Manuhere Avaeoru, le porte-drapeau du rugby polynésien.


Manuhere sous les couleurs du pays. Un maillot porté avec fierté.
Tahiti, le 7 août 2025 - Il est un symbole pour le rugby polynésien, une source d’inspiration pour tous les jeunes rugbymen du Fenua. Ce passionné du ballon ovale n’a pas hésité à quitter son île pour tenter sa chance en France hexagonale. Manuhere Avaeoru est en train de réaliser son rêve : vivre de sa passion. C’est au sein du club historique de Brive, qu’il évolue avec les Espoirs, antichambre de l’équipe professionnelle. Entre l’intensité des entraînements et un double projet études/sport, Manuhere a su s’adapter et faire éclater toutes ses qualités. Avec la Polynésie dans le cœur, l’enfant de Faa’a n’a pas oublié ses racines et continue de s’investir auprès de l’équipe de Tahiti. Une détermination qui lui ouvrira sûrement bientôt les portes d’un futur qu’il a lui-même choisi.
 
La vie est souvent faite d’opportunités… et de détermination. Pour Manuhere Avaeoru, ces mots résonnent fortement dans sa vie. Sportif depuis son plus jeune âge, Manuhere fait comme beaucoup d’enfants : il pratique plusieurs sports, dont le football, à l’AS Tefana. Mais originaire de Oremu, il ne peut fuir sa destinée tant le rugby est ancré dans sa famille et son quartier. Il pratique donc les deux sports, mais vient très vite le moment du choix : “J’ai commencé par le foot, mais dans mon quartier, le rugby est le sport roi. Ma famille baigne dedans, et c’est un sport qui m’a toujours plu, donc j’ai fait les deux. Mais je savais qu’il faudrait que je fasse un choix, car je voulais dédier ma vie au sport.”
 
Le rugby devient vite une évidence pour Manuhere. La première opportunité d’écrire sa propre histoire s’offre à lui à ses 16 ans : “Je suis parti en vacances chez mon meilleur ami, qui joue au foot à Colomiers. J’en ai profité pour m’entraîner avec le club de rugby, et j’ai pu participer à une journée de détection. J’ai été retenu, c’est comme ça que l’aventure a commencée.”
 
Malgré son jeune âge, l’enfant de Faa’a avait déjà préparé son départ, mentalement : “J’avais vraiment envie de partir pour tenter ma chance en France. J’ai donc mis toutes les chances de mon côté. J’ai bossé dur ici pendant un an. Je voulais montrer à mes parents que j’étais déterminé et qu’ils pouvaient me faire confiance. Ce n’est jamais évident de laisser partir son enfant si loin, à seulement 16 ans.”
 
Une adaptation réussie
 
Manuhere fait preuve de sérieux, et la détection columérine fait le reste : “J’ai intégré l’équipe juniors Crabos [Catégorie Élite moins de 18 ans du rugby en France, NDLR]. J’ai pris une colocation avec mon meilleur ami, et son père est devenu mon tuteur, ce qui m’a vraiment aidé à m’intégrer.” Inscrit au lycée de Colomiers pour poursuivre ses études, le nouvel ailier des Crabos s’intègre doucement, mais sûrement, dans sa nouvelle vie : “Je me suis vite adapté car j’étais très bien entouré. Entre le club et ma famille d’accueil, j’ai réussi à organiser mon quotidien. Même si beaucoup de choses ont changé, j’étais tellement heureux d’être là que tout s’est mis en place naturellement.”
 
Le rugby est bien sûr différent. Le rythme d’entraînement, mais surtout le style de jeu, ont été les plus difficiles à intégrer : “Forcément, les entraînements sont plus difficiles et plus intenses. On s’entraîne pratiquement tous les jours, et le passage au rugby à XV a été le plus compliqué. Car à Tahiti, on joue à VII jusqu’en seniors. Mais durant mon année de préparation, j’ai pu m’entraîner avec les grands de Faa’a pour m’habituer. Ça m’a beaucoup aidé.”
 
Malgré un début de saison mitigé, Manuhere persévère. Après avoir digéré le système de jeu et pris ses repères à XV, il enchaîne les matchs et devient un élément incontournable de l’équipe.
 
La première saison s’arrête à quelques points d’une qualification en championnat de France. Déçu, mais animé d’une grande envie de progresser, notre ’aito décide de partir à Brive, le club qui les avait privés des phases finales cette année-là : “Je me suis fait beaucoup d’amis au club, notamment avec notre numéro 10, Lenny Broncan. On a été détectés par Brive, alors on a décidé d’y aller ensemble. J’avais envie d’être encore plus indépendant, et le club m’a offert cette opportunité.”
 
C’est une véritable chance pour Manuhere d’intégrer un club historique du rugby français : le CABCL (Club Athlétique Brive Corrèze Limousin). Actuellement pensionnaire de Pro D2, Brive fait partie des favoris à la montée en Top 14, l’élite du rugby hexagonal. Descendu il y a seulement une saison, le club met tout en œuvre pour remonter et travaille brillamment sur sa formation. “Le projet qu’on m’a proposé est vraiment intéressant. Et la passion qui anime ce club est incroyable. Il y a du monde même aux entraînements ! Les supporters nous connaissent déjà, je n’ai jamais vu ça.”
 
Les jeux du pacifique dans le viseur
 
Le projet briviste inclut forcément les études. Après avoir obtenu son baccalauréat, Manuhere s’est orienté vers un Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (BPJEPS), qu’il pourra passer en deux ans, une possibilité offerte aux jeunes des centres de formation pour concilier études et sport de haut niveau.
 
Car la catégorie Espoirs est la dernière marche avant le niveau professionnel, une marche souvent difficile à franchir : “Quand tu es en première année, c’est très dur. Tu peux avoir en face de toi des joueurs qui ont cinq ans de plus. Souvent, on n’a pas trop de temps de jeu. Il faut s’aguerrir et travailler encore plus.”
 
Une expérience que le jeune Tahitien a pu acquérir lors de son retour pour les Oceania à la fin de l’année 2024 : “Je suis rentré après un an et demi. Ça m’a fait du bien, j’ai retrouvé ma famille et mes amis. J’ai pu me ressourcer. Et j’ai participé aux Oceania avec l’équipe de Tahiti. Ça a été dur, mais ça m’a permis de m’opposer à des joueurs plus âgés. Ça m’a vraiment servi pour les Espoirs.”
 
Regonflé par ce séjour à Tahiti, Manuhere retrouve les terrains avec une énergie débordante, ce qui ne manque pas d’attirer l’attention de ses coachs : Philippe Carbonneau, ancien international, et Fabien Domingo. “Quand je suis rentré en France, j’étais content et plein d’énergie. Tout ce que je vis ici ou à Tahiti confirme le choix que j’ai fait. Et ça s’est ressenti sur le terrain. J’ai beaucoup joué pour ma première année en Espoirs, et je suis vraiment content de ce qui m’arrive.”
 
Bientôt rejoint par toute sa famille, Manuhere se prépare pour une saison de confirmation. Dans un club où il se sent bien, le jeune espoir garde son île toujours dans un coin de sa tête… Et compte bien hisser le rugby polynésien vers les sommets du Pacifique d’ici deux ans.

Espoir à Brive, le jeune Tahitien n’est pas loin d’atteindre son but : devenir professionnel.

Rédigé par Manu Rodor le Jeudi 7 Aout 2025 à 15:59 | Lu 3372 fois