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Le retour du “désosseur” de Tubuai


Tahiti, le 21 janvier 2020 - Maui Tai, dit le “désosseur” de Tubuai, a comparu hier devant le tribunal correctionnel pour répondre de violences habituelles commises sur ses deux filles. Le quadragénaire, condamné à 22 ans de réclusion criminelle en juin 2019 pour avoir tenté d’assassiner sa mère, a cette fois écopé d’une peine de six ans de prison.

Six mois après avoir été condamné à 22 ans de réclusion criminelle par la cour d’assises pour avoir tenté d’assassiner sa mère, qu’il voulait “désosser”, Maui Tai a de nouveau été confronté à la justice hier. L’homme comparaissait pour des violences habituelles commises sur ses deux filles mineures entre 2012 et 2015.

A l’époque de la révélation des faits, courant 2016, la fille aînée du prévenu, qui vivait à Tubuai avec ce dernier ainsi qu’avec sa mère, sa sœur et son petit frère, avait rejoint Tahiti pour être scolarisée dans un lycée. Elle s’était confiée à une éducatrice de cet établissement sur des maltraitances dont elle et sa sœur avaient été victimes durant plusieurs années, révélant ainsi avoir été victime de “coups de poing”, d’insultes et de “menaces de mort”. La fille aînée de Maui Tai avait expliqué avoir dû effectuer des tâches ménagères harassantes qui duraient parfois jusqu’à dix heures de suite.

Tenue militaire

Le 16 décembre 2016, quelques mois après la révélation de ces faits, Maui Tai avait quitté Tubuai pour se rendre à Tahiti. Habillé en tenue militaire et chaussures de sécurité, notamment armé d’une hache et de clous, il s’était rendu au domicile de sa mère avec, tel qu’il l’avait indiqué lors de sa garde à vue, l’intention de la “désosser”. Il avait été miraculeusement arrêté par son beau-père.

Condamné à 22 ans de prison pour cette tentative d’assassinat en juin dernier, Maui Tai a donc de nouveau eu maille à partir avec la justice. Il a comparu hier devant le tribunal correctionnel pour répondre des violences commises sur ses filles. A la barre, le quadragénaire, qui avait choisi de ne pas être représenté par un avocat, a montré la même froideur que lors de son précédent procès. Il a reconnu quelques gifles, dues, selon lui, au fait qu’il n’avait plus d’autorité sur ses filles lorsque ces dernières entraient en contact avec leur grand-mère. L’homme a, en revanche, nié toutes les infractions les plus graves qui lui étaient reprochées en mettant sa désinvolture apparente sur le compte de son tempérament : “Je ne sais pas pleurer, c’est une erreur de ma part”.

“Réussir et avancer”

Face à toutes les dénégations de Maui Tai, sa fille aînée, brillante élève très aisée à l’oral, s’est avancée à la barre hier pour réitérer ses déclarations. La jeune femme a évoqué des années de “violences physiques”, de “violences morales” qui portaient à l’époque des faits sur “la scolarité” ou la “religion”. Elle a expliqué s’être sentie “humiliée, rabaissée, mise à l’écart” durant des années en concluant son propos par une phrase lourde de sens : “Depuis les faits, je me suis prouvée à moi-même et aux autres que pouvais réussir et que j’avance”. La plus jeune fille du prévenu a succédé à sa sœur pour évoquer le souvenir de son père prenant la tête de sa mère pour “la cogner contre un lavabo”. Appelé à réagir sur le témoignage de ses filles, Maui Tai a froidement commenté : “Si je le pouvais, je leur remettrai un Oscar pour avoir été les meilleures comédiennes aujourd’hui”.

Libérable en 2041

Pour la défense des victimes, Me Benoît Bouyssié a dépeint un prévenu qui avait instauré un climat de “tyrannie domestique” au sein de son foyer et qui était “coupable d’avoir raté sa vie” alors qu’il avait “toutes les cartes en main” pour la réussir. Face à ce “dossier sordide”, l’avocat a salué la “force de caractère” de ses clientes et “l’efficacité du système scolaire” qui avait permis la révélation des faits.

Lors de ses réquisitions, le procureur de la République a adressé un franc message d’espoir et de confiance aux victimes qui a été soigneusement écouté par le prévenu. “Monsieur, qui est un tyran domestique, a imposé son mode de vie à tous les gens qui gravitaient autour de lui. La moindre désobéissance appelait de sa part une réponse violente”. Fixant les victimes, le représentant du ministère public a salué leur résilience : “Si vous réussissez votre vie, il vous dira plus tard que c’est grâce à lui mais ce n’est pas grâce à lui que vous vous en sortez. Au pire, c’est à cause de lui. Vous êtes désormais les maîtres de vos destins”. Six ans de prison ferme ont été requis le prévenu.

Après en avoir délibéré, le tribunal correctionnel a condamné Maui Tai à la peine de six ans de prison assortie d’un suivi socio judiciaire de dix ans et d’une obligation de soins. Il devra indemniser ses filles à hauteur de deux millions de Fcfp chacune au titre du préjudice moral subi. Il sera libérable en 2041.

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 21 Janvier 2020 à 19:09 | Lu 3379 fois