La réforme RNS suspendue samedi à minuit


Tahiti, le 31 août 2025 – La réforme sur les nouvelles conditions d’affiliation au régime des non-salariés (RNS) n’a pas encore été votée. Les élus de l’assemblée qui avaient commencé l’examen de ce texte samedi matin, ont poursuivi en séance nocturne en l’absence du président du Pays qui n’est pas resté assister aux débats. Équité sociale d’un côté, impôt sur le revenu déguisé de l’autre, gouvernement et opposition n’ont définitivement pas la même lecture de ce texte dont il reste encore neuf articles à étudier. Suspendue à minuit, la séance doit reprendre lundi.
 
 
C’est une session extraordinaire qui sera à inscrire dans les anales de l’assemblée. Débutée mardi, elle a été suspendue ce samedi soir à minuit pour reprendre lundi à 17 heures. Le texte de Cédric Mercadal concernant la réforme des conditions d’accès au Régime des non-salariés (RNS) cristallise toujours les tensions et a suscité de nombreuses interrogations lors de son examen qui a débuté samedi matin à Tarahoi dans un hémicycle qui s’est de plus en plus clairsemé. Des questions et des critiques émanant de l’opposition, mais aussi de Hinamoeura Morgant-Cross qui se démarque de plus en plus de son groupe Tavini. Ces échanges ont d’ailleurs conduit le patron du Tavini, Oscar Temaru, à demander une suspension de plus de deux heures après le premier flot de critiques des élus du Tapura et de Ahip pour réunir son comité de majorité.  
 
Pascale Haiti-Flosse a été particulièrement virulente, dénonçant une loi “qui prétend protéger mais qui commence par taxer, sanctionner et présumer coupables nos concitoyens”. Un texte qui “viole la loi organique, qui est illégal et probablement anticonstitutionnel”, dans le sens où il prévoit de “donner à la CPS le pouvoir de juge et partie”, en s'arrogeant les prérogatives de la Direction des impôts (DICP). “Cette loi est un masque social qui masque un impôt sur le revenu”, a-t-elle encore claqué. Dans la même veine, Nuihau Laurey a démonté ce projet de loi, rappelant que la société civile via le Cesec, mais aussi les partenaires sociaux et “tout le monde économique” y est opposé. Car il pénalise ceux qui travaillent en augmentant les prélèvements obligatoires, ce qui va favoriser “des comportements d’évitement fiscal”, tout en envoyant “un message de soutien à l'assistanat institutionalisé”. Il a également souligné que ce projet de loin allait à l’encontre de l’objectif initial de la réforme de la PSG qui tendait vers une “unification nos régimes de protection sociale”.
 
Grande explication de texte de Moetai Brotherson et Cédric Mercadal
 
Au retour de la suspension de séance vers 14 heures, le ministre de la Santé d’abord, puis le président du Pays ont pris la parole de manière assez musclée pour tordre le cou aux critiques de la minorité. Moetai Brotherson a ainsi martelé que cette réforme n’était ni une “usine à gaz”, ni “confiscatoire”, et qu’elle n’était en aucun cas un “impôt sur le revenu”. Conscient qu’il ne “pouvait pas empêcher l’opposition de s’opposer”, Moetai Brotherson a souhaité s’adresser directement aux Polynésiens pour expliquer tout le bien fondé du texte porté par son ministre de la Santé. D’abord, a-t-il expliqué, cela ne change rien pour le salarié s’il n’a pas d’activité annexe. Ensuite, si vous êtes affilié au RNS sans activité à côté, “le seul risque que vous prenez est de cotiser moins que ce que vous cotisez déjà aujourd’hui”. Pour les ressortissants du RSPF qui gagnent moins de 100 000 francs, ils seront basculés au RNS, mais c’est le Pays qui cotisera pour eux, tout en bénéficiant d’une meilleure couverture sociale.
 
Sur les revenus locatifs et les dividendes, seuls ceux dépassant le seuil de 3,6 millions de francs par an (300 000 francs par mois) seront soumis à cotisations alors qu’aujourd’hui, “vous devez cotiser au premier franc”, comme le prévoit la loi de 2022 sans pour autant avoir été appliquée. Ceux qui devront cotiser davantage sont ceux qui “s’étaient cachés pour optimiser et qui sont rattrapés par la patrouille”, a souligné Cédric Mercadal qui a, lui aussi, fermement défendu une réforme qu’il a qualifiée de “sociale libérale”.
 
Deux réformes menées de front qui inquiètent
 
Des explications qui n’ont pas réussi à convaincre les élus de la minorité assenant que s’ils n’avaient rien compris au texte, la société civile représentée par le Cesec et les partenaires sociaux non plus puisqu’ils y sont aussi opposés. “Vous êtes obligés de vous convaincre vous-même. Entre ce que vous dites et ce qui est écrit dans le texte, il y a un fossé”, a rétorqué Lana Tetuanui au président Brotherson. Solidarité oui, mais pas au détriment de ceux qui font tourner l’économie. Nicole Sanquer a notamment insisté sur le fait que ce texte est bien loin de la volonté d’équité de traitement affichée par le gouvernement car il impose encore à “ceux qui travaillent, qui payent leurs impôts et qui participent déjà à la solidarité via la CST” de mettre la main à la poche. Une lecture bien différente de celle du gouvernement, le ministre Cédric Mercadal insistant encore et toujours sur le fait que ce texte venait remettre “les gens dans les bonnes cases” et qu’il ne s’agissait en aucun cas d’un impôt sur le revenu puisque le nombre de personnes qui vont devoir cotiser davantage sur leur activité ne représente  que “5 % de la population”
 
Le ministre des Finances Warren Dexter est venu à sa rescousse tout en comprenant les inquiétudes exprimées, tant par les élus que par le Cesec et les syndicats patronaux. “Ce n’est pas ce 9,84 % (de cotisations) sur les revenus qui est confiscatoire, mais c’est qu’on cumule ça avec mes impôts. C’est un travail que je fais de mon côté en concertation avec le ministre de la Santé pour adapter la pression fiscale si on voit que sur certaines catégories de revenus c’est trop. C’est un message pour rassurer le monde économique parce que c’est vrai que ça inquiète. On a deux réformes qui avancent en même temps et qui inquiètent le monde de l’entreprise à juste titre parce que je suis en train de mener une réforme qui veut taxer les entreprises, non plus sur leur chiffre d’affaires mais sur les bénéfices et à côté de ça il y a cette réforme du RNS. Donc c’est normal, et je suis en concertation avec les organisations patronales pour qu’on puisse arriver à une solution qui soit acceptable pour tout le monde.”

Rédigé par Stéphanie Delorme le Dimanche 31 Aout 2025 à 12:54 | Lu 3194 fois