“Je veux que l'histoire du Terevau continue”


Tahiti le 28 décembre 2025 – Même si depuis le 8 décembre dernier, le Terevau est en redressement judiciaire, le nouveau gérant refuse de baisser les bras et a décidé de se retrousser les manches. “Je veux que l'histoire du Terevau continue”, dit-il et, dans deux ou trois ans, assister à la naissance du petit frère du navire. Mais en attendant il a ouvert son cœur à Tahiti Infos et nous raconte les difficultés qu’il a eues depuis sa prise de fonction.

 

L’actuel gérant du Terevau, Frédéric Faura, nous livre ses sentiments quant à la mise en redressement judiciaire de la société SNVG 2 Moorea Terevau et de ce qui s’est passé avant qu’il ne reprenne en catastrophe les rênes de la compagnie de transport maritime entre Tahiti et Moorea. 

Il se souvient que deux semaines avant que la décision du tribunal de commerce ne tombe, une assemblée générale devait se tenir “et c'est là que j’apprends qu'on est en cessation de paiement”. Et comme les mauvaises nouvelles n’arrivent jamais seules, il apprend qu’un nouveau gérant devait également être nommé le même jour. Gérant, qui leur explique d’ailleurs, que sa propre société est également en redressement judiciaire. Frédéric Faura demande le report de l’AG considérant que cette décision revient aux associés, les consorts Faura qui sont en indivision et détiennent 65% des parts sociales, et Tino Fa-Shin-Chong qui en détient 35%.  

Frédéric Faura découvre “petit à petit” la situation financière du Terevau. “J’étais sur le cul, je ne savais pas que la société allait aussi mal. Je suis à Manihi, et comme on dit, pas de nouvelles bonnes nouvelles. Ma sœur, gérante de la société et mandataire de l'indivision (…) n’a commencé à dire qu’on avait des difficultés que 15 jours avant cette assemblée générale.”  

 


“Je me retrouve dans une société où il n’y a pas de tête”

Lorsque les associés se réunissent, la fratrie Faura désigne Frédéric Faura comme nouveau gérant de la compagnie Terevau considérant que “notre papa a mis un capital dedans, ils voulaient que la gérance reste dans la fratrie (…). Et là, je me rends compte petit à petit qu’on est un peu dans la m…”, dit-il. “Quand tu es gérant, tu as accès à tous les éléments (…). Et c'est là que tu passes par l'ascenseur émotionnel (…). Je ne souhaite à personne, même pas à mes ennemis, ce que j'ai vécu surtout venant de ma propre famille.”. Il ne dormait plus ni ne mangeait, dit-il durant cette période : “J’ai chialé en me demandant par où je devais commencer. Et pourquoi m’avait-ont fait ça ?" Il rappelle aussi que l’ancienne direction avait fait “la même chose en 2020 ils ont tous démissionné à la différence qu’ils ne sont pas frères et sœurs alors que là, je suis leur frère”.  

Ce n’est pas tout car, avant qu’il ne reprenne la gérance, Heifara et sa sœur Josiane Soulie Faura ainsi que le directeur financier de l’entreprise, Tuparau Ariitu, alors aux commandes de la société, décident de quitter le navire. Les deux derniers posent même des arrêts maladie. Problème, pour Frédéric Faura : aucune passation d’information ne se fait. “Je me retrouve dans une société où il n’y a pas de tête, et seul avec les employés.”  

Il s’entoure alors “d’amis, car je passe au tribunal du commerce une semaine après (…). Et nous voilà à la pêche aux infos (…) On a eu du mal à accéder aux éléments (…). Et ma hantise c’était la liquidation (…). Dans ces moments-là, tu te demandes ce qui va encore te tomber dessus ; quels cadavres tu vas sortir du placard”.  

Celui qui désormais est à la barre de la société affirme aujourd’hui ne pas comprendre l’attitude de ses sœurs : “Non seulement, elles m'ont laissé dans la merde et en plus, elles ont bloqué les toilettes pour qu'on ne puisse pas nettoyer la m… qu’elles ont laissé. C’est l’image que j'ai de cette situation”, illustre-t-il dépité.  

Finalement, le tribunal de commerce ordonne le placement en redressement judiciaire de la société, le 8 décembre dernier offrant un répit à la société face à ses nombreux créanciers. Un soulagement pour Frédéric Faura car “s’il y avait eu une liquidation judiciaire, j'aurais été très malheureux, et cela m'aurait marqué à vie”. Retraité du secteur de la santé, il ne s’attendait pas à “avoir cette charge-là sur les épaules surtout quand tu as devant toi une trentaine de personnes qui te demande de chercher une solution et pour qui tu te dois de faire le maximum”

 


“Je ne leur ferai pas de cadeau”

Et sur le front du redressement, la fin de l’année 2025 ne se présente pas sous son plus beau profil. La liste de mauvaises surprises continue : “On a deux moteurs qui sont en zone sous-douane et qu'on va faire sortir”, assure le nouveau gérant. Lui qui dit “ne jamais” travailler seul mais “toujours” avec les salariés qu’il considère comme ses “collaborateurs”

Deux solutions se présentent à lui : immobiliser le bateau pour installer les moteurs. “Mais ça prend trop de temps car il faut faire venir le constructeur pour pouvoir avoir la garantie”. L’alternative est de “faire tourner le bateau au lieu de le laisser à quai, parce qu'on a besoin aussi de faire rentrer les finances”. Après deux semaines d’interruption, les navettes entre Tahiti et Moorea ont repris le 22 décembre en accord avec le personnel de l’entreprise. 

