Tahiti, le 27 octobre 2025 - Mondher Sahli, responsable de la licence professionnelle Métiers du tourisme et des loisirs à l’UPF, secrétaire général de l’International Association for Tourism Economics et professeur associé à la Victoria University of Wellington, en Nouvelle-Zélande, revient sur les raisons qui l’ont poussé à étudier le cas de Maupiti et sa vision du tourisme. Une vision que les habitants ne préfèrent pas échanger contre leur bien-être.
Pourquoi vous êtes-vous penchés, avec plusieurs chercheurs, sur le cas spécifique de Maupiti ?
“Au départ, c’était un sujet de mémoire demandé à une étudiante, Hinano Yeung, une étudiante brillante. J’avais lu qu’il y avait eu un référendum sur l’île en 2004 sur le tourisme. J’ai discuté avec un collègue de Hawaii et on s’est dit que ce serait intéressant de connaître l’avis de la population 20 ans après.”
Comment avez-vous procédé ?
“Nous avons soumis un scénario aux habitants en leur demandant d’imaginer qu’un promoteur voulait construire un hôtel de luxe à Maupiti. Au départ, les gens ne voulaient pas participer de peur que leur avis soit en fait une consultation pour un groupe hôtelier. Mais une résidente sur place a aidé l’étudiante et l’a accompagnée durant les entretiens. Cela a facilité le travail. Il y a eu une centaine de questionnaires au départ, et en regardant les premiers résultats, nous nous sommes dit qu’il fallait aller plus profondément pour faire un projet de recherche. Nous sommes parvenus à faire financer le projet et l’enquête a été faite sur 266 résidents, donc presque un tiers des personnes de plus de 21 ans de l’île.”
Quelle est la première tendance qui s’est dégagée de ces entretiens ?
“À notre grande surprise, il y a beaucoup de choses intéressantes qui se sont dégagées, surtout dans le concept de qualité de vie. Cela nous ouvre les yeux sur comment les Polynésiens voient leur bien-être. À Maupiti, les gens sont fortement opposés au projet hypothétique de grand hôtel. On est dans la même tendance qu’il y a 20 ans. (…) Et si jamais un tel projet devait être proposé, c’est à un investisseur local, et non pas étranger, que la population préfèrerait que soit confié le projet.”
C’est étonnant que les chiffres n’aient pas changé en 20 ans.
“Exactement. Les entretiens étaient très riches. Clairement, ils ne veulent pas du modèle Bora Bora. Les principales réticences sont liées au problème de l’eau car les gens souffrent déjà du manque d’eau sur l’île, mais aussi à la gestion des déchets ainsi qu’à la peur de ne plus pouvoir se déplacer librement sur les motu.”
Un hôtel, c’est aussi des emplois, la possibilité de maintenir les jeunes sur place…
“Les gens nous en parlent, bien sûr, mais quand ils font la balance entre les aspects positifs et négatifs, les personnes interrogées restent malgré tout dans cette peur du négatif lié à l’hôtellerie. Ils sont contre l’implantation d’un hôtel, mais pas contre l’implantation de plus de pensions par exemple. La concurrence d’un hôtel les dérange beaucoup. Un hôtel, pour eux, ça va concurrencer les pensions déjà en place et l’argent des touristes sera dépensé à l’hôtel et non plus dans l’économie locale. La vraie donnée est la qualité de vie. Les gens semblent heureux de la situation actuelle. Ils apprécient beaucoup le cadre de vie à Maupiti, la sécurité aussi. Mais il y a le problème d’approvisionnement à l’eau, et l’implantation d’un hôtel accentuerait le problème. Il y là un paradoxe. D’un côté, l’île a besoin d’emplois, mais en même temps, la population ne veut pas d’un hôtel.”
Comment analysez-vous ce paradoxe ?
“Les Anglo-Saxons parlent de ‘social exchange theory’ (théorie de l'échange social qui énonce que si les coûts de la relation sont plus élevés que les bénéfices, alors la relation peut être abandonnée, NDLR). Les individus évaluent les retombées positives, qu’elles soient économiques ou sociales, mais aussi les effets néfastes. Ils font la balance et finalement refusent l’implantation d’un hôtel. Ils veulent avoir la maîtrise d’un tourisme communautaire et inclusif qui assure la tranquillité et le cadre de vie.”
Le développement, mais pas à n’importe quel prix en quelque sorte.
“Tout à fait. Ils ne veulent pas du modèle de développement de Bora Bora, c’est clair.”
Vous faites références à d’autres enquêtes en cours. Lesquelles ?
“Effectivement, nous organisons une enquête similaire à Moorea. Nous nous intéressons aussi à l’étude de Tahiti Tourisme sur la perception des résidents de l’impact du tourisme. On remarque que la perception des résidents diffère selon la densité touristique, c’est-à-dire le nombre de touristes par habitant. L’étude par exemple tend à démontrer que les îles qui sont moins touristiques ont un avis plus positif sur le tourisme justement. Avec les résultats de Maupiti, nous avons développé notre propre questionnaire, plus en lien avec le bien-être. Mi-novembre, une quinzaine d’étudiants iront aussi dans les îles à Fakarava, Huahine, Raiatea, Tubuai ou Rurutu, puis en janvier à Rangiroa et Bora Bora. Il y aura aussi d’autres îles moins touristiques. Avec nos propres questionnaires, on va explorer davantage sur des problématiques différentes comme le tourisme régénératif. Il nous faut au moins 300 résidents par île pour consolider nos résultats.”
