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La France et ses partenaires européens se retirent militairement du Mali


SEYLLOU / AFP
SEYLLOU / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 17/02/2022 - Poussés dehors par les "obstructions" de la junte au pouvoir à Bamako, la France et ses partenaires européens ont officialisé jeudi leur retrait militaire du Mali au terme de neuf ans de lutte antijihadiste menée par Paris, tout en affirmant vouloir rester engagés auprès des pays sahéliens et du golfe de Guinée.

"En raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes, le Canada et les états européens opérant aux côtés de l'opération (française) Barkhane et au sein de la Task Force Takuba estiment que les conditions ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel (...) au Mali et ont donc décidé d'entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs", soulignent-ils dans une déclaration conjointe.

"Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d'autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés", et qui ont recours à "des mercenaires de la société (russe) Wagner" aux "ambitions prédatrices", a fait valoir le président français Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse. Les autorités maliennes continuent de nier la présence de ces paramilitaires sur leur territoire.

Dans la foulée, la ministre allemande de la Défense Christine Lambrecht s'est dite "sceptique" quant à la prolongation du mandat des soldats allemands au Mali au sein de la Minusma (ONU au Mali, principale force internationale dans le pays) et d'une mission européenne de formation, à la lumière du retrait français.

Londres a également indiqué qu'une réflexion était ouverte sur le futur de l'engagement britannique au sein de la Minusma, Wagner partageant "le lit de la junte qui dirige maintenant le Mali".

Paris et ses partenaires souhaitent toutefois "rester engagés dans la région" sahélienne et "étendre leur soutien aux pays voisins du Golfe de Guinée et d'Afrique de l'Ouest". Les grande lignes de cette réorganisation seront arrêtées "d'ici juin 2022", selon la déclaration conjointe signée par 25 pays européens, africains et le Canada.

Le Sahel et le Golfe de Guinée sont des "priorités de la stratégie d'expansion" des organisations jihadistes Al-Qaïda et Etat islamique, a fait valoir le président français.

"La lutte contre le terrorisme au Sahel ne saurait être la seule affaire des pays africains", a commenté le président sénégalais Macky Sall, présent aux côtés d' Emmanuel Macron. "Nous sommes heureux que l'engagement ait été renouvelé de rester dans la région et de réarticuler le dispositif", a-t-il ajouté, alors que le départ français risque de créer un vide sécuritaire au Mali. 

Coopérations régionales renforcées 

La France est militairement présente depuis 2013 au Mali, proie des groupes jihadistes qui sévissent aussi dans d'autres Etats sahéliens. Paris est intervenu pour enrayer la progression des groupes islamistes radicaux menaçant Bamako et a ensuite mis sur pied une vaste opération régionale, Barkhane, déployant des milliers de soldats pour lutter contre les franchises locales d'Al-Qaïda et du groupe Etat islamique.

Mais malgré des victoires tactiques, le terrain n'a jamais été véritablement repris par l'Etat malien et ses forces armées. 

Et un double coup d'Etat en 2020 et en 2021, a consacré l'arrivée au pouvoir d'une junte qui refuse de rendre le pouvoir aux civils et attise un sentiment antifrançais croissant dans la région.

Le chef de l'Etat français a "récusé" l'idée d'un échec français au Mali.

"Que se serait-il passé en 2013 si la France n'avait pas fait le choix d'intervenir? Vous auriez à coup sûr un effondrement de l'Etat malien", a-t-il fait valoir, en ajoutant qu'"ensuite nos militaires ont obtenu de nombreux succès", dont l'élimination de plusieurs grands chefs jihadistes.

Quelque 25.000 hommes sont actuellement déployés au Sahel, dont environ 4.300 Français (2.400 au Mali dans le cadre de Barkhane), selon l'Elysée. Le pays accueille aussi 15.000 soldats de l'ONU au sein de la Minusma.

Concrètement, la fermeture des dernières bases françaises au Mali (Gao, Ménaka et Gossi), qui va demander un effort logistique titanesque, prendra de "4 à 6 mois", a détaillé Emmanuel Macron.

Le retrait des forces françaises du Mali aura un "impact" pour la mission de l'ONU dans ce pays, qui fera le nécessaire pour "s'adapter", a réagi son porte-parole Olivier Salgado.

Le Mali était au cœur du dispositif antiterroriste français et européen au Sahel. Emmanuel Macron avait déjà décidé d'amorcer à l'été 2021 une réduction des effectifs français au profit d'un dispositif régional moins visible, mais ce départ contraint du pays force Paris à accélérer cette réorganisation.

Des militaires européens participant au groupement Takuba "seront repositionnés aux côtés des forces armées nigériennes", a précisé le président Macron. Le Niger héberge déjà une base aérienne et 800 militaires français. 

Au terme de ce retrait du Mali, la France comptera "de 2.500 à 3.000 hommes" au Sahel, selon le porte-parole de l'état-major, le colonel Pascal Ianni, répartis entre le Tchad, le Niger, le Burkina Faso (forces spéciales), et s'appuiera sur ses forces prépositionnées (Sénégal, Côte d'Ivoire, Gabon) pour proposer un appui aux pays de la région.

"Il s'agit de nous recentrer sur les demandes de nos partenaires là où notre contribution est attendue, toujours en soutien (...) Nous définirons dans les semaines et mois qui viennent l'appui que nous apporterons à chacun des pays de la région sur la base des besoins qu'ils auront exprimés", a conclu M. Macron.

Depuis 2013, 53 soldats français ont été tués au Sahel, dont 48 au Mali.

le Jeudi 17 Février 2022 à 05:07 | Lu 663 fois