'aux alentours de 1855 lorsque son exploitation repartit du côté de Queretaro.

Le travail de dégagement des opales se fait en dynamitant la lave (de la rhyolite) : on fait une perforation à la barre à mine, on bourre de dynamite, on allume et on part en courant vite !
Du Canada au Honduras
 
Où trouve-ton des opales au Mexique ? Bonne question, vaste réponse : en fait de la côte est à la côte ouest, dans une très large bande incluant les environs de Mexico et ceux de Guadalaraja près du Pacifique. 
Plus parlant encore, l'arc à opales du Nouveau-Monde part de la côte ouest du Canada pour se terminer au Honduras ; dans les laves de ces régions, les conditions géologiques de formation des opales ont été favorables et de fait on en trouve en provenance de solutions hydrothermales dans toute la région : opale commune, bois “silicifié”, opale noble et parfois opale de feu.
C'est donc autour de Queretaro que tout commença. Ou plutôt recommença, puisque nous l'avons dit, les Aztèques savaient déjà.
En 1855, les premières opales autour de San Juan del Rio sont signalées, mais il fallut attendre 1870 pour qu'un certain Don José Maria Siurob ouvre la mine de Santa Maria Iris. Partout alors, on commença à prospecter plus sérieusement dans la région, tant vers Queretaro que Tequisquiapan ou même Zimapan. En fait, des opales, on allait en trouver dans les états de Jalisco, de Guerrero et plus au nord, dans la sierra des Tarahumaras.
Particularité des gisements de San Juan del Rio, l'extraordinaire abondance de silice, tant en surface qu'au fin fond des mines, silice présente sous forme de calcédoine en rognons ou plus simplement d'opale précieuse ou d'opale de feu. 
Une parenthèse, les opales précieuses représentent environ 20% des opales extraites de ces mines, les autres étant des opales orange. 
 
Quatre campesinos et une drôle de pierre
 
La seconde grande découverte fut celle des mines de Magdalena, à 700 km au moins à l'ouest, passé la ville de Guadalajara. Découverte récente, puisqu'elle ne date que de 1961 ; en cette année bénie pour les minéralogistes locaux, quatre campesinos du ranch Guicicilapa, sur la commune de Magdalena, remarquent, le long d’un rio asséché, une drôle de pierre émettant de curieux reflets. Les quatre paysans sont pauvres, sans aucune instruction et ne se doutent pas une seule seconde de la valeur de leur trouvaille.
Cette première pierre allait passer de main en main à Magdalena, avant que la nouvelle de sa découverte ne soit colportée aux oreilles du señor Alfonso Ontiveros, un spécialiste établi dans la ville de Queretaro. Lui savait et effectua immédiatement le déplacement à Magdalena. Il ne fut pas déçu du voyage autant le dire et reconnut la valeur exceptionnelle des pierres. 
À l’époque, les opales ne s’achetaient ni au carat ni au gramme… mais à la poignée. C’était quand même plus simple ! 
Une autre grande famille de Queretaro, les Ramirez, eux aussi connus dans le milieu de l’opale, vinrent s’implanter peu de temps après sur place et commencèrent l’exploitation, à 50% avec un associé local, de la mine de La Uniqua, sans doute la plus célèbre de la région. 
On était déjà en 1966 et plus personne n’ignorait la valeur des pierres colorées des collines.

Superbe opale précieuse de Magdalena encore dans sa gangue de rhyolite. La pierre pèse plus de 250 carats.
Une dizaine de mines en exploitation
 
Malgré l’absence de toute prospection gouvernementale systématique ou même de la part de grosses sociétés privées, les trouvailles continuèrent, au petit bonheur. 
Trois amis découvrirent ainsi ce qui est devenu la mine San Simon, tandis que dès 1965, Rafaël Rincon découvrait la mine de San Andrès, devenue plus tard La Mora. Un site légendaire, perdu au cœur d’un massif montagneux difficile d’accès, nécessitant plus d’une heure trente de 4X4 sur une piste défoncée pour parvenir au camp. Un sacrifice qui vaut la peine, puisque c’est la seule mine de tout le Mexique produisant des opales noires, à dose homéopathique il est vrai. À peine une sur cinq mille pierres de qualité gemme…
Vinrent ensuite d’autres découvertes : La Patta de Gallo en 1967, la Latillas et ses pierres bleues, la Guahical en 68 et, en 71, plusieurs coups dans le mille avec des trouvailles dans la sierra au-dessus de Tequila, dont La Perla (opales rouges sang de pigeon) et la Chela.
Aujourd’hui, la production d’opales autour de Magdalena représenterait 75% de tout ce qui sort du Mexique. La plupart des pierres sont taillées ou polies à Queretaro, mais Don Alfonso enseigna le polissage ici même et les leçons paraissent avoir été bien retenues. 
Guanajuato produirait pour sa part 2% des opales mexicaines, 1% viendrait de Tepic, le reste étant de San Juan del Rio et Queretaro.
Actuellement, une dizaine de mines sont en pleine exploitation autour de Magdalena. La plus proche est la Patta de Gallo, à quinze minutes à peine du centre-ville, mine accessible par une confortable route asphaltée ; le paradis pour un visiteur… ce qui n’est pas le cas de bien d’autres, dont la lointaine La Mora. Dans ce dernier cas, les mineurs sont obligés de passer la semaine entière dans des cahutes installées autour de la carrière, dans un confort très relatif. Du moins sont-ils en pleine nature…
 
