Les Outre-mer, grands oubliés de la diplomatie climatique française ?


Le rapport souligne qu'ignorer les voix ultramarines dans la diplomatie climatique n'est pas qu'une faute morale, mais “un manquement stratégique majeur”. ©AFP
Tahiti, le 29 octobre 2025 - Une publication du Réseau action climat (RAC) France, association spécialisée sur le thème des changements climatiques, révèle l'exclusion quasi-totale des territoires ultramarins des grandes négociations climatiques internationales, malgré leur rôle stratégique face au changement climatique. 
 
Zéro. C'est le nombre de négociateurs originaires des territoires ultramarins dans la délégation française à la COP29 de Bakou en 2024. Un chiffre qui interpelle, alors que ces territoires concentrent 80 % de la biodiversité française et subissent de plein fouet les impacts du dérèglement climatique : montée des eaux, cyclones, dégradation des récifs coralliens.
 
Dans une note de positionnement d'octobre 2025, le Réseau action climat et l'autrice principale Jusline Buissereth, jeune ultramarine, dénoncent cette “diplomatie de vitrine” où les Outre-mer sont mis en avant symboliquement sans bénéficier d'un réel pouvoir décisionnel. “Les populations qui habitent et défendent ces territoires depuis des siècles sont les seules à même d'en garantir la protection”, souligne le rapport.
 
Des modèles à suivre 
 
Les chiffres sont parlants : 97 % du domaine maritime français se situe en outre-mer, attribuant à la France sa position de deuxième puissance maritime mondiale. La Polynésie française à elle seule représente 4,8 millions de km² de zone économique exclusive. Pourtant, cette puissance géopolitique ne se traduit pas par une autonomie diplomatique. Le rapport pointe une “centralisation persistante” où Paris continue de représenter seul les intérêts ultramarins, comme l'illustre notamment l'absence de la Guyane au Sommet de l'Amazonie de 2023 à Belém, pourtant recouvert à 90 % par la forêt amazonienne. 
 
Face à ce constat, la publication identifie des exemples inspirants. Au Canada, les organisations autochtones intègrent formellement les délégations climatiques depuis 2010 et leur participation n'est pas purement consultative. En Nouvelle-Zélande, les représentants māori participent systématiquement aux COP, leurs savoirs traditionnels nourrissant les positions officielles du pays. L'autrice souligne néanmoins que la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie bénéficient déjà d'une certaine autonomie diplomatique au sein du Forum des îles du Pacifique, démontrant la faisabilité d'une représentation décentralisée.


Des échéances cruciales
 
Le Réseau action climat formule cinq revendications concrètes : former des viviers de jeunes négociateurs ultramarins, garantir une représentation pluraliste et transparente dans les délégations, soutenir l'autonomie diplomatique régionale, organiser des “Assises de la diplomatie des outre-mer” associant société civile et territoires, et assurer la présence systématique d'au moins un représentant de chaque territoire aux COP. “Nous demandons le passage d'une diplomatie essentiellement consultative à une diplomatie réellement partagée, décolonisée et coconstruite”, affirme le document, soutenu financièrement par le ministère français de la Transition écologique, l’Agence française de développement (AFD) et l’Agence pour la transition écologique (Ademe).
 
Avec la COP31 prévue en Australie en 2026, organisée en partenariat avec les États insulaires du Pacifique, et le G7 en France la même année, les opportunités d'évolution sont à portée de main. Reste à savoir si la France saisira l'occasion de transformer ses territoires ultramarins en véritables acteurs de la diplomatie climatique. Car comme le rappelle le rapport, ignorer les voix ultramarines n'est pas qu'une faute morale, c'est “un manquement stratégique majeur”.
 
L'ensemble de la publication “Territoires ultramarins : les oubliés de la diplomatie climatique française” est à retrouver sur https://reseauactionclimat.org/.
 

Rédigé par Darianna Myszka le Mercredi 29 Octobre 2025 à 14:53 | Lu 938 fois