La carte, trésor des fraudeurs


Tahiti, le 17 janvier 2020 - L’Institut d’émission d’outre-mer constate une augmentation de 133% du nombre de fraudes au fenua en 2018, dans son dernier bilan des moyens de paiement scripturaux. Plus de la moitié des cas concernent les paiements par carte, notamment privatives équipées de piste magnétique. Mais cette situation devrait s’améliorer dès 2021 avec la généralisation des cartes à puce.
 
La fraude a atteint un montant de 403,1 millions de Fcfp en 2018 dans les collectivités françaises du Pacifique, constate l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM) dans son dernier rapport annuel sur la cartographie des moyens de paiement scripturaux (chèques, cartes, prélèvements et virements bancaires). Ces malversations sont en baisse de -25% en valeur mais leur nombre augmente de +16% avec 10 248 cas dans l’ensemble de la zone.

En Polynésie française, leur nombre a plus que doublé (+133%) en passant de 1 150 déclarations de fraudes au paiement en 2017 à 2 706 en 2018. Alors qu’en Nouvelle-Calédonie le principal vecteur de fraude (61%) est le chèque, on observe au fenua une augmentation notable des fraudes sur les cartes bancaires (57% sur l’ensemble en 2018 contre 35% en 2017). En valeur, ces opérations totalisent 144,8 millions de Fcfp. Un total en baisse de 32%, par rapport à 2017, qui montre que le montant moyen de ces opérations frauduleuses a tendance à s’amenuiser.

Plus précisément, les montants moyens de fraudes sont respectivement à 36 541 Fcfp pour les cartes de paiement de type interbancaire (110 834 Fcfp en 2017) et 24 081 Fcfp, contre 28 379 Fcfp l'année précédente, pour les cartes de type privatif, observe l’IEOM en constatant que le montant de la fraude pour la carte privative plus élevé en Polynésie, comparativement aux autres collectivités françaises du Pacifique, s’explique par un usage plus important, ici, de ce type de carte.

Les deux principales origines de la fraude sur les cartes sont l’usurpation du numéro de carte bancaire et l’altération ou la contrefaçon de carte, à des degrés variables mais de manière constante dans les trois collectivités françaises du Pacifique.
 
Généralisation des standards EMV
 
On observe en Polynésie, comme en Nouvelle-Calédonie, un nombre important de fraudes par altération ou contrefaçon des cartes (54% sur les cartes interbancaires et 37% sur les privatives). En métropole, ce type de fraude devient marginal en raison de la quasi-généralisation des puces sur les cartes émises et la mise en conformité avec les standards internationaux Europay-Mastercard-Visa (EMV), soulève l’IEOM : "Ces technologies ne sont que faiblement déployées dans les collectivités du Pacifique, en particulier sur les cartes privatives qui sont généralement équipées de piste magnétique. La mise en conformité du parc de cartes de paiement avec ces normes devrait avoir un impact significatif sur cette catégorie de fraude."

Dead line en fin d'année
 
"C’est un sujet qui est porté par les banques locales", indique à ce titre Marie-José Brard, la directrice adjointe de l’Océanienne de services bancaires. En effet les établissements de la place sont assujettis à l’ordonnance n°2017-1252 du 9 août 2017 qui a rendu applicable, en Polynésie française, la Directive sur les services de paiement dite DSP2. Les dispositions de cette directive européenne sont applicables en France métropolitaine depuis le 14 septembre dernier, rappelle Evelyne Brichet membre de l’Association française des banques et chargée du suivi des relations avec la Fédération bancaire française (FBF) : "Pour la Polynésie française, explique-t-elle, un arrêté a repoussé ce délai au 31 décembre 2020. Il faut savoir qu’à ce jour, la mise en œuvre technique de la DSP2 en métropole, pour laquelle le régulateur avait prévu un délai de 18 mois afin de laisser le temps aux acteurs de s’y préparer, n’est pas encore fonctionnelle. En Polynésie, l’ensemble des banques est dans une démarche de mise en conformité en regard de ces normes. Chacune a d’ores et déjà pris les mesures nécessaires pour offrir à l’ensemble des porteurs de carte des moyens de paiement qui répondent aux standards et normes de sécurité d’usage. Mais il faut savoir que cela a des impacts pour les banques en matière de positionnement marketing et de politiques commerciales quant au déploiement des offres à sa clientèle."

Une mutation technique qui devra pourtant s'organiser dans l'année. Un bonne nouvelle pour les utilisateurs de cartes bancaires, l'instrument de paiement préféré des Polynésiens, selon les données fournies par l'IEOM.

La carte, reine des moyens de paiement au fenua

La carte bancaire est au premier rang des instruments de paiement les plus utilisés en Polynésie française, avec près de 46 % des transactions en volume (44% en 2017). Le virement avec plus de 22 % des transactions (20 % en 2017) a dépassé le chèque qui ne représente plus que 19,5 % des échanges (23% en 2017). Les prélèvements 12 % (14 % en 2017) sont également en baisse. Les effets de commerce, enfin, ont représenté une part négligeable des volumes échangés (un peu plus de 4 100 opérations).
En valeur, les virements représentent 73 % des montants échangés (72 % en 2017), contre 17 % pour les chèques (19 % en 2017). Les autres moyens de paiement scripturaux représentent des parts plus faibles : 5 % pour les paiements carte et 4 % pour les prélèvements (équivalent à ceux de l’an passé), les montants moyens réglés étant largement inférieurs à ceux réglés par virement et par chèque.
Les montants moyens réglés avec des cartes (10 100 Fcfp) et des prélèvements (près de 28 100 Fcfp) sont en légère hausse et restent largement inférieurs à ceux réglés par chèque (79 100 Fcfp), par virement (294 000 Fcfp) ou par effet de commerce (3,4 millions de Fcfp). Dans l’ensemble, les fluctuations de ces valeurs sont limitées depuis plusieurs années.
À fin 2018, il existe près de 237 000 cartes en circulation (-4,8 % par rapport à 2017), dont près de 44 400 sont des cartes de retrait uniquement. L’essentiel des cartes sont interbancaires. Le nombre de cartes privatives est en forte baisse (- 60 %).

Dans la zone Pacifique

Les transactions par chèque, virement ou carte bancaire ont atteint 6 799 milliards de Fcfp (79,8 millions de transactions), en 2018 sur les trois collectivités françaises du Pacifique. En Nouvelle-Calédonie, près de 4 169 milliards de Fcfp se sont échangés. En Polynésie française, les échanges progressent de 1,9% en montant (2 629 milliards de Fcfp) et de 10,5% en volume (26,5 millions d’opérations). A Wallis-et-Futuna, 22,9 milliards de Fcfp se sont échangés (+158% par rapport à 2017).
Dans l’ensemble de la zone Pacifique, la carte de paiement progresse de près de 22% en valeur et en volume. Elle représente la moitié (49%) du volume des transactions. Le chèque reste deuxième en part de marché (20% des transactions et 16% en volume), en repli. Les volumes des virements et prélèvements sont stables à respectivement 18% et 13% des parts de marché.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 17 Janvier 2020 à 15:36 | Lu 4699 fois