L'attractivité des métiers de la mer au cœur du forum de l'économie bleue


La dixième édition du forum de l’économie bleue est consacrée à l'attractivité des métiers de la mer.
Tahiti, le 13 octobre 2025- Le Cluster maritime de la Polynésie française lance ce mardi sa dixième édition du forum de l’économie bleue, consacrée cette année à l'attractivité des métiers de la mer. Réunissant près de 110 participants issus du secteur professionnel, du monde institutionnel et des organismes de formation, ce forum vise à relever les défis majeurs de l'emploi maritime dans le Fenua.
 
L’organisation du dixième forum de l’économie bleu, qui s’ouvre ce mardi, revêt une importance particulière dans un contexte où les armements peinent à constituer leurs équipages. Tumoana, patron du bateau Lady Chris 9 et capitaine depuis trois ans, témoigne d'une réalité largement partagée au sein de la filière : “Sur vingt jeunes qui viennent travailler sur les bateaux, il y en a peut-être un qui est fait pour travailler à bord. C'est un milieu qui peut être dur.” Le secteur maritime enregistre un vieillissement significatif de ses effectifs, particulièrement au niveau des officiers et des mécaniciens.
 
Les problématiques de recrutement et de fidélisation structurent l'ensemble du forum. “Il n'est pas évident de trouver les équipages pour partir longtemps en mer. On manque de mécaniciens, de capitaines aussi”, explique Tumoana. Au-delà de la difficulté à attirer les jeunes talents, le secteur fait face à des obstacles supplémentaires : les conditions de travail en mer, les longues absences loin des proches, malgré des rémunérations souvent bien supérieures au Smig.
 
Des déficits de main-d'œuvre 
 
Stéphane Perez, président du Cluster maritime, souligne que la première journée du forum, qui se déroule mardi matin à la présidence, débutera par la présentation du Baromètre de l'économie bleue 2025. Ce bilan annuel de l'activité économique maritime du territoire sera suivi de deux tables rondes.
 
La première dressera un panorama des formations disponibles sur le territoire, réunissant des acteurs clés comme le Centre des métiers de la mer, l'Université de la Polynésie française, des organismes de formation privés et les services de l'État. La seconde explorera l'adéquation réelle entre l'offre de formation et les besoins concrets des employeurs. “C'est bien de parler de développement des secteurs maritimes, mais si à la base, on n'a pas des hommes et des femmes pour les mettre en place et pour les développer, ça ne sert à rien”, affirme Stéphane Perez. 
 
Quatre ateliers thématiques complèteront la matinée. Ils porteront sur la vision et la gouvernance des formations maritimes, la valorisation de l'enseignement pour créer une offre pérenne, le financement de la formation et, enfin, la motivation et l'insertion professionnelle pendant et après la formation. “On observe souvent que des jeunes font une formation parce qu'ils ont vu de la lumière, ils sont rentrés. Et c'est difficile de les garder après dans ces secteurs d'activité”, note le président du cluster.
 
Un enjeu soulevé par les professionnels concerne la reconnaissance internationale des diplômes polynésiens. Actuellement, les brevets maritimes de pêche délivrés localement ne bénéficient pas de reconnaissance au-delà de nos frontières, ce qui constitue, selon les professionnels, un frein à l'attractivité de ces formations. “Il faudrait que le Pays ratifie la STCW pêche”, souligne l'un des professionnels du secteur à Papeete. Cette convention internationale sur les normes de formation ouvrirait des perspectives considérables pour les candidats aux métiers de la mer.
 
Le Cluster maritime recense 23 secteurs différents liés à l'économie bleue, de la pêche à l'aquaculture, en passant par l'innovation, la recherche, le tourisme nautique, la croisière, les énergies marines renouvelables et les charters nautiques. Chacun de ces secteurs connaît des déficits de main-d'œuvre qualifiée, à des degrés variables. Pour le secteur de la construction navale et de la réparation navale, où l'industrie bénéficie d'une bonne adéquation entre offre et demande de formation, le problème se cristallise autour de métiers très spécialisés. “Autant on peut trouver des soudeurs, des chaudronniers, autant on a du mal à trouver des tuyauteurs”, explique Stéphane Perez, également PDG du Chantier naval du Pacifique Sud. 
 
Mercredi après-midi, le forum se poursuivra au Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) avec une restitution des travaux des ateliers. Cette séance, destinée aux décideurs publics et aux représentants institutionnels, vise à faire remonter les conclusions et recommandations auprès de l'État et du Pays. Les résultats des précédents forums ont d'ailleurs porté leurs fruits : plusieurs projets de construction navale témoignent de politiques de défiscalisation que le cluster avait promues.

Stéphane Perez, président du Cluster maritime
Trois questions à Stéphane Perez, président du Cluster maritime
 
Vous venez de passer un an à la présidence du Cluster maritime. Quel bilan tirez-vous de cette première année ?
 
“C'est gratifiant et prenant à la fois. Aujourd'hui, au bout de onze ans, le cluster est devenu l'interlocuteur privilégié des pouvoirs publics. Ce que j'en retiens après cette année, c'est qu'il y a une réelle prise en compte, à la fois au niveau du Pays et au niveau de l'État, de l'enjeu maritime pour la Polynésie. Notre développement économique passe par le développement des activités maritimes. 
Au-delà de cela, j'ai remarqué que le cluster peut être force de proposition et de médiation. Par exemple, c'est sous l'égide du cluster qu'on a pu faire se rencontrer les élus des Marquises et les pêcheurs hauturiers de Tahiti.” 
 
Vous affirmez que les métiers de la mer souffrent d'une mauvaise image. Comment le forum d'aujourd'hui peut-il changer les choses ?
 
“Les métiers de la mer, ils ont une image très compliquée, fastidieuse, synonyme d'absence. Quand on parle de métiers de la mer, on pense immédiatement aux marins embarqués. Or, il y a aussi une multitude de métiers à terre liés aux activités maritimes. Ce que le forum fait, c'est qu'il propose une vision plus complète et équilibrée de ce que représentent les métiers de la mer. Nous avons identifié 23 secteurs différents liés à l'économie maritime. Chacun a ses propres réalités, ses propres défis. En exposant cette diversité, le forum permet de montrer qu'il existe de vraies opportunités. 
 
Le cluster a un calendrier chargé pour les mois à venir. Quels sont les grands événements prévus ?
 
“Notre prochain gros événement, c'est notre déplacement aux Assises de l'économie de la mer. Elles auront lieu les 4 et 5 novembre à La Rochelle. À Paris, après les Assises, on organise deux jours de coordination des Clusters maritimes d'Outre-mer et on rencontre les administrations centrales. C'est l'occasion de faire remonter directement nos enjeux insulaires aux niveaux décisionnels.
Au début de l'année, nous souhaitons organiser un buffet networking sur l'innovation et l'aquaculture. C'est une formule plus conviviale avec des échanges entre les professionnels. Le dernier portait sur la pêche hauturière et les ressources marines. On aimerait en faire au moins deux ou trois par an, pour maintenir du lien et des échanges tout au long de l'année.”

Rédigé par Darianna Myszka le Lundi 13 Octobre 2025 à 14:26 | Lu 1463 fois