Tahiti Infos
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Juste 20 ans dans cette mer d’îles




Issu de l’Océanie, j’aimerais vous faire part de mes expériences personnelles :

À Tahiti, quand je n’étais pas plus haut que trois pommes, ma grand-mère me dialoguait en dialecte hakka. La langue de Molière était déjà présente via les discours publiés par les produits de consommation. Une oreille avalait le mot en hakka puis je pouvais m’adresser à mamie en lui disant (toc’jia). Tandis que la seconde récoltait les sonorités des ta’ata tahiti qui achetaient les bons petits plats. 

Puis, vint le moment où mes parents m’inscrivirent à l’école. En famille, seul le reo farāni dominait nos conversations quotidiennes. Pourtant, i te fare ha’api’ira’a tuatahi, ’ua ha’api’i tātou i te mau pehe ’aore rā i te mau tai’ora’a nā roto i te reo tahiti. Iā’u nei, ’ua ’ana’anatae mau ā i te reira parau vāna’a o tei fa’aro’o-varavara-hia. Je trouvais l’apprentissage du reo très ludique mais je ne comprenais pas pourquoi, arrivé vers les grandes classes, on le remplaçait par la langue de Shakespeare ou bien par le sport. ’Ua pāinu roa vau

Physiquement, j’étais le fruit d’un métissage entre toto kinitō et toto mā’ohi et malgré cela, on me considère souvent comme un exogène. En réalité, selon mon ’akaerega ivi, j’aurais des origines chinoises hakka, de Tahiti, de Magareva, de ’Ōparo et de Tupua’i. Il n’y a pas de doute, arrivé vers l’adolescence et jusqu’à aujourd’hui, je continue de me chercher. Pour ma part, un des moyens d’affirmer mon ihotumu, c’est par le biais des langues car comme dit Turo a Raapoto : « Tō ’oe papa, tō iho reo ïa ». Autrement dit, dès le collège, je me suis intéressé petit à petit aux reo de mes tupuna. C’est tout à fait normal, n’est-ce pas ?

Dans le quartier à Pīra’e, je rencontrais de temps en temps mes grandes tantes et ces dernières divulguaient une langue très éloquente et gracieuse. Ce fut mes premiers échanges en reo magareva. Ku vāragaraga roa tātou ’ua mā roto ki te reo. Reka, nā mua ake, mā te utu kui iti i ’akatoa kiāku mō te kara’i-tika-raga me mō te pa’ā’a mari’e noti. ’A konoga ara, tūtakite’ito vau i te utu ’oa magareva mō te ’akamagareva i tōku makararaga. Puita’aga ! J’ai notamment découvert des vidéos sur les taratūtū et autres sujets en reo. Enfin, pāpū mari’e, en 20 ans, les reo mā’oi et même le 客家 (Hakka) sont tous sur les tahua natirara sous forme de supports numériques.

En effet, Mai 1968 est déjà passé, Henri Hiro ont fait leur temps, où est donc la troisième génération pour prendre la relève ? Perepitero Laval a fait beaucoup de tort aux Mangareviens malgré son recueil ethnographique. Les Églises ont été cimentées avec le sang du ’ū. L’équipage du Kon-Tiki a été sauvé par les tangata pakumotu de Raroia, mais presque personne ne le savait. Depuis 2000 et combien de temps devrons-nous encore attendre pour valoriser nos us et coutumes, nos exploits niés par le discours colonial. Nous sommes tous des Agents, c’est nous qui devons décider pour le ’āpōpō de nos cultures autochtones.

Albert Hugues