Les accusations contre Galileo ravivent le débat sur des dérives de l'enseignement supérieur privé


Christophe ARCHAMBAULT / AFP
Paris, France | AFP | samedi 08/03/2025 - Au moment où les futurs bacheliers finalisent sur Parcoursup leurs voeux pour l'entrée dans l'enseignement supérieur, les accusations visant le groupe Galileo illustrent les dérives de certains acteurs à but lucratif de ce secteur où le gouvernement entend faire le ménage.

Galileo Global Education, qui se présente comme le premier groupe mondial d'enseignement supérieur indépendant avec plus de 200.000 étudiants dans le monde et environ la moitié de ses sites en France (Cours Florent/théâtre, EMLyon et ESG/commerce, Penninghen/art...), est au cœur d'une enquête journaliste fouillée parue cette semaine ("Le Cube", de Claire Marchal, ed. Flammarion).

Basé sur quelque 150 témoignages, ce livre décrit un système pour maximiser les rendements avec des frais d'inscriptions très élevés, des baisses de salaires des enseignants et du volume de cours, et parfois des entorses à la sécurité des étudiants, tassés dans des classes surchargées. 

Galileo, joint par l'AFP, déplore des témoignages "souvent anonymes et une prétendue dérive que les faits, les contrôles auxquels les écoles du groupes sont soumises et la réalité des chiffres démentent".

Anne Roger, secrétaire générale du SNESUP-FSU, premier syndicat de l'enseignement supérieur, parle elle d'un "véritable scandale".

"L’Etat encourage ce genre de pratiques en finançant largement les formations privées", dit-elle à l'AFP, à trois jours d'une manifestation intersyndicale et étudiante à Paris contre le "serrage budgétaire imposé aux universités" publiques.

Marc-François Mignot-Mahon, président de Galileo, a été convoqué, pour venir prochainement s'expliquer, par les ministres de l'Education Elisabeth Borne et de l'Enseignement supérieur Philippe Baptiste.

- Propositions au Parlement -

"Je souhaite clarifier l'environnement de l'enseignement supérieur privé en France et travailler avec le Parlement pour apporter les modifications législatives qui s'imposent", assurait Philippe Baptiste jeudi à l'AFP.

Deux propositions de lois ont été déposées pour mieux encadrer le secteur.

Le ministre précise aussi travailler avec sa collègue du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, "sur un plan qui régule la qualité de l’apprentissage".

Le gouvernement avait dit en janvier vouloir renforcer la lutte contre les fraudes dans l'enseignement supérieur privé, avec la possibilité d'exclure de la plateforme Parcoursup "les formations aux pratiques commerciales mensongères ou frauduleuses". Une quinzaine avait été identifiée.

M. Baptiste devrait aussi d’ici l'été un durcissement des conditions pour pouvoir lancer des formations. Les établissements des grands groupes pourraient aussi dans certains cas devoir se "soumettre à un audit extérieur". 

Le député socialiste Emmanuel Grégoire, porteur de l'une des propositions de loi, qu'il espère voir examinée avant l'été, évoque des "centaines de petites formations" problématiques, un manque de contrôle des autorités, et relève que dans les grands groupes privés du supérieur, le pire peut côtoyer le meilleur.

Interrogé par l'AFP, il critique plus largement la "manne d'argent public au bénéfice des établissements du supérieur et des entreprises", pointant des dérives nées notamment du spectaculaire essor du secteur de l'enseignement supérieur à but lucratif ces dernières années, dans le sillage de celui de l'apprentissage, entre autres facteurs. 

- "Financiarisation" -

La réforme de 2018 de l'apprentissage, menée par l'ex-ministre du Travail Muriel Pénicaud - désormais administratrice indépendante de Galileo - a dopé le secteur de l'enseignement supérieur privé en contribuant au coût des formations. A cela s'ajoute le disposition du Compte personnel de formation (CPF), autre dispositif public.

Contactée par l'AFP vendredi, Muriel Pénicaud "s’étonne des informations contenues dans le livre 'Le Cube' qui ne semblent pas correspondre à la réalité du groupe Galileo aujourd’hui. Elle a demandé une réunion" des administrateurs du groupe "pour faire toute la lumière sur les faits supposés dans l'ouvrage".

Bpifrance, banque publique d'investissement, est ainsi actionnaire minoritaire de Galileo.

"Bpifrance a à cœur de contribuer au développement de champions français à l’international, y compris en matière d'éducation" et "Galileo est un acteur majeur de l’enseignement supérieur privé", réagit la banque, sans commenter les accusations.

Emmanuel Grégoire estime que cet investissement de Bpifrance semble relever de la "financiarisation de l'enseignement".

Sa proposition de loi préconise notamment d'encadrer les frais des études, les établissements forçant parfois les étudiants à verser des sommes conséquentes pour réserver une place avant même de savoir s'ils s'inscriront, ou à devoir payer plusieurs années d'avance sans remboursement possible.

Galileo assure toutefois que "la financiarisation extrême évoquée dans le livre est en contradiction totale avec la réalité des chiffres", en soulignant ne réaliser "aucun profit" en France. 

le Dimanche 9 Mars 2025 à 13:28 | Lu 633 fois