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La part du renouvelable dans le mix énergétique toujours en repli en 2019


Tahiti, le 2 mars 2021 - Sans surprise, les énergies renouvelables peinent à honorer les ambitions fixées à 50% en 2020 et à 75% en 2030 par le plan de transition énergétique en 2015. Selon le dernier bilan de l’observatoire de l’énergie, la production d’énergie verte est même en léger repli, tandis que les importations d’hydrocarbure sont en légère hausse.
 
En 2019, seuls 28,78% de l’électricité consommée en Polynésie française est d’origine renouvelable selon le dernier bilan énergétique de l’observatoire dédié, contre 29,72% en 2018, et 30,96% en 2017. C’est mieux que le taux de pénétration de la Nouvelle-Calédonie ou des Antilles dans le "mix électrique", mais ça reste loin derrière les ambitions du Pays. Objectifs de son plan de transition énergétique présenté en 2015 ? Une production électrique à 50% d'énergies renouvelables (EnR) en 2020 et à 75% d'ici 2030.  

En 2021, ces objectifs semblent désormais hors de portée. “Malgré le développement des installations photovoltaïques, ce taux ne cesse de diminuer depuis 2016”, nuance le bilan, justifiant ce recul “par une baisse de la production d'EnR liée aux conditions météorologiques et une augmentation de la consommation électrique en parallèle”, la production des barrages hydroélectriques étant soumises à la pluviométrie et aux débits des cours d’eau. A l’observatoire de l’énergie, on reconnaît le caractère “ambitieux” de ces objectifs.

“Mais ce n’est pas seulement en produisant plus d’EnR qu’on va y arriver, il faut aussi réduire notre consommation ce qui passe par les usagers que nous sommes”, fait valoir Teiki Sylvestre-Baron, responsable de l’observatoire. “L’énergie la moins polluante est celle qu’on ne consomme pas”, poursuit le responsable. Ouvrir les fenêtres, allumer le ventilateur au lieu de mettre la climatisation, privilégier le covoiturage ou les modes de déplacement doux (marche ou vélo), etc. Evoquant ainsi la démarche “négawatt” qui consiste à utiliser en priorité le gisement d’économie d’énergie qui nous entoure, il rappelle qu’il faut commencer par “réduire la consommation” pour “réduire la facture pour les usagers”, eux-mêmes “acteurs” de la transition énergétique.   

Le transport routier, secteur le plus énergivore

Une philosophie qui mise sur le comportement des consommateurs. Or, la consommation a plutôt tendance à augmenter, portée par la croissance démographique et au “phénomène de décohabitation des foyers”. Ainsi en 2019, environ 353 millions de litres d’hydrocarbures ont été importés en Polynésie contre 340 millions en 2018, soit une légère hausse de 0.9% pour un taux de dépendance aux énergies fossiles de 93,8% en 2019.

Si les transports (routiers, maritimes et aériens) totalisent 52% de la consommation d’énergie primaire en 2019, les transports routiers se montrent, sans surprise, les plus énergivores, puisqu’ils incarnent à eux seuls 53% de la consommation d’énergie finale et 79% de la consommation dans le secteur des transports. Une proportion que l’observatoire met en corrélation avec une croissance importante du nombre de véhicules en Polynésie depuis 2016.

En parallèle, les véhicules électriques restent faiblement représentés dans le parc automobile actuel, souligne le bilan, avec seulement 318 véhicules (dont 20 bus électriques) en 2019. Ici aussi, loin de l’objectif actuel fixé à 1 000 véhicules électriques à l’horizon 2020. Du reste, l’électricité “majoritairement produite à partir d’énergie fossile et donc davantage émettrice de gaz à effets de serre” ne résout pas le problème de l’empreinte carbone (lire encadré). A cela s’ajoute le prix du kWh, qui présente “un frein à l’investissement”. Soit “deux écueils” qui limitent la progression des véhicules électriques en Polynésie, indique le bilan.

Des objectifs déjà revus à la baisse

Dans ce contexte, impossible d’honorer les objectifs du plan de transition énergétique à si court terme. Ce que l’ancienne ministre de l’Énergie, Tea Frogier, avait déjà reconnu l’année dernière, "tout simplement parce qu'on n'a pas suffisamment de projets qui vont être mis en place pour nous permettre d'atteindre cet objectif". La ministre avait alors revu les objectifs à la baisse indiquant que d'ici 2030, seule la barre des “60 à 65%” serait atteignable.

Depuis, beaucoup d’espoirs reposent sur les nouveaux projets dans le photovoltaïque (20% des EnR produites), mais surtout dans l’hydroélectricité, principal contributeur en EnR. Avec ses 15 barrages et ses 18 centrales hydrauliques (soit une puissance de 48.2 MW), Tahiti concentre l’essentiel des ressources valorisée sur le territoire polynésien, permettant de produire 70.8% des énergies renouvelables. L’observatoire évoque notamment les projets Hydromax, initiés par EDT Engie, permettant de produire “à périmètre constant sans besoin de foncier et sans impact environnemental”.
 

L’empreinte carbone des Polynésiens revue à la hausse

Au-delà des émissions directes, ou “territoriales”, l’observatoire de l’énergie avait promis d’étendre le périmètre de l’étude aux émissions indirectes, ou “importés”, c’est-à-dire liées à la fabrication des produits, à leur importation mais également au transport aérien à l'international des Polynésiens (aller et retour). Promesse tenue. L’approche sur les Gaz à Effet de Serre (GES) a donc été approfondie, notamment avec “une analyse inédite” pour l’année 2018.

Ainsi du côté des “émissions territoriales”, comprenant celles des pots d’échappement ou de la combustion de gazole pour l’électricité, le bilan relève 4,2 tonnes de CO2 par habitant. Sans surprise, le secteur des transports, principalement composé des transports routiers, occupe le premier poste d’émissions avec 44%, devant la production d’électricité et ses 29%.

L’impact de la viande importée

Du côté des émissions “importées” en revanche, c’est-à-dire “dues à la fabrication de biens produits à l’étranger et à leur acheminement sur le territoire”, elles représentaient 5,8 tonnes de CO2 par habitant révèle l’étude. Ainsi, l'empreinte carbone globale (somme des émissions territoriales et importées) était de 10 tonnes de CO2 par habitant en 2018, soit un point derrière celle de la France métropolitaine à 11 tonnes par habitant la même année.

Au rang des postes les plus émetteurs, on retrouve l'importation des produits de consommation à l’instar du matériel électronique, des véhicules, du ciment ou de la viande, dont l’impact carbone pèse lourd. A titre d’exemple, 1 kg de bœuf génère 32 kg de CO2 (hors transport). “C’est tout l’élevage intensif derrière qui alourdit la facture”, commente Teiki Sylvestre-Baron, responsable de l’observatoire. Et de manière générale, tous les produits alimentaires importés émettent également une quantité importante de GES lors de leur production. De quoi alimenter les rêves d’autonomie alimentaire.
 

Rédigé par Esther Cunéo le Mardi 2 Mars 2021 à 19:04 | Lu 1812 fois