Heivai Jamet, à l’aise ballon en mains, continue de briller dans l’Élite du rugby féminin.
Tahiti, le 18 août 2025 – Partie en France il y a maintenant cinq ans, Heivai Jamet évolue au sein du club de Blagnac. Pensionnaire de l’Élite 1 féminine, le club de la banlieue toulousaine s’est fait une place de choix dans le haut niveau du rugby féminin. Pour le plus grand bonheur de notre ’aito vahine, qui, depuis la saison dernière, est devenue titulaire indiscutable au poste de troisième ligne. Un parcours inspirant pour la jeune fille de Pirae qui ne cache pas ses ambitions de continuer à tutoyer les sommets et participer aux Jeux du Pacifique sur son île en 2027. Un bel exemple de courage et de persévérance.
Le rugby féminin connaît un essor mondial depuis quelques années. Pas encore professionnel, il tend à le devenir très vite vu l’engouement médiatique qu’il suscite. La France ne déroge pas à ce nouvel élan et les clubs féminins se développent aux quatre coins du territoire. Terre culturelle de rugby devenue professionnelle chez les hommes, le paysage de la planète ovale en métropole s’est transformé. En 28 ans d’existence, les clubs professionnels bénéficient d’un fort pouvoir d’attraction sur le public et les médias. Dans son sillage, le rugby féminin commence à profiter des infrastructures de ces grosses machines économiques que sont les clubs de Top 14, voire de Pro D2. Mais il existe encore des irréductibles, des clubs qui subsistent grâce à la force de leur histoire et à des dirigeants qui croient au rugby féminin. C’est le cas du club de Blagnac. Passé sous plusieurs bannières, le club évolue dans l’élite du rugby féminin français depuis plus de 15 ans. Fort de cette expérience, de nombreuses internationales sont sorties de ses rangs, comme Marjorie Mayans ou Gaëlle Hermet. Deux troisièmes lignes de haut niveau. Avec une région qui compte beaucoup de légendes à ce poste comme Jean-Pierre Rives ou Thierry Dusautoir, La tradition se perpétue dans le temps, avec une nouvelle pépite : Heivai Jamet.
“J’ai commencé le rugby au club de Pirae. Mais je ne jouais pas troisième ligne car ici on joue à sept. J’ai découvert ce poste en arrivant en France, au club de Blagnac, et j’ai de suite accroché. J’ai su que j’étais faite pour ça et je suis très heureuse d’y évoluer”, confie la jeune Polynésienne de 23 ans, pour qui le rugby fut une évidence.
“J’ai toujours fait du sport. Je pratiquais l’athlétisme et le basket. Mais le jour où on a emmené mon frère au club de Pirae, j’ai tout de suite su que je voulais en faire. Et quand j’ai vu qu’il y avait des filles, mes parents n’ont plus eu le choix que de m’y inscrire”, raconte-t-elle.
Le club de Blagnac comme une évidence
Une passion évidente dans laquelle elle s’est très vite épanouie, grâce à ses qualités intrinsèques mais aussi aux différents sports qu’elle avait pratiqués auparavant. “J’aimais courir et j’avais des habiletés avec les mains grâce au basket, mais j’ai découvert le contact et ça a fait la différence. En plus, on jouait souvent avec les garçons et j’adorais ça. Donc très vite, dans ma tête, je me suis conditionnée à pouvoir, un jour, pratiquer mon sport à un autre niveau.”
L’opportunité s’est présentée lorsque notre ’aito vahine a obtenu son bac et a pu partir en France afin de poursuivre ses études, mais aussi continuer à vivre son rêve : “Je voulais faire Staps (université du sport), donc j’ai regardé les clubs proches des villes où il y avait des facs de sport. Et Blagnac c’était mon rêve. J’étais une grande fan de Marjorie Mayans et je voulais absolument rejoindre ce club. Donc tout était réuni avec le Staps à Toulouse, pour que je puisse entamer mon projet.”
Grâce à Gilles Lafitte, directeur technique du rugby en Polynésie, Heivai est mise en contact avec les dirigeants du club et tout se fait naturellement : “J’ai pris contact avec le club et ça s’est très bien passé. Dès mon arrivée en France, avec mon ami Mahinatea Lependu, on s’est installés en colocation et il a fallu se mettre dans le rythme. Entre l’adaptation au rugby à XV et la vie en métropole, les débuts n’ont pas été simples, mais le fait d’être ensemble et avec l’aide de tout le club, finalement, ça s’est très bien passé.”
Une adaptation à une nouvelle forme de jeu qui n’est jamais facile : “J’ai d’abord commencé à l’aile, puis au centre, parce que j’allais vite. Mais comme j’adorais plaquer et que j’étais à l’aise ballon en main, ils m’ont replacée en troisième ligne et je peux dire que j’ai vraiment trouvé ma place.” Un poste qui fait rêver bon nombre de joueurs, mais qui n’est pas donné à tout le monde. Pour Heivai, ce fut une révélation.
Très vite, ses entraîneurs ont compris que la jeune Polynésienne avait une grande marge de progression : “Même ici, on a vu qu’elle avait des qualités bien au-dessus des autres. Quand j’ai appelé mes connaissances au club de Blagnac, je savais qu’elle s’y épanouirait car c’était une grande travailleuse. Je suis vraiment content de son parcours, ça doit être un exemple pour tous ceux qui veulent tenter l’aventure du rugby en métropole”, expliquait Gilles Lafitte.
Les jeux du Pacifique avec la Team Tahiti
Et le responsable du rugby polynésien avait vu juste. En trois saisons, Heivai est passée de quelques matchs avec l’équipe Élite réserve à une place de titulaire incontestable à l’aile de la troisième ligne d’un des plus grands clubs de rugby féminin. “Je pensais que le niveau entre la réserve et l’Élite n’était pas si important. Mais quand j’ai commencé à jouer avec l’équipe première, j’ai découvert un rugby différent. Tout va plus vite, c’est plus intense, et j’ai adoré. Puis jouer avec des équipières très fortes, dont certaines jouent en équipe de France, ça m’a fait progresser encore plus.”
Avec une défaite en demi-finale face à l’ogre toulousain, la jeune fille de Pirae compte bien franchir un cap la saison prochaine : “On a perdu, mais on n’a pas à rougir sur ce match. Toulouse a fait vraiment une belle partie, mais nous aussi. On reviendra plus fortes l’année prochaine.”
Après un changement complet de staff, des départs mais aussi des arrivées, l’équipe de Blagnac compte bien continuer son emprise sur l’élite du rugby féminin. Même si les grosses écuries viennent de plus en plus empiéter sur un paysage encore en évolution, Blagnac peut compter sur ses plus fidèles soldats : “C’est vrai que les gros clubs de Top 14 ou de Pro D2 mettent de plus en plus de moyens pour développer leurs équipes féminines. Moi, je reste attachée à mon club qui m’a tout donné. Je suis comme ça, c’est dans mon éducation et ma culture polynésienne.”
Un état d’esprit qui sera une arme précieuse pour les Jeux du Pacifique en 2027.
La touche, une phase de jeu préférée de notre ’aito vahine.