Tahiti, le 29 octobre 2025 - Au deuxième jour de son procès mardi devant la cour d'assises, le quinquagénaire poursuivi pour avoir violé sa fille mineure durant plusieurs années a continué de nier les faits malgré le témoignage de ses deux plus jeunes enfants qui l'avaient vu agresser leur sœur.
Alors qu'elle juge depuis lundi un homme de 51 ans poursuivi pour avoir violé et agressé sa fille pendant quasiment une décennie, la cour d'assises a longuement entendu mardi matin la psychologue qui avait expertisé la victime après que cette dernière a révélé les faits. Dans un exposé particulièrement limpide, la praticienne a évoqué l'inceste, associé au “secret, à la trahison, à la honte de soi et à la peur des représailles” en expliquant que la mineure s'était trouvée dans un état de “sidération” et d'emprise.
Lorsque la présidente de la cour lui a expliqué que la victime avait fugué de son foyer et qu'elle était désormais déscolarisée, la psychologue a assuré qu'elle mettait les “institutions à l'épreuve”, qu'elle se trouvait en “grand danger” et qu'elle se comportait de manière “quasi suicidaire” en raison des grandes souffrances endurées. Confronté à cette expertise, l'accusé, fidèle à lui-même, a répondu qu'il avait appris à marcher à sa fille mais pas “à mentir”.
Conflit de loyauté
Lors du premier jour d'audience, il était ressorti des débats que la belle-fille de l'accusé – la fille aînée de son épouse décédée – avait déjà dénoncé des attouchements sexuels sans que suite ne soit donnée. Mardi, la jeune femme est donc venue à la barre pour affirmer que la “justice n'a pas été faite pour moi”. “L'inceste, chez nous, c'est normalisé. Si on parle, on nous tape donc on ne parle pas”, a-t-elle poursuivi avant d'assurer qu'elle souhaitait que “justice soit faite” pour sa petite sœur. Lors de son audition, la jeune femme a également expliqué que son propre père biologique, un homme condamné pour viol sur mineure en 2019 à 15 ans de réclusion criminelle, avait abusé d'elle.
C'est ensuite le fils de l'accusé et frère de la victime qui s'est avancé à la barre dans un état émotionnel visiblement très fragile. Pris dans un inextricable conflit de loyauté, le jeune homme a tout d'abord expliqué que sa sœur ne mentait pas mais qu'elle disait des “conneries”. “Il m'a tout appris”, a-t-il dit au sujet de son père. Agité et parfois menaçant, il a demandé à de nombreuses reprises à parler à l'accusé comme s'il avait l'espoir de le faire avouer.
Lors de l'information judiciaire, les gendarmes avaient entendu les deux plus jeunes enfants de la fratrie qui avaient relaté avoir vu “papa faire l'amour” avec leur sœur ou les avoir vus dans le même lit. Lors de la diffusion de ces auditions mardi, le frère aîné est sorti de la salle. Il a fallu que la présidente de la cour demande aux policiers de le ramener pour qu'il entende, douloureusement, les déclarations de son frère et de sa sœur. Au terme de cette éprouvante journée, c'est l'image d'une fratrie brisée par l'inceste et de ses victimes collatérales qui s'est imposée aux jurés avec, certainement, la sensation que la justice ne pourrait pas tout réparer.