L’APC dénonce le far-west économique du Medef


Tahiti, le 30 octobre 2025 - La position de Steeve Hamblin, président du Medef, se félicitant de la limitation d’action de l’Autorité de la concurrence, a fait réagir l’APC qui l’encourage à ne pas confondre liberté d’entreprendre et non-respect des règles.

 
La semaine dernière, nos confrères de Radio 1 revenaient sur la première mouture de la proposition de loi du Pays qui devrait dépoussiérer la loi sur la taxe de développement local (TDL). Piège inflationniste pour les uns, bouclier protectionniste pour la production locale pour les autres, cette TDL a désormais largement vécu et de nombreux rapports incitent à son abolition qui ferait baisser les prix de nombreux produits importés, mais qui ferait aussi sauter le verrou de certaines entreprises locales qui ont pu se développer largement grâce à elle. Le jeu des lobbies locaux est pour l’heure toujours parvenu à faire plier les gouvernements pour son maintien.
 
Un problème demeure cependant au cœur de la réforme proposée par le ministre de l’Économie, Warren Dexter. L’article 21 de cette proposition de loi qui ne sera pas sans incidence sur le contrôle par l’Autorité de la concurrence. Radio 1 expliquait d’ailleurs que la nouvelle rédaction de cet article viderait de sa substance le pouvoir de sanction de l’Autorité de la concurrence à l’encontre des ententes sur un nombre de produits encore plus important que ce qui est le cas aujourd’hui. Il suffirait alors pour les producteurs locaux d'invoquer des “échanges en vue” d’instaurer un régime de taxe de développement local rénovée pour éviter toute poursuite au titre des pratiques anti-concurrentielles puisqu'il n'y a pas d'obligation de résultat.
 
Une mesure dont se frottait les mains le président du Medef Polynésie, Steeve Hamblin, toujours sur l’antenne de la radio, lors de son passage sur le sujet. Ce dernier n’a pas hésité à dire “tant mieux” face à la menace de rendre l’action de l’Autorité de la concurrence inopérante. Une prise de position que le Medef s’est reprise en boomerang dans un courrier envoyé par l’Autorité de la concurrence qu’un proche du Medef a fait parvenir à Tahiti Infos.

“La liberté n’est pas l’absence de règles”

Au lendemain de la prise de position du président du Medef pour une économie encore plus libérale et surtout moins contrôlée par des organismes extérieurs qui vérifieraient que des ententes ne sont pas mises en place au détriment du consommateur, la présidente de l’Autorité de la concurrence, Johanne Peyre, a envoyé une lettre cordiale, mais ferme, à Steeve Hamblin, pour remettre l’église au centre du village.
 
“Vous affirmez que ‘les entrepreneurs polynésiens ne sont pas dans les ententes’, et que l’éventuelle ‘amputation’ du droit de la concurrence serait ‘tant mieux’. Je veux croire que cette formule, que vous avez sans doute voulue stimulante, relevait davantage du trait d’esprit que de la position officielle du Medef Polynésie”, écrit la présidente de l’APC.
 
“Le droit de la concurrence n’est pas une entrave à la liberté d’entreprendre, mais la condition même de son exercice”, précise-t-elle pour rappeler que le droit du commerce n’est pas un far-west sans foi ni loi. “Il protège les entreprises de bonne foi contre celles qui confondent libre marché et marché sans règles”, explique-t-elle. “Ainsi, il garantit que l’effort, l’innovation et la loyauté l’emportent sur les arrangements, les rentes et les barrières invisibles.”
 
Les ententes comme celles mises à jour et pratiquées lors de la période Covid par les entreprises de pompes funèbres ou celles pratiquées par les entreprises de BTP par le passé ne peuvent perdurer. “Vous conviendrez qu’en la matière, la véritable liberté n’est pas l’absence de règles, mais la certitude qu’elles s’appliquent à tous”, frappe la présidente de l’APC qui veille justement à ce que cette autorité puisse demeurer un gendarme financier.
 
En conclusion de ce courrier, l’APC encourage le Medef à venir à sa rencontre pour explorer les voies “par lesquelles nous pourrions, ensemble, concilier plus de liberté économique, de protection des entreprises locales et des consommateurs, sans pour autant sacrifier les principes fondamentaux de loyauté et de transparence qui fondent toute économie moderne”.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Jeudi 30 Octobre 2025 à 15:24 | Lu 4365 fois