L'évasion Intervilles à Tatutu


Tahiti, le 5 janvier 2022 – Une centaine de détenus de la prison de Tatutu à Papeari participent depuis mardi à la deuxième édition des jeux Intervilles. Ludique et récréatif, cet événement, qui avait déjà été organisé en 2019, permet aussi aux personnes incarcérées de s'évader d'un quotidien très strict en cultivant les valeurs propres au sport et à l'esprit d'équipe.

“Ou'a pute”, “Chap chap mama”, “Honu Raid” ou “Saga Poerava” : C'est au travers d'une dizaine d'épreuves et de défis sportifs que la deuxième édition des jeux Intervilles a débuté mardi au centre de détention de Tatutu à Papeari. Pendant deux jours, les différents quartiers de la prison se sont affrontés sur le terrain de sports qui avait été aménagé pour l'occasion à l'aide d'infrastructures louées à l'Institut de la jeunesse et des sports de Polynésie française (IJSPF).

Pour le responsable du service des sports de Tatutu, Kryss Vairaaroa, cet événement revêt plusieurs intérêts. “Il s'agit, au travers de ces jeux Intervilles, qui sont ludiques mais également assez physiques, de développer les valeurs de cohésion, de travail d'équipe et de respect d'autrui. A chaque fois que nous organisons des événements de ce type, cela permet aux détenus de sentir un peu à l'extérieur le temps de quelques heures et cela leur plaît beaucoup.”

“Du bien au moral”

Et si ces jeux permettent aux détenus de s'amuser, ils leur confèrent également un sentiment d'“évasion” tel que l'explique l'un d'entre eux, condamné il y a plusieurs années à vingt ans de réclusion criminelle : “Quand on est enfermé et surtout pour de longues peines comme moi, c'est dur alors heureusement qu'il y a ce type d'événements. C'est comme si l'on était à l'extérieur. Normalement, il y a peu de choses comme cela en prison. C'est une vraie évasion et c'est aussi bon pour la réinsertion. Ça nous pousse à bien nous tenir ici, ça nous aide car ça fait du bien au moral surtout après les fêtes.”

Ces jeux Intervilles, dont la finale aura lieu jeudi matin avec, notamment, une épreuve de “Va'a Odyssée”, auront donc mis le sport à l'honneur durant trois jours. Mais le centre de détention de Tatutu propose déjà un choix de sports plutôt fourni aux détenus avec la possibilité de pratiquer du badminton, du va'a, du futsal, du volley-ball, du crossfit, du football et du ping-pong. En 2022, les détenus pourront également s'adonner aux randonnées VTT –sous réserve d'autorisation de sortie délivrée par la justice–, à la pirogue à voile, à la boxe éducative et s'initier aux handisports.

“Les loisirs ne sont jamais interdits en prison”

Vincent Vernet, directeur de Tatutu

Quel est l'intérêt de ce type d'événement en milieu carcéral ?


“Nous ne voyons pas ces jeux uniquement sous le prisme de leur aspect ludique. Ce n'est pas l'idée. La finalité est de permettre de dire que la détention est uniquement une privation d'aller et venir et que tout ce qui est lié aux activités socio-culturelles et aux loisirs n'est jamais interdit en prison. C'est peut-être un mythe ou un fantasme que certains ont mais ce n'est pas du tout la logique de l'administration. Les personnes détenues sont privées de certains droits, de certaines modalités de circuler mais c'est tout. A travers cet événement, nous travaillons toujours sur les notions de travail en équipe, d'entraide et de dépassement de soi. Cela reste aussi un moment convivial et récréatif en période de fêtes où nous sommes confrontés à des risques de vulnérabilité des détenus au regard de l'éloignement des familles.”

Cela soulève plus largement la question de l'intérêt du sport durant la détention…

“Au-delà du sport, nous essayons de faire comprendre aux personnes détenues qu'il ne s'agit pas que de la performance mais des valeurs qu'il apporte au sens large. L'envie, pour certains, passe par le sport. Ils retrouvent confiance en eux à travers leurs corps et cela, on le voit parfois, les remotive sur leur parcours général d'insertion. Grâce au sport, nous avons des personnes détenues qui ont perdu des dizaines de kilos. Cela leur a permis de se sentir mieux et d'avoir ensuite un parcours constructif en détention.”

Rédigé par Garance Colbert le Jeudi 6 Janvier 2022 à 16:22 | Lu 4736 fois