Le retour de la droite australienne bien accueilli en Océanie


Tony Abbott
SUVA, lundi 9 septembre 2013 (Flash d’Océanie) – Le retour aux affaires, samedi 7 septembre 2013, de la droite australienne, large victorieuse des législatives, a été généralement bien accueilli par les pays voisins, dont certains, comme Fidji, espèrent déjà que la page des relations tendues de ces dernières années soit définitivement tournée.
La Papouasie-Nouvelle-Guinée, voisin immédiat de l’Australie, au Nord, et ancienne colonie désormais peuplée de sept millions d’habitants, a rapidement réagi au résultat des législatives en félicitant, par la voix de son Premier ministre Peter O’Neill, le chef du camp victorieux, Tony Abbott.
M. O’Neill a notamment assuré son homologue désigné de sa volonté de « renforcer » encore des relations déjà étroites avec Canberra.
Partenaire privilégié de l’Australie dans la région, la Nouvelle-Zélande a aussi rapidement félicité M. Abbott.
Dans son message, le Premier ministre néo-zélandais John Key (centre-droite), rappelle que du point de vue de Wellington, les relations avec l’Australie sont plus importantes qu’avec tout autre pays.

« Nos intérêts communs vont des domaines commerciaux, économiques, militaires et sécuritaires. Nous collaborons étroitement à la fois dans notre région et sur la scène internationale », a-t-il rappelé, tout en rendant hommage au travail effectué avec les deux Premiers ministres travaillistes qu’il ait connu ces dernières années, Kevin Rudd et Julia Gillard.
En tant que chefs de partis de tendances politiques similaires (droite), MM Key et Abbott se sont déjà rencontrés à plusieurs reprises.

Franck Bainimarama
Mais le message le plus chargé en espoir est sans conteste celui émanant de Suva : ce week-end, réagissant à l’annonce de la victoire de la coalition des partis National et Liberal, qui désigne comme Premier ministre M. Tony Abbott, M. Bainimarama a fait parvenir à Canberra un message de félicitations.

http://www.fiji.gov.fj/Media-Center/Press-Releases/PM-CONGRATULATES-TONY-ABBOTT-ON-ELECTION-VICTORY.aspx?feed=news


Dans ce message, l’homme fort de Suva, tout en transmettant ses « chaleureuses félicitations » au nouvel élu de Canberra, exprime notamment l’espoir d’une « phase nouvelle et positive » dans les relations australo-fidjiennes.

Ces dernières années, après le putsch de décembre 2006, mené par le Contre-amiral Franck Bainimarama (qui dirige depuis le gouvernement local tout en promettant des élections pour septembre 2014), les relations entre Fidji et l’Australie, déjà détériorées au cours des dernières années du Premier ministre de droit John Howard (remplacé par les travaillistes lors des législatives de novembre 2007) ne se sont jamais améliorées.

Cette ouverture apparente de la part de Fidji intervient aussi en réponse à de récentes déclarations faites par Mme Julie Bishop (désormais appelée à devenir ministre des affaires étrangères au sein du gouvernement Abbott) qui, fin juillet 2013, dans le cadre de la campagne électorale, prônait une realpolitik et une normalisation des relations avec Fidji.

Mme Bishop, qui n’était encore alors que députée du parti libéral (opposition) australien, également en charge des affaires étrangères, avait alors promis un revirement radical de la posture vis-à-vis du régime post-putsch fidjien, en cas de victoire de l’opposition aux législatives.
Mme Bishop, qui s’exprimait dans le cadre des rencontre de la chambre d’expansion économique entre les deux pays, à Brisbane, et en présence du chef de la diplomatie fidjienne, Ratu Inoke Kubuabola, avait notamment estimé que « le temps est venu de reconstruire les ponts (…) Si notre gouvernement de coalition est élu cette année, je m’engage à faire en sorte que les relations entre l’Australie et Fidji soient normalisées, et ceci en priorité. Je suis consciente du fait qu’il y aura des défis à relever et des problèmes que nous devrons affronter, mais avec la volonté et l’engagement des deux parties, je suis persuadée que nous pouvons atteindre les objectifs que nous souhaitons atteindre. Bien sûr nous encourageons Fidji à tenir ces élections, comme l’a promis le Contre-amiral Bainimarama, en 2014. Nous applaudissons et encourageons cet engagement. Si notre coalition devait être élue, j’aimerais voir le rétablissement des pleines relations diplomatiques entre l’Australie et Fidji. J’aimerais voir Fidji réintégrer la Commonwealth, le Forum des Îles du Pacifique et d’autres forums à travers le monde », avait-elle alors déclaré, dans un discours radicalement opposé à la politique menée ces dernières années par le gouvernement travailliste australien, au pouvoir depuis novembre 2007.



