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IVG dans la Constitution: LFI et majorité convergent malgré "l'obstruction"


Crédit Nicolas TUCAT / AFP
Crédit Nicolas TUCAT / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 24/11/2022 - Secoués par l'affaire Quatennens et confrontés à l'"obstruction" de la droite et de l'extrême droite à l'Assemblée, les Insoumis ont marqué un point décisif jeudi, convergeant avec la majorité en faveur de l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution.

Avec ce texte de protection de l'avortement, inscrit au programme d'une journée réservée à LFI dans l'hémicycle, il s'agit de "se prémunir d'une régression" comme récemment aux Etats-Unis ou ailleurs en Europe, a plaidé la cheffe de file du groupe LFI Mathilde Panot.

Devant un hémicycle fourni, elle a cité Simone de Beauvoir: "Il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse, pour que les droits des femmes soient remis en question".

Gauche et majorité se sont accordées à la mi-journée sur une formulation commune pour l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution, à son article 66: "La loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse".

L'examen du texte n'est pas achevé mais Mme Panot s'est félicitée d'une "victoire historique", qu'elle a dédiée aux femmes "états-uniennes, polonaises et hongroises". 

La proposition LFI initiale mentionnait également le droit à la contraception et faisait craindre à certains l'instauration d'un droit à l'avortement sans limite. Ce changement d'écriture, issu d'un travail transpartisan, vise donc à lever les réticences.

L'amendement de réécriture a été largement adopté, par 226 voix contre 12, et 15 abstentions. 40 élus du groupe RN (sur 55 votants), dont des membres ont eu des positions anti-avortement, s'y sont même ralliés, tandis que les LR se sont partagés. 

Droite et extrême droite avaient fait valoir qu'ils jugeaient ces débats inutiles, le droit à l'avortement n'étant pas menacé en France selon elles.

"Temps agités" 

Chose rare, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a apporté son soutien à la proposition LFI, "plus que nécessaire en ces temps agités". 

Dans le camp présidentiel, la patronne des députés Renaissance Aurore Bergé a son propre texte, qui doit être débattu en séance à partir de lundi prochain mais qui pourrait ainsi ne pas être maintenu.

Quoi qu'il arrive, Mme Panot a exhorté une nouvelle fois le gouvernement à présenter son propre projet de loi pour constitutionnaliser l'IVG.

Un texte venant du gouvernement devrait lui aussi obtenir l'aval du Sénat dominé par la droite, mais, contrairement à un texte d'initiative parlementaire, il ne nécessiterait pas d'être soumis en fin de course à un référendum. Une épreuve redoutée, tant elle pourrait, craignent certains, mobiliser les réseaux anti-avortement.

Les débats avaient avancé péniblement dans la matinée jeudi, alors qu'au sein du groupe LR montaient au front les membres de l'Entente parlementaire pour la famille, favorables à un "équilibre" entre "liberté de la femme" et "protection de la vie à naître".  

La présidente du groupe RN Marine Le Pen a elle brièvement défendu l'inscription dans la Constitution du "droit actuel en vigueur" par un renvoi au Code de Santé publique. "Pas un seul mouvement politique représentatif" n'est contre l'avortement, mais ce droit n'est pas "inconditionnel", a-t-elle fait valoir, en référence aux délais pour l'IVG et à la clause de conscience des médecins.  

Le garde des Sceaux a étrillé son amendement, un "objet juridique non identifié", le Code de la santé pouvant être modifié et la protection constitutionnelle n'étant pas assurée par cette voie.  

Mme Panot a elle estimé que "le cordon sanitaire devient lâche" entre LR et RN, en épinglant "un continuum misogyne" de ce côté-là de l'hémicycle. 

Et les Insoumis, comme M. Dupond-Moretti, se sont élevés contre l'"obstruction parlementaire", avec les nombreux amendements des opposants au texte.

"Surenchère sociétale"

Le ton est monté à maintes reprises, alors que droite et extrême droite portaient des propositions sans aucun lien, sur l'immigration ou les institutions.

Face aux amendements en rafale, les Insoumis ont renoncé à regret à deux de leurs propositions initialement inscrites à l'agenda de leur journée réservée, l'une demandant une commission d'enquête sur les "Uber Files" et l'autre une hausse du Smic à 1.600 euros net.

Une autre proposition qui déchaîne les passions, pour une interdiction totale de la corrida, doit être examinée après celle sur l'IVG.

La séance a connu des pics de tension sur un autre sujet, celui du député LFI Adrien Quatennens, accusé de violences conjugales par son épouse. Le "combat" pour la "défense des droits des femmes" ne "souffre aucune compromission", a lancé Sarah Tanzilli (Renaissance).

le Jeudi 24 Novembre 2022 à 05:00 | Lu 239 fois