Le délai de carence, “un combat d'arrière-garde”


Tahiti, le 17 juillet 2025 – Les syndicats CSTP/FO, Otahi, CSIP, et O Oe to oe Rima envisagent de déposer un préavis de grève concernant le délai de carence pour les arrêts maladie dans le secteur du commerce. Des “arrêts de complaisance” pour beaucoup, qui coûtent cher aux employeurs, comme l'a souligné Christophe Plée de la CPME qui dénonce “un combat d'arrière-garde” et milite davantage pour une révision des grilles salariales. Dans la même veine, Steeve Hamblin du Medef estime que ce délai de carence “favorise les mauvais comportements” et qu'il est temps de réviser le code du travail.
 
 
Maintenant que la Fraap a décidé de lever sa grève faute de mobilisation, quatre des cinq grosses organisations syndicales du Pays (sauf A Ti'a i Mua) ont le champ libre pour déposer à leur tour un préavis de grève. Car comme l'avait souligné Lucie Tiffenat (Otahi) dans nos colonnes, pas question de faire l'amalgame entre le mouvement des fonctionnaires territoriaux et celui qu'entendent mener la CTSP/FO, Otahi, CSIP et O Oe to oe Rima. Dans leur viseur, la signature d'un avenant à la convention sectorielle dans le commerce qui met fin à la prise en charge par l'employeur des jours de carence en les limitant aux deux premiers arrêts maladie.
 
Pour les organisations syndicales, cet accord qui prévoit en contrepartie “une revalorisation de salaire de 1.000 francs” est “appliqué de manière irrégulière”. D'autant qu'il a été signé entre la Fédération générale du commerce (FGC), la CPME et une seule déléguée syndicale de Otahi, sans l'aval du syndicat, puisqu'elle “n'avait pas reçu de mandat pour les accords conventionnels” et devait uniquement “traiter de la grille de salaires”, nous expliquait encore Lucie Tiffenat. Résultat des courses, les syndicats veulent monter au créneau pour faire annuler cette mesure qui “pénalise aujourd'hui tous les salariés de ce secteur”.
 
Car il faut rappeler que dans le secteur du commerce, ce ne sont pas les dispositions du code du travail qui sont appliquées mais celles de la convention collective de 1977. Laquelle prévoit que l'employeur est tenu de payer son salarié pendant les trois jours de carence, peu importe le nombre d'arrêts maladie déposés. Le code du travail limite quant à lui le versement de cette indemnité par l'employeur uniquement aux deux premiers arrêts maladie de son salarié au cours d'une année civile. À partir du troisième, il doit attendre que la CPS prenne le relais. “Aujourd'hui, tous les salariés qui ne sont pas liés par une convention collective sont automatiquement assujettis au code du travail, qui lui, pénalise les salariés à compter du troisième arrêt”, précisait ainsi la secrétaire générale de Otahi qui, avec la CSTP/FO, CSIP et O oe to oe rima veulent revenir sur cet accord applicable aux entreprises affiliées à la FGC et à la CPME.
 
“On n'en peut plus des arrêts de complaisance”
 
Pour le leader de la Confédération des petites et moyennes entreprises justement, “c'est un combat d'arrière-garde” qui dure “depuis 30 ans” et il ne comprend pas cette revendication des syndicats. “Nous, on n'en peut plus des arrêts de complaisance. Ça n'arrête pas. Sur 75 salariés, j'avais 170 arrêts maladie à la moitié de l'année, et l'année dernière, j'ai dû supprimer les primes de fin d'année pour pouvoir payer le coût que représente la maladie”, nous a expliqué Christophe Plée qui pointe aussi du doigt la “complaisance” de certains médecins devant lesquels la file d'attente est longue, surtout le lundi matin.
 
Car pour lui, il est facile de faire le distinguo entre les salariés qui sont réellement malades, et ceux qui sont atteints de ‘lundinite’, qui déposent un arrêt “la veille d'un pont” ou – et “c'est la nouvelle mode” –, pour “prolonger des vacances”. Ayant une entreprise de nettoyage, le patron de la CPME dit en avoir discuté avec Lucie Tiffenat et est également prêt à dialoguer avec Patrick Galenon (CTSP/FO). Sa proposition : couper la poire en deux entre ce qui se fait en métropole et ici. “En France, ce n'est que le premier jour. Ici c'est trois. À la CPME, on propose deux jours de délai de carence et vous verrez, je suis sûr que les arrêts maladie ne dureront plus que deux jours. C'est du business”, s'est-il agacé, précisant s'engager par ailleurs à revoir les grilles salariales. “Mais s'il n'y a pas d'accord, je vais résilier la convention collective et basta”.
 
5 milliards de francs par an sur le budget de la CPS
 
Il y a peut-être “du ménage à faire dans les conventions collectives” justement, commente de son côté le directeur de la CPS, Pierre Frébault qui concède avoir également constaté “quelques arrêts de complaisance” et une augmentation des “arrêts psy” depuis ces deux dernières années. Et même si l'employeur peut saisir la CPS pour qu'elle effectue des contrôles, la difficulté réside dans le délai car “pour les petits arrêts de trois jours, le temps que la demande arrive à la CPS, c'est trop tard, et le salarié a déjà repris son travail”. Mais oui, pour Pierre Frébault, “il faut améliorer le suivi des arrêts maladie donnant lieu à des indemnités journalières parce que 5 milliards, ça pèse !” En effet, il faut savoir que les indemnités journalières au titre de la maladie pour le régime des salariés coûtent environ 5 milliards de francs par an à la CPS, au sens large certes, puisque les hospitalisations entrent aussi en ligne de compte, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a des économies à faire.
 
Enfin, Steeve Hamblin qui est à la tête du Medef nous a confirmé être lui aussi “en phase” avec la CPME et “suivre” la FGC, estimant que ce système “vient favoriser les mauvais comportements” et pénalise surtout les petites entreprises. Pour lui, c'est surtout le code du travail qui doit être revu en profondeur. “Mais la dernière tentative de toilettage qui portait pourtant juste sur des questions de forme a été rejeté par les syndicats”, a-t-il regretté.
 

Prise en charge, comment ça marche ?
 
La prise en charge des prestations en nature s’effectue à 70% du tarif de responsabilité. Elle s’effectue à 100% pour tous les actes en rapport direct avec la longue maladie, l’accident du travail, la grossesse, l’évacuation sanitaire internationale et les frais médicaux et pharmaceutiques en rapport avec les méthodes de contraception médicalement reconnues. La prise en charge est également à 100% pour les salariés qui ont un arrêt de plus 30 jours après avis du médecin conseil.
Les salariés peuvent bénéficier d'indemnités journalières pour compenser la perte de salaire occasionnée par un arrêt de travail pour maladie. Du 1er au 3e jour, l'employeur verse l'intégralité du salaire ; Du 4e au 30e jour d’arrêt de travail, l’employeur avance les indemnités journalières et se fait rembourser à 100% du salaire réel, dans la limite du plafond soumis à cotisations ; À partir du 31e jour d’arrêt de travail, la CPS verse directement à l’assuré des indemnités journalières égales à 75% du salaire. Cette indemnité est majorée par enfant à charge. Les non-salariés perçoivent 50% du revenu professionnel soumis à cotisation à partir du 15e jour pour les deux premiers arrêts maladie et du 30e jour pour le troisième arrêt maladie dans l'année civile.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Jeudi 17 Juillet 2025 à 16:35 | Lu 4594 fois