Grosses comme des abricots !
 
Socialement, les mines représentent une alternative intéressante pour de nombreux jeunes qui, sans cela, se consacreraient uniquement à la drogue (culture de plantes ou commercialisation). Le Mexique est en effet le premier producteur mondial de marijuana et le second de cocaïne. Sans parler de son rôle de revendeur par le biais des fameux cartels...
Sur environ vingt mille âmes à Magdalena, trois mille personnes vivraient directement de l’opale, mais de manière irrégulière : les "pepenadores" (prospecteurs indépendants qui viennent fouiller les terrils à la recherche d’une pierre oubliée) espacent leurs visites de février à octobre, préférant se consacrer à des activités agricoles plus classiques en cette saison.
Les mineurs, les vrais, font de même et durant l’été, nombre de mines tournent au ralenti. En revanche, en hiver, tout le monde est présent sur le terrain, faute d’autre travail.
Les meilleures mines ? De l’avis de tous : La Uniqua et La Perla, des "petits bijoux" qui produisent de superbes cailloux. 
Une des différences essentielles entre les gisements d’opales de Magdalena et ceux de San Juan del Rio tient à leur richesse en silice : à Magdalena, les rhyolites sont en apparence extrêmement pauvres ; impossible ou presque sur le terrain de trouver des pierres de collection, ou des échantillons même modestes, alors qu’ils pullulent à San Juan. En revanche, lorsqu’un pic de mineur dégage une opale, en général prisonnière de sa gangue de roche volcanique, elle est de taille tout à fait surprenante. "Des abricots" nous avait-on dit.
De fait, les pièces qui nous furent présentées étaient de dimensions exceptionnelles, puisque certaines, taillées, dépassaient… soixante-dix carats !

Les bijoutiers mexicains aiment le style baroque comme en témoignent ces deux bagues hautes en couleur.
Jusqu’à 180 000 Fcfp le carat*
 
Leur limpidité, liée à un pourcentage d’eau très faible dans la pierre, illumine l’arc-en-ciel de leurs couleurs de manière unique et d’ailleurs les Japonais ne s’y trompent pas, qui rôdent en permanence en ville, raflant toutes les pièces intéressantes.
Autre particularité de ce site, la rareté des opales orange, alors qu’elles composent 80% des récoltes de San Juan del Rio. 
Pour les connaisseurs, nul doute que Magdalena ne vaille largement le déplacement : les amateurs de gemmes exceptionnelles, s’il leur faudra prévoir des budgets en conséquence, pourront assouvir leur soif de couleurs : à 180 000 Fcfp le carat pour les plus belles, les opales de Magdalena méritent de figurer sur les plus prestigieuses parures… à condition que l’on passe outre la mauvaise réputation de ces pierres. Ce qui n’est pas le cas au Mexique (est-on prophète en son pays ?) puisque Magdalena exporte environ cent pour cent de sa production faute de clients sur place... 
A San Juan del Rio, les opales de feu seront en revanche plus petites, mais tout aussi magiques. Là encore, comptez 180 000 Fcfp le carat pour du "top"; mais à partir de 10 000 Fcfp, on peut se faire extraordinairement plaisir (les échantillons récoltés autour des mines, la Carbonera et San Felipe Cerro Viejo, les plus réputées, seront, eux, gratuits !).
"Les Mexicains ont peur de cette pierre, et croient qu’elle porte malheur alors qu’elle fait notre bonheur", disent les mineurs, et qu’elle pourrait être consacrée, ajouterons-nous, "pierre nationale" de ce pays…

Une opale, qu’est-ce-que c’est ?

