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« Le retard scolaire de la Polynésie est d'environ 20 ans »


Aux Marquises, les enfants sont parfois séparés très jeunes de leur famille pour continuer leur scolarité. La CTC recommande de retarder cette séparation à l'âge de 14 ans ou après la 5e.
Aux Marquises, les enfants sont parfois séparés très jeunes de leur famille pour continuer leur scolarité. La CTC recommande de retarder cette séparation à l'âge de 14 ans ou après la 5e.
PAPEETE, le 11 décembre 2014. « Le retard scolaire de la Polynésie est l’équivalent d’une génération », indique la chambre territoriale des comptes qui examiné la politique éducative du Pays. Pour y remédier, la chambre préconise d’affecter les meilleurs enseignants dans les écoles où les élèves sont le plus en difficultés.




« Le retard scolaire de la Polynésie est (…) d'environ 20 ans, soit l'équivalent d'une génération », indique la chambre territoriale des comptes (CTC) qui a examiné la politique de l'éducation du Pays à partir de 2004. Son rapport était ce jeudi au programme de la séance des représentants à l’assemblée. « La performance actuelle de la Polynésie est (…), tous bacs confondus, du niveau de celui de la métropole de 1992. » Ainsi, la CTC indique que le taux d'accès au baccalauréat général dans une classe d'âge est d'environ « 16,5 %, soit le niveau métropolitain de 1970 ». Le taux d'accès au bac technologique est d'un niveau comparable 15,5 % alors que le taux d'accès au bac professionnel approche d'un point celui de 2011 en métropole (19%).
Le système scolaire polynésien ne parvient pas à résoudre les difficultés posées par l'inégalité des conditions sociales des élèves. La CTC note ainsi « que la déscolarisation précoce, dès la 5e, touche en majorité les élèves issus de milieux modestes et atteint un niveau quatre fois élevé qu'en métropole ».


• « Les meilleurs profs pour les élèves en difficultés »

Les problèmes de lecture touchent encore beaucoup de nombreux Polynésiens, dont des très jeunes hommes et femmes. Chaque Polynésien de 17 ans doit réaliser des tests lors de la Journée défense et citoyenneté. Il en ressort que le pourcentage de jeunes détectés en difficulté de lecture s'élève à plus de 40 % selon la CTC. En comparaison, en France, DOM compris, 9,6 % des jeunes sont en difficulté de lecture. Pour faire face à ces difficultés, la CTC recommande donc de conforter le socle des connaissances et des compétences « en restaurant les horaires de français et de mathématiques dans les classes primaires ». La CTC souhaite aussi que les enseignants les plus diplômés soient dans les écoles où les élèves ont le plus de besoins. La chambre préconise aussi de mettre en place une langue vivante obligatoire dès le CP.

• Favoriser les classes de 6e et de 5e près du domicile

La séparation entre les élèves et leurs familles et son caractère plus ou moins précoce a un impact sur les résultats scolaires de l'enfant. Aux Marquises, cette séparation peut avoir lieu avant que les enfants soufflent leur dixième bougie. Le plus souvient, cette séparation survient à l'entrée au collège, vers l'âge de 11-13 ans. La CTC propose donc de définir un « âge-cible, en deçà duquel la séparation sera impossible ». « L'âge de 14 ans (ou la fin de la 5e) pourrait servir de référence selon la CTC. A partir de cela, « un nouveau déploiement des classes pourrait dès lors être envisagé et priorisé ».
Ce redéploiement des classes pourrait être complété, grâce aux progrès de l'école numérique, par le « télé-enseignement, des cours du CNED (Centre national d'enseignement à distance) » et « une organisation de classes virtuelles ».

• Un partenariat « conflictuel » entre l’État et la Polynésie française
Pour la chambre territoriale des comptes, le partenariat entre l’État et la Polynésie française est devenu « conflictuel ». « Les difficultés du système éducatif viennent en grande partie du fonctionnement défectueux du partenariat Etat-Polynésie française ». Cela s'expliquait en partie par l'existence de deux services distincts traitant des questions éducatives au fenua : la direction des enseignements primaires (DEP) et direction des enseignements secondaires (DES). La création récente de la direction générale de l’éducation et des enseignements (DGEE) constitue, selon la CTC, « une première réponse aux difficultés de gouvernance ». Mais cela ne répond qu'à une « partie du problème ».



Lire le rapport de la chambre territoriale des comptes

Créer une direction associant vice-rectorat et Pays

Pour mettre fin à la « confusion » et à la « conflictualité » entre les services, la CTC propose de créer une direction des services associant les services du vice-rectorat et ceux de la Polynésie. Le vice-rectorat et le Pays ont fait part de leur accord, selon la CTC, en juillet dernier. Cette direction pourrait être dirigée par un haut-fonctionnaire de l'Education nationale, détaché auprès de la Polynésie, précise la CTC. Elle serait placée sous l'autorité du ministre de l'Education. Cela permettrait de lever « toute ambiguïté sur le circuit de décision en matière d'éducation », souligne la chambre territoriale des comptes.

Des infrastructures en mauvais état

« L'état des bâtiments scolaires et des équipements du premier degré n'est pas satisfaisant », souligne la chambre territoriale des comptes. Mais un état des lieux est difficile à connaître puisque « statistiquement, le bilan est largement méconnu, même par le ministère de l'Education », souligne la chambre territoriale des comptes. En matière de sécurité, nombre d'écoles sont encore non conformes comme celle de Papara ou de Tehurui, à Tumaraa. Ces écoles « ne sont pas dignes d'accueillir la population scolaire (norme sécurité) » et « l'enseignement ne peut être correctement assuré (norme pédagogique) », met en avant la CTC. « Dans l'ensemble, les bâtiments sont donc à considérer comme sous-entretenus et parfois dans un état très vétuste, comme aux Marquises. »

Dans le second degré, le bilan de la CTC n'est pas plus positif. La chambre rappelle qu'un « effort considérable de construction d'établissements nouveaux a été effectué entre 1994 et 2004 pour faire face à la croissance des effectifs scolarisés ». Ainsi, la majorité des enveloppes budgétaires disponibles ont été consacrées à cet objectif au détriment de l'entretien des bâtiments et de la maintenance des équipements déjà existants. Pour la CTC, les « 35 établissements du second degré, leurs internats et leurs équipements sont aujourd'hui dans un état de sous-entretien notoire, voire vétustes ». « Même les lycées les plus récents sont dans des situations délicates », note-t-elle.


Rédigé par Mélanie Thomas le Jeudi 11 Décembre 2014 à 16:18 | Lu 7309 fois