Neuf heures pour adopter un dossier


Tahiti, le 26 août 2025 - Il aura fallu cinq heures de discussion en commission et toute une journée en séance plénière pour que le troisième collectif budgétaire du Pays soit enfin adopté. Un collectif technique et comptable qui se contente de faire du saupoudrage en utilisant le reliquat d'un peu plus de cinq milliards de francs issus du résultat de l'exercice 2024. Le secteur de la santé a notamment été au cœur des débats, le ministre Cédric Mercadal s'étant voulu rassurant concernant la situation de l'hôpital de Taaone qui a échappé de peu au “plan blanc”.
 
 
Unanimité. Et pourtant. Le troisième collectif budgétaire de l'année présenté par le gouvernement n'a finalement été approuvé qu'à 19 heures ce mardi soir à l'assemblée. Tout ça pour ça. Car cette troisième modification budgétaire est purement technique et comptable et avait déjà mobilisé les élus de la commission de l'Économie pendant 5 heures la semaine dernière. La représentante du Tavini Élise Vanaa l'a d'ailleurs rappelé d'emblée en préambule, s'épargnant une longue intervention dans la discussion générale. Mais cela n'a pas empêché les élus de la minorité comme de la majorité d'être ensuite très prolixes en interpellant le gouvernement sur telle ou telle ligne budgétaire. Quid de la flottille administrative dont les agents prévoient d'entrer en grève ce jeudi ?
 
“Aujourd'hui, les missions sont garanties puisqu'on a inscrit 90 millions et on va poursuivre le dialogue social avec les représentants syndicaux”, a répondu le ministre de tutelle, Jordy Chan. Quid de la réforme, voire de la “suppression” des produits de première nécessité (PPN) et des mesures contre la vie chère dont aucune des propositions issues du colloque tenu à l'assemblée ne sont traduites dans des textes, a demandé l'élue du Tapura Lana Tetuanui. Il n'a jamais été question de les “supprimer”, a répondu le ministre des Finances Warren Dexter qui a rappelé vouloir “améliorer le dispositif pour que ce soit profitable sur l'ensemble des prix des produits en magasin”. Et qu'à ce titre, ce collectif budgétaire prévoyait 120 millions de francs pour le fret international de ces PPN. Un premier pas en attendant que les discussions sur les fameux accords de modération aboutissent.
 
“On est repassé au niveau 1” au CHPF
 
Mais c'est surtout le secteur de la santé qui a été au cœur des débats de la matinée. Lana Tetuanui s'est étonnée que l'hôpital de Taaone (CHPF) ait failli déclencher son “plan blanc” ce week-end alors que le 20 juin dernier, le ministre de la Santé et la directrice du CHPF se félicitaient que l'établissement “sorte enfin la tête de l'eau”. “Il faut arrêter de se voiler la face, la santé va mal”, a lancé la représentante-sénatrice. Dans sa réponse, le ministre s'est d'abord voulu rassurant par rapport à la situation critique qu'a frôlé l'hôpital : “On est repassé en niveau 1 par rapport à la semaine dernière. Quand j'ai dit que ça allait mieux, c'était au niveau des finances. Pour la première fois, on a voté un budget à l'équilibre, ce qui n'était pas arrivé depuis des années”, a-t-il expliqué.
 
“On a créé 97 postes et ce n'est pas fini”, a répondu le ministre de la Santé concernant les difficultés actuelles et récurrentes de recrutement dans le secteur médical. Cédric Mercadal a concédé qu'il “fallait être plus compétitif face aux autres collectivités pour faire venir les médecins”, car le problème que rencontre le secteur n'est pas dû à “un manque de postes mais à un manque de candidats”. Toute la question – qui reste toujours sans réponse – est de savoir comment attirer ces médecins et donner envie aux jeunes diplômés polynésiens de revenir au Fenua alors qu'ils sont bien mieux lotis en métropole. Pour Lana Tetuanui, la solution passe par la "construction d'une fonction publique hospitalière".
 
1,2 milliard disponible... mais pas utilisé
 
Des lacunes en ressources humaines qui ont aussi été soulignées dans le domaine social. “On a des recrutements en CDD à outrance mais pas dans les services qui en ont besoin, alors que l'urgence est à la santé et au social”, a ainsi pointé du doigt l'élue et sénatrice Tapura, Lana Tetuanui, rappelant notamment les circonstances tragiques qui ont conduit au décès de la petite Ayden, cette petite fille victime de violences dans sa famille d'accueil. Dans sa réponse, la ministre en charge des Solidarités, Minarii Galenon, a d'abord tenu à rendre “hommage” aux agents de la Direction des solidarités, de la famille et de l'égalité (DSFE) avant d'expliquer qu'elle avait entamé, depuis le mois de janvier, une réorganisation de ce service. Ajoutant qu'il y avait aujourd'hui “2 600 mineurs bénéficiant d'une mesure d'assistance éducative et sociale et placés pour seulement 40 travailleurs sociaux”, la ministre a précisé que ce collectif budgétaire prévoyait justement la création de 18 postes, dont 12 réservés à la cellule de la petite enfance.
 
Reste que le fonds de prévention sanitaire et social (FPSS) dispose d'un matelas confortable d'1,2 milliard de francs que ce troisième collectif budgétaire vient encore abonder de 43 millions grâce au résultat excédentaire de l'année 2024. Autant d'argent qui n'a pas été consommé, autrement dit qui n'a pas été dépensé. Et on peut s'interroger sur l'inscription de 200 millions de francs lors du dernier collectif budgétaire pour la lutte contre l'ice alors que le Pays dispose justement de cette enveloppe conséquente qui pourrait être utilisée. Malgré la proposition de Lana Tetuanui de poursuivre les débats sur ce dossier, les élus de la majorité ont préféré suspendre la séance après le vote du collectif budgétaire du Pays peu avant 19h. La séance reprendra à 13h ce mercredi, le gouvernement étant en conseil des ministres le matin. Il reste encore 13 dossiers à examiner dont les textes santé de Cédric Mercadal et la fameuse réforme du RNS (régime des non-salariés).

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mardi 26 Aout 2025 à 19:42 | Lu 2901 fois