Le tribunal annule la suspension d'un agent du CMA


crédit photo : Facebook CMA
Tahiti, le 3 décembre 2025 - Le Pays a huit jours pour réintégrer Tokainuia Devatine, conseiller d’éducation artistique du Centre des métiers d'art, suspendu de ses fonctions à titre conservatoire le 6 mai dernier. Dans sa décision rendue ce mardi, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé cette mesure, estimant que le Pays n’avait apporté aucune preuve permettant de la justifier. Une décision qui intervient dans un établissement déjà secoué par le dossier du directeur, Viri Taimana.

 
C’est un nouvel épisode dans la crise qui secoue depuis plusieurs mois le Centre des métiers d’art (CMA). Après la suspension de son directeur Viri Taimana le 30 avril – mesure prise dans un contexte d’accusations multiples, publiques et détaillées, relayées par des élèves et des agents – c’est désormais son ancien numéro deux, Tokainiua Devatine, qui s’est vu écarté. Mais la situation diffère sensiblement : alors que la mise à pied de Viri Taimana s’appuyait sur des témoignages circonstanciés, celle de Tokainiua Devatine reposait uniquement sur un signalement anonyme et des remontées internes non étayées, que le tribunal administratif juge aujourd’hui insuffisantes pour justifier une suspension conservatoire.
 
Le 6 mai, le président du Pays avait prononcé sa suspension après l’avoir informé qu’une “procédure disciplinaire serait diligentée”. L’administration justifiait cette mise à l’écart par “un signalement anonyme et des remontées internes faisant état de comportements jugés inappropriés lors d’événements festifs organisés dans l’enceinte du CMA”. Mais, relève le tribunal administratif, la Polynésie française “ne verse au dossier aucun autre élément” permettant de confirmer ces accusations. Autrement dit, la mise prise apparaît donc disproportionnée et infondée.
 
La juridiction rappelle qu’une suspension conservatoire ne peut intervenir que si les faits imputés présentent “un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité” et si le maintien en fonctions fait courir “des inconvénients suffisamment sérieux pour le service”. En l’absence de tels éléments, les magistrats concluent à “une erreur d’appréciation” du président du Pays, motif suffisant pour justifier l’annulation de sa décision. Le seul d'ailleurs.
 
Le juge annule la suspension, mais pas le reste
 
Car Tokainiua Devatine contestait également un second courrier, daté du 10 juin, par lequel le président Brotherson rejetait sa demande d’indemnisation. Mais le tribunal a estimé que cette lettre, “purement informative” n’est pas susceptible de recours. Les autres demandes du fonctionnaire – “reconnaissance officielle des fonctions de directeur adjoint qu’il exerce de facto depuis plusieurs années”, régularisation de son évaluation annuelle, ou levée d’interdictions de contact – ont également été rejetées.
 
L’annulation de la suspension “implique nécessairement que Tokainiua Devatine soit rétabli dans les fonctions qui étaient les siennes à la date du litige”, souligne le tribunal dans sa décision. Le Pays dispose d’un délai de huit jours à compter de la notification du jugement pour procéder à cette réintégration, la décision annulée devant par ailleurs être retirée du dossier administratif de l’agent. Enfin, le tribunal condamne le Pays à verser 150 000 francs au titre des frais de procédure, mais refuse d’indemniser les 107 000 francs correspondant aux constats d’huissier produits par le requérant.
 
Un rappel ferme, en somme, de l’exigence de preuves tangibles avant toute suspension d’un agent : une mesure conservatoire ne saurait se fonder sur de simples signalements non étayés. Le Centre des métiers d’art devra désormais composer avec le retour rapide d’un agent que l’administration n’avait, selon le juge administratif, aucune raison suffisante d’écarter.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mercredi 3 Décembre 2025 à 14:24 | Lu 4603 fois