Kubuabola
Relations régionales

Lors du même forum australo-fidjien des affaires, lundi 29 juillet 2013, Ratu Inoke Kubuabola, ministre des affaires étrangères de l’archipel, au sein d’un gouvernement issu du putsch de décembre 2006, avait tiré le premier en lançant une attaque particulièrement virulente à l’encontre de l’Australie, pays auquel Suva reproche, en vrac, sa récente politique dure en matière d’immigration, mais aussi une attitude qualifiée d’ « arrogante ».

Devant un parterre de responsables économiques, lors d’une réunion pourtant censée marquer une volonté de Canberra de réchauffer les relations avec Fidji, après des années de discorde post-putsch, M. Kubuabola s’en était pris frontalement à la politique australienne, qu’elle soit étrangère ou plus particulièrement concernant le récent accord annoncé avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée, où les personnes interceptées en situation irrégulière sont désormais systématiquement envoyées dans un camp de détention, sur la petite île de Manus.
Un autre de ces camps, dans le cadre d’un accord bilatéral similaire avec le gouvernement hôte, est situé à Nauru.

« L’Australie et la Nouvelle-Zélande nous ont tourné le dos »


Au plan des relations strictement australo-fidjiennes, M. Kubuabola s’est déclaré « profondément déçu » de l’attitude de Canberra, ces dernières années.
« Au lieu de s’engager de manière constructive, l’Australie a choisi de punir Fidji, alors que nous tentons de nous attaquer aux profondes divisions au sein de notre société, aux inégalités et à construire une véritable démocratie », avait lancé le ministre fidjien.
Le gouvernement fidjien, dirigé par le Contre-amiral Franck Bainimarama, annonce des élections législatives, censées marquer le retour à la démocratie, pour septembre 2014, avec pour principe directeur un système « une personne, une voix » et l’abolition de l’ancien système qui réservait des circonscriptions à l’un ou l’autre des principaux groupes ethniques de l’archipel (les Fidjiens indigènes et les citoyens d’origine indienne).
Une nouvelle Constitution a été entérinée vendredi 6 septembre 2013 par le Président de la République fidjienne, Ratu Epeli Nailatikau.

« Nous aurions imaginé que l’Australie et la Nouvelle-Zélande auraient au moins essayé de comprendre ce que nous tentions de réaliser (…) Au lieu de ça, ils nous ont tourné le dos », avait poursuivi le chef de la diplomatie fidjienne.
« Il n’est pas facile d’oublier les efforts déployés par l’Australie aux Nations-Unies pour tenter de mettre un terme à l’engagement de Fidji de trois décennies au sein des forces de maintien de la paix (…) Il n’est pas facile d’oublier que le gouvernement australien est parvenu à nous couper l’accès à des prêts de la Banque Mondiale ou de la Banque Asiatique de Développement (…) Il n’est pas facile d’oublier les interdictions de visas, qui sont toujours en place et qui ont entraîné de nombreux désagréments et (…) privé Fidji de la capacité à attirer des gens compétents pour faire tourner nos services », avait-il enchaîné.
Vendredi 6 septembre 2013, le Contre-amiral Bainimarama reprenait quasi à l’identique ces arguments, sans nommer cette fois-ci l’Australie.

Selon le ministre Kubuabola, désormais, « Fidji ne considère plus l’Australie et la Nouvelle-Zélande comme (ses) alliés et protecteurs naturels ».
« Maintenant, nous regardons vers le monde (…) Vers le Nord et nous tissons des liens plus étroits avec la Chine, l’Inde, l’Indonésie et la Russie ».
Cette politique du « regard vers le Nord » se traduit, du point de vue de Fidji par un accent tout particulier sur l’Asie.
Depuis, Fidji a accueilli en août 2013 à Nadi un « Forum de Développement des îles du Pacifique », qui dont les formes embryonnaires ont réuni, les deux années précédentes, plusieurs États de la région.
La réunion de 2013 a reçu le soutien financier des gouvernements des Émirats Arabes Unis (370.000 dollars US) et du Koweït (100.000 dollars US) pour ce qui est perçu, dans la région, comme une sorte d’ « alter-Forum » (des Îles du Pacifique, dont Fidji est exclu depuis mai 2009, pour cause de non-retour rapide à la démocratie).

