“Le reggae appartient à tout le monde”


Tahiti, le 17 septembre 2025 - La star Tiken Jah Fakoly sera présente samedi aux Francofolies de Tahiti à Pirae. Le lendemain de son arrivée, il nous a accordé une interview lors de laquelle il revient sur ses combats et sa musique.

 
C’est la première fois que vous allez vous produire à Tahiti. Qu’est-ce que cela représente de venir partager votre musique au public polynésien ?
“Pour moi, pouvoir partager ma musique dans toutes les régions du monde entier, cela fait partie de la mission. J’ai des messages à faire passer. Venir à Tahiti, chanter mon reggae africain avec des messages de l’Afrique, ça fait partie de ce que j’ai envie de faire. Faire le tour du monde pour faire passer mon message. Je suis très heureux de venir ici.”
 
Vous êtes là sur un temps assez court. Ce sera suffisant pour rencontrer les gens et s’imprégner un peu de ce que la Polynésie peut dégager ?
“Je pense. Je vais visiter un peu. Je suis arrivé hier [mardi soir], j’ai déjà trouvé ça merveilleux. Et ce matin au réveil, j’ai vu un pays magnifique. Je vais en profiter, me reposer. On a eu une longue tournée, c’est l’occasion pour moi de prendre deux ou trois jours pour me reposer, même si derrière je repars pour Paris puis la Guadeloupe dans la foulée. On va finir la tournée avec près de 110 concerts depuis la sortie de l’album acoustique. Je tourne encore jusque fin novembre.”
 
Vous portez des chansons fortes sur l’Afrique, la justice, la liberté. Quels sont les messages avec lesquels vous aimeriez que le public reparte samedi soir ?
“Ce sont les messages prônés par le reggae. ‘One love’, paix, unité. Je pense que ce sont les messages que Bob [Marley] a fait passer et on continue à les faire passer. Un autre monde est possible. Je veux que le public reçoive ces messages de paix, d’égalité, de justice, d’humanité.”
 
Ces messages ne sont-ils pas lourds à porter dans une société qui change sans changer.
“Les choses n’ont pas vraiment changé. J’ai un titre, “Plus rien ne m’étonne”, que je chantais en 2004 : je pensais qu’un jour, il allait faire partie du passé ; mais cette chanson, quand je la chante aujourd’hui, je me rends compte qu’elle est encore d’actualité. Le monde va très mal aujourd’hui, avec toutes les guerres que nous avons. Au Proche-Orient, au Yemen, au Mali, au Burkina… Il y a trop de guerres. Là-dessus, des puissants nous menacent presque de Troisième Guerre Mondiale… Le monde va mal. Le reggae a encore des messages à faire passer.”
 
On parle de rassembler les générations autour de votre musique. Cela vous touche de voir les différents âges à vos concerts ?
“Oui, énormément. J’ai beaucoup de chance d’avoir ça, d’avoir toutes les générations qui se rejoignent lors de mes concerts. Je vois des enfants de 5 ans, des hommes et femmes de 70 à 80. Je vois tous les âges. C’est bien parce que je suis un artiste à messages, ça veut dire que le message est écouté par toutes les générations. Cela fait plaisir.”
 
Le reggae, il est jamaïcain, africain, international ?
“Il est tout ça à la fois. Le reggae vient de la Jamaïque. Il a fait le tour du monde. Quand je suis allé à la Jamaïque pour la première fois, j’ai vu des japonais dire ‘rastafari’. Ils étaient venus du Japon pour rester à Kingston. Il y avait des Chinois avec des dreads qui disaient ‘rastafari’…. Le reggae a peut-être été créé en Jamaïque, mais il appartient à tout le monde aujourd’hui. Le prophète du reggae, Bob Marley, était un métis. Blanc et noir. Le reggae appartient à tout le monde.”
 
Bob Marley et son combat politique font forcément partie de vos références. Il y en a d’autres ?
“Oui bien sûr, mais Bob, c’est vraiment LA référence. C’est lui qui m’a amené au reggae. La première fois que j’ai entendu parler d’unité africaine, c’est dans les chansons de Bob Marley “Africa Unite”. La première fois que j’ai entendu quelqu’un me dire ‘Lève-toi, défend tes droits’, c’était Bob Marley qui chantait “Get up, stand up”. Pour moi, Bob Marley est un des derniers prophètes. Il est connu partout aujourd’hui. Les enfants de 10 ans aiment Bob Marley.”
 
Soit, mais comprennent-ils encore son message ?
“Je pense. Il y a les mélodies pour ceux qui ne sont pas anglophones, qui conduisent vers le message. Les jeunes ne comprennent pas, mais en grandissant, ils rentrent encore plus dedans et c’est ça qui est extraordinaire. Bob est parti il y a plus de 40 ans, mais ses chansons, on a l’impression qu’elles ont été composées aujourd’hui, pour dénoncer ce qui se passe aujourd’hui.”
 
Il y a une jeunesse africaine qui se lève, mais qui peine à se faire entendre. De fait, vas-tu continuer à chanter pour eux ?
“Oui. Cela fait plus de 20 ans que je chante et la jeunesse africaine est en train de se réveiller. Maintenant, il faut qu’on arrive à faire converger les forces. Il ne faut pas que chacun se batte de son côté. Il faut continuer à parler d’unité, concrétiser l’unité. L’Afrique est riche, mais les Africains sont pauvres. Personne ne viendra nous sauver. Personne ne viendra réparer ces paradoxes. Il faut que les Africains se réveillent, qu’ils soient choqués par cette situation qui est anormale. Ils doivent poser des questions et exiger des réponses. Nous, nous continuons à galvaniser la jeunesse africaine pour lui dire : ‘Si on dort, il n’y a rien qui va tomber du ciel.’ En Afrique, nous sommes très croyants, mais je leur dis que Dieu est très occupé. Il doit s’occuper de beaucoup de monde. Si on se couche et qu’on se dit ‘Ça va aller, Dieu est grand’, rien ne va changer. En revanche, si on met la main à la pâte, qu’on se lève et qu’on montre qu’on a envie que les choses changent, c’est là que ça va changer. Il y a plus de mosquées à Bamako qu’à Paris, mais tous les Maliens veulent aller en France, parce que ça fonctionne là-bas. Non, on doit bouger chez nous, combattre la corruption, combattre la mauvaise gouvernance.”
 
Samedi, ce sera quel type de concert ? Vous êtes dans la tournée d’un album acoustique, mais comment allez-vous jouer ici ?
“Ici, ce sera du reggae. On est prêts. On a prévu les choses sans fautes. C’est la première fois que l’on vient ici et on va tout donner.”

Rédigé par Bertrand PREVOST le Mercredi 17 Septembre 2025 à 17:50 | Lu 2716 fois