Très bel échantillon d’opales précieuses comme le Mexique peut en fournir ; ces pierres viennent juste d’être extraites de leur gangue de lave.
Les opales sont composées principalement de silice oxydée et hydratée. SiO2 sans eau et bien cristallisée, cela donne du quartz, l’un des minéraux les plus communs de la planète.
Mal cristallisée, de manière presque amorphe, cette silice peut emprisonner également de l’eau. Elle devient alors une opale, dont les microcristaux, si l’on veut établir une comparaison facile à comprendre, s’empilent comme des balles de tennis dans un grand seau. Il suffit d’imaginer un peu d’eau dans les espaces laissés par les balles et l’on aura une idée de la manière dont est constituée une opale. Toute sa valeur dépend en fait de deux éléments :
- Si la présence d’eau est faible, 2 à 5 %, la pierre a toutes les chances d’avoir d’extraordinaires feux, dus à la décomposition de la lumière sur cette eau. Si la proportion d’eau est trop grande, l’opale devient vitreuse, puis opaque, presque comme un silex.
- Si les "balles de tennis" composant l’opale sont empilées de manière parfaitement régulière, ces feux s’allumeront sur des surfaces magnifiques (le principe des opales arlequins). Si, au contraire, la micro-cristallisation est mauvaise, les jeux de lumière seront certes forts, mais très dispersés.
- Plus l’opale est donc riche en couleurs et plus ces couleurs sont sinon "organisées", du moins franches et marquées, et plus la pierre a des chances d’avoir de la valeur. Les opales noires australiennes les plus belles atteignent parfois la cote de 5 000 US$ le carat.
Au Mexique, entre 100 et 2 000 dollars le carat, les amateurs de pierres brutes ou taillées pourront jouer à l’infini dans la riche palette de couleurs offerte par cette gemme, tant il est vrai que leurs nuances sont infinies. D’ailleurs, ne dit-on pas que certains passionnés ne collectionnent qu’une seule pierre, l’opale, dont aucune ne ressemble à une autre ?...

Où trouve-t-on de l’opale ?

L’opale est une pierre qui se trouve en abondance dans l’écorce terrestre, mais bien entendu, les gisements d’opales de qualité gemme sont rares. 
Parmi les opales les plus recherchées citons bien entendu les opales du Mexique, celles d’Australie (qui dominent le marché mondial), celles d’Ethiopie (découvertes plus récemment, la production est en train de devenir considérable et la qualité est remarquable) ; citons aussi les opales des Etats-Unis, du Honduras, du Brésil, du Pérou, du Guatemala, de Hongrie, de la République tchèque, de Slovaquie, de Turquie, de Tanzanie et de Java (en Indonésie).

Quelques variétés d’opales

Vous êtes plutôt opales précieuses (multicolores) ou opales de feu (orange) ?
Le vocabulaire concernant les opales et leurs variétés est très riche. Pour vous aider à y voir plus clair, voici quelques-unes de ces variétés. On les trouve pratiquement toutes au Mexique, notamment l’étonnante “contraluz”.
 
Opale de feu : aux tons vifs et orangés.     
Opale précieuse : l'opale la plus courante et la plus utilisée en joaillerie pour son éclat irisé.     
Opale boisée : elle se caractérise par le fait contenir des veines de couleur foncée et être brune, ce qui lui donne l'aspect d'un bois fossilisé.    
Opale commune : jaune, jaune-brun, marron et noir. Brillance cireuse.
Prasopale : de couleur verdâtre, en raison de petites quantités de chrome.    
Hyalite : incolore ou bleu ciel, éclat transparent et vitreux.     
Opale hydrophane : variété mate et poreuse qui devient transparente lorsqu'elle est immergée dans l'eau.
Opale noble : opale multicolore dont le fond est blanc crème.
Opale noire : opale précieuse avec un fond noir ou bleu foncé, vert foncé, gris foncé ou similaire de couleur foncée.
Hydrophane : opale blanche, opaque et très poreuse, qui, lorsqu'elle est placée dans l'eau, permet à l'eau de s'y infiltrer. Cela rend la pierre transparente et presque invisible dans l'eau.
Cachalong : opaque, très poreux, proche du silex et de l’opale commune.
Opale contraluz : opale précieuse où le jeu de la couleur n'est visible que lorsqu'une source lumineuse est derrière la pierre.
Opale de flamme : opale précieuse où le jeu de la couleur se compose de stries rouges ou de bandes qui scintillent comme une flamme quand la pierre est tournée.

Rédigé par Daniel Pardon le Jeudi 19 Novembre 2020 à 16:46 | Lu 1296 fois