Haro sur la « solution papoue » : Fidji se pose en grand frère mélanésien

Concernant la « solution papoue » annoncée mi-juillet 2013 par le Premier ministre australien d’alors, Kevin Rudd, en compagnie de son homologue papou Peter O’Neill, le chef de la diplomatie fidjienne a exigé que des « consultations » aient lieu avec les pays mélanésiens avant que ce système de déportation systématique vers l’île de Manus commence.
« Pour solutionner ce qui est avant tout un problème australien, Canberra propose une solution mélanésienne qui menace de déstabiliser les équilibres socio-économiques déjà fragiles au sein des sociétés mélanésiennes », a déclaré M. Kubuabola en accusant Canberra d’avoir pesé de son poids économique pour « persuader l’un de nos gouvernements mélanésiens d’accepter, le plus souvent de manière permanente, des milliers de personnes qui ne sont pas océaniennes. ».
« Nous en sommes venus à penser que cet accord s’inscrit dans la continuité d’un comportement qui, de la part du gouvernement australien, est irrespectueux (…) et arrogant. Au lieu de traiter les nations du Pacifique sur un pied d’égalité, vos décideurs ignorent trop souvent nos intérêts et nos préoccupations et considèrent comme acquis le fait que nous accèderons de toute manière à leurs souhaits et exigences ».
« Vous me direz : en quoi cette question concerne-t-elle Fidji ? Elle concerne le gouvernement de Fidji dans a mesure où Fidji se considère comme faisant partie d’une communauté mélanésienne élargie, à travers le Groupe Mélanésien Fer de Lance (…) Nous voulons – non, nous exigeons- que nos voix soient entendues (…) Cela ne nous regarde pas de savoir qui va gagner les prochaines élections australiennes. Ça regarde le peuple australien. Mais par contre, nous sommes profondément préoccupés de l’impact de la politique australienne sur nos propres affaires », a précisé le ministre.

Le Groupe Mélanésien Fer de Lance (GMFL), dont Fidji vient de passer (en juin 2013) la Présidence tournante au mouvement indépendantiste néo-calédonien FLNKS, regroupe, outre ces deux acteurs, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles Salomon et Vanuatu.
Des accords similaires à celui conclu avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée ont par ailleurs été mentionnés pour d’autres pays mélanésiens tels que les îles Salomon et Vanuatu.

Fin juillet 2013, le Contre-amiral Bainimarama, lors d’une interview accordée à une radio néo-zélandaise ciblant la communauté d’origine fidjienne, s’exprimait en des termes similaires et accusait l’Australie de tout faire pour « blesser » Fidji, le plus souvent en coulisses.
L’homme fort de Suva avait aussi évoqué en termes critiques la « solution papoue » et exclu d’accueillir un nouveau chef de mission diplomatique australienne à Suva, pourtant nommé par Canberra fin 2012 en la personne de Mme Margaret Twomey.
Début juillet 2013, M. Bainimarama était aussi l’invité d’honneur des célébrations marquant le 35ème anniversaire de l’indépendance des îles Salomon.
Il avait alors, dans son discours, la fois exulté les valeurs mélanésiennes face aux grands voisins régionaux et s’était déclaré tout à fait disposé à mettre à la disposition des îles Salomon des effectifs policiers et militaires, sur fond de retrait des troupe de la mission régionale d’assistance et de stabilisation dans cet archipel (RAMSI), principalement financée, ces dix dernières années, par Canberra et Wellington.

La nouvelle majorité des partis National/Liberal a aussi suscité des inquiétudes dans la proche région, avec cette annonce, faite début septembre 2013 (quelques jours seulement avant le scrutin), et concernant une réduction non négligeable du budget consacré à l’aide internationale au développement (et dont environ soixante dix pour cents sont consacrés à la région Asie-Pacifique).
Ces annonces (des coupes de l’ordre de 4,5 milliards de dollars australiens d’ici à 2017) ont déjà suscité, ces derniers jours, de vives réactions de la part d’organisations non gouvernementales, qui dénoncent une politique d’économie aux dépens de l’humanitaire.
Jusqu’ici, pas de détail n’a été fourni concernant quels secteurs et quelles zones seraient touchées par ces coupes (ou tout du moins un ralentissement de l’augmentation de la part du budget consacrée à l’aide internationale au développement) annoncées.
Le gouvernement travailliste sortant avait déjà lancé le mouvement en annonçant, pour son budget courant, un report des objectifs précédemment annoncés.

pad

Rédigé par PAD le Lundi 9 Septembre 2013 à 05:45 | Lu 337 fois