Quant au changement de moteur, il devrait se faire en janvier prochain : “On a les moyens de faire sortir ces moteurs”, précise Frédéric Faura, “contrairement au bruit que certains font courir”. Le bateau devrait donc être de nouveau immobilisé pour au moins une dizaine de jours pour l’intervention technique sous la supervision d’un mécanicien agréé par le constructeur. 

Ce faisant, depuis le placement redressement judiciaire tous les nouveaux achats sont payés au comptant, alors que son équipe et lui font la chasse aux “dépenses inutiles” à l’instar de la location d’un conteneur “qui ne sert à rien mais qu’on paie quand même 800 000 francs par an (…). C'est une gestion, comme dirait notre avocate, à la one again”

Le tout nouveau dirigeant de la société regrette que ses sœurs et Tuparau Ariitu n’aient pas été à l’écoute des salariés parce que “moi j'y crois à cette société”, affirme-t-il. Frédéric Faura ajoute qu’il est là pour trouver des solutions “pour la société et les familles (…)”. Et certainement pas “pour prendre la relève de ce qui a été fait par l’ancienne direction”, assure-t-il.  

Frédéric Faura est clair “ce sont mes sœurs certes, mais ce n’est pas parce que ce sont mes sœurs que je ne vais pas les signaler. S’il y a quelque chose qui ne va pas dans leur gérance ; s'il faut le signaler, je le ferai à qui de droit, je ne leur ferai pas de cadeau, que ça soit clair”. Mais Frédéric Faura préfère rester positif : “Je vous rassure, on a des solutions. S'il n'y avait pas eu de solution, on aurait déjà arrêté.” 


“Nos plus grosses dépenses sont les salaires et le carburant”

Frédéric Faura assure que les plus grosses dépenses auxquelles doit faire face la société sont les salaires des employés et le poste carburant. Il rappelle que ses collaborateurs, au nombre de 36, souligne-t-il, ont été “partiellement payés en octobre et pas du tout en novembre (…). On est dans une situation qui est compliquée pour eux (…) et pour le moment on agit dans l’urgence. Je suis en train de faire tout mon possible pour sortir cette société de là où elle est.”  

Il reconnait que la situation est difficile financièrement pour ses collaborateurs : “Il y a beaucoup qui font des avances et je comprends. L’ancienne gérance a pris des décisions pas très adaptées, sur les conseils de son soi-disant DAF.”  

Il ne cache pas que “les salaires de l'ancienne gérance étaient inadaptés à leurs fonctions”. Frédéric Faura précise juste que le salaire de l’ancien gérant “dépassait largement le million” sans souhaiter en dire plus à ce sujet.  

A ce propos, l’ancienne direction a fait une demande auprès du Sefi pour que les salariés bénéficient de la Convention de soutien à l’emploi (CSE). Ils sont d’ailleurs tombés d’accord en septembre dernier pour une réduction du temps de travail. “Cela a été accepté, selon notre ancien DAF, et maintenant, il faut qu'elle soit mise en place”, affirme l’aide comptable de Terevau.  
 


Le Pays accorde la licence à Aremiti 5 pour dix ans “cela nous fait du tort (…) ils ont deux bateaux sur la même ligne”

Le Pays est bien au courant de la situation, nous assure Frédéric Faura : “On a eu des contacts avec Warren Dexter (…) il manque juste un document avant qu'on envisage comment le Pays peut nous aider (…). Je pense qu'il va mettre tout en œuvre pour le faire.” 

Sauf que le Pays, par un arrêté de mai 2024, a octroyé une licence d’exploitation à la SNC Aremiti 5 pour “une durée de dix ans” à compter le 1er juin 2024.  

En panne à partir du 16 mars 2024, dix jours après Aremiti a fait sa demande au Pays pour obtenir la licence qu’elle a ensuite complété le 23 mai 2024. Le Pays précise d’ailleurs dans ce même arrêt que “l’activité de transport s’effectue aux risques et périls de l’exploitant, la Polynésie française déclinant toute responsabilité en cas de déficit d’exploitation”.  

“C'est sûr que cela nous fait du tort et il faut que le Pays se positionne par rapport à ça. C'est l'idée aussi de la rencontre avec Moetai pour lui demander comment on fait. Ils ont deux bateaux sur la même ligne, il y a un souci quelque part”, assure Frédéric Faura qui a bon espoir et qui compte bien, continuer l’aventure et pourquoi pas avec un petit frère du Terevau.


Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Dimanche 28 Décembre 2025 à 19:04 | Lu 460 fois