Pourquoi vous êtes-vous penchés, avec plusieurs chercheurs, sur le cas spécifique de Maupiti ?
“Au départ, c’était un sujet de mémoire demandé à une étudiante, Hinano Yeung, une étudiante brillante. J’avais lu qu’il y avait eu un référendum sur l’île en 2004 sur le tourisme. J’ai discuté avec un collègue de Hawaii et on s’est dit que ce serait intéressant de connaître l’avis de la population 20 ans après.”
Comment avez-vous procédé ?
“Nous avons soumis un scénario aux habitants en leur demandant d’imaginer qu’un promoteur voulait construire un hôtel de luxe à Maupiti. Au départ, les gens ne voulaient pas participer de peur que leur avis soit en fait une consultation pour un groupe hôtelier. Mais une résidente sur place a aidé l’étudiante et l’a accompagnée durant les entretiens. Cela a facilité le travail. Il y a eu une centaine de questionnaires au départ, et en regardant les premiers résultats, nous nous sommes dit qu’il fallait aller plus profondément pour faire un projet de recherche. Nous sommes parvenus à faire financer le projet et l’enquête a été faite sur 266 résidents, donc presque un tiers des personnes de plus de 21 ans de l’île.”
Quelle est la première tendance qui s’est dégagée de ces entretiens ?
“À notre grande surprise, il y a beaucoup de choses intéressantes qui se sont dégagées, surtout dans le concept de qualité de vie. Cela nous ouvre les yeux sur comment les Polynésiens voient leur bien-être. À Maupiti, les gens sont fortement opposés au projet hypothétique de grand hôtel. On est dans la même tendance qu’il y a 20 ans. (…) Et si jamais un tel projet devait être proposé, c’est à un investisseur local, et non pas étranger, que la population préfèrerait que soit confié le projet.”
C’est étonnant que les chiffres n’aient pas changé en 20 ans.
“Exactement. Les entretiens étaient très riches. Clairement, ils ne veulent pas du modèle Bora Bora. Les principales réticences sont liées au problème de l’eau car les gens souffrent déjà du manque d’eau sur l’île, mais aussi à la gestion des déchets ainsi qu’à la peur de ne plus pouvoir se déplacer librement sur les motu.”
Un hôtel, c’est aussi des emplois, la possibilité de maintenir les jeunes sur place…
“Les gens nous en parlent, bien sûr, mais quand ils font la balance entre les aspects positifs et négatifs, les personnes interrogées restent malgré tout dans cette peur du négatif lié à l’hôtellerie. Ils sont contre l’implantation d’un hôtel, mais pas contre l’implantation de plus de pensions par exemple. La concurrence d’un hôtel les dérange beaucoup. Un hôtel, pour eux, ça va concurrencer les pensions déjà en place et l’argent des touristes sera dépensé à l’hôtel et non plus dans l’économie locale. La vraie donnée est la qualité de vie. Les gens semblent heureux de la situation actuelle. Ils apprécient beaucoup le cadre de vie à Maupiti, la sécurité aussi. Mais il y a le problème d’approvisionnement à l’eau, et l’implantation d’un hôtel accentuerait le problème. Il y là un paradoxe. D’un côté, l’île a besoin d’emplois, mais en même temps, la population ne veut pas d’un hôtel.”
Comment analysez-vous ce paradoxe ?
“Les Anglo-Saxons parlent de ‘social exchange theory’ (théorie de l'échange social qui énonce que si les coûts de la relation sont plus élevés que les bénéfices, alors la relation peut être abandonnée, NDLR). Les individus évaluent les retombées positives, qu’elles soient économiques ou sociales, mais aussi les effets néfastes. Ils font la balance et finalement refusent l’implantation d’un hôtel. Ils veulent avoir la maîtrise d’un tourisme communautaire et inclusif qui assure la tranquillité et le cadre de vie.”
Le développement, mais pas à n’importe quel prix en quelque sorte.
“Tout à fait. Ils ne veulent pas du modèle de développement de Bora Bora, c’est clair.”
Vous faites références à d’autres enquêtes en cours. Lesquelles ?
“Effectivement, nous organisons une enquête similaire à Moorea. Nous nous intéressons aussi à l’étude de Tahiti Tourisme sur la perception des résidents de l’impact du tourisme. On remarque que la perception des résidents diffère selon la densité touristique, c’est-à-dire le nombre de touristes par habitant. L’étude par exemple tend à démontrer que les îles qui sont moins touristiques ont un avis plus positif sur le tourisme justement. Avec les résultats de Maupiti, nous avons développé notre propre questionnaire, plus en lien avec le bien-être. Mi-novembre, une quinzaine d’étudiants iront aussi dans les îles à Fakarava, Huahine, Raiatea, Tubuai ou Rurutu, puis en janvier à Rangiroa et Bora Bora. Il y aura aussi d’autres îles moins touristiques. Avec nos propres questionnaires, on va explorer davantage sur des problématiques différentes comme le tourisme régénératif. Il nous faut au moins 300 résidents par île pour consolider nos résultats.”