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GIR : Les enquêteurs de l'ombre de l'économie souterraine


Argent sale issu du trafic d'ice saisi par le GIR.
Argent sale issu du trafic d'ice saisi par le GIR.
PAPEETE, le 15 juillet 2017 - Saisies de cocaïne, blanchiment, trafics d'ice, dossiers politico-financiers : bien que discrets, les enquêteurs du Groupe Interministériel de Recherches (GIR) de Papeete participent à de nombreuses enquêtes avec les services de gendarmerie et de police. L'unité vient d'obtenir un excellent classement national en termes de « saisies d'avoirs criminels ». Yann Wanson, le commandant du GIR en Polynésie, évoque ces enquêteurs de l’ombre.

En 2018, le Groupe interministériel de recherches (GIR) de Polynésie française a devancé les Bouches-du-Rhône en matière de « saisies d'avoirs criminels » avec un montant de 212 millions de Fcfp d'argent sale saisi au fenua. L'unité s'est ainsi classée 39ème sur 107 groupements de gendarmerie ou formations assimilées. Cette réussite s'explique notamment par l'explosion des affaires liées au trafic d'ice en Polynésie.

Pourtant, hormis les très lucratifs trafics de stupéfiants, les quatre enquêteurs du GIR en Polynésie travaillent également sur tous les types de dossiers tels que les affaires politico-financières ou les réseaux de proxénétisme. Créées en 2002, les unités du GIR ont pour mission de « constituer une force réunissant tous les services concernés par la lutte contre l'économie souterraine et les différentes formes de délinquance organisée qui l'accompagnent ».

Argent sale

Yann Wanson, commandant du GIR en Polynésie.
Yann Wanson, commandant du GIR en Polynésie.
« Nos enquêteurs sont particulièrement affûtés dans le domaine des investigations patrimoniales et financières. Ce sont des officiers de police judiciaire (OPJ) expérimentés, qui ont déjà un passé en unité de recherches », explique le commandant du GIR en Polynésie, Yann Wanson. « La forte technicité dont nous disposons est mise au service de l'investigation et cette technicité ne se retrouve pas dans les unités classiques. »

Afin d'investiguer, les enquêteurs du GIR sont en contact avec des opérateurs privés et publics : les banques, les affaires foncières, la CPS. Lorsqu'ils s'intéressent à une personne, ils balayent son patrimoine tous azimuts et cherchent à déterminer d'où vient l'argent sale et où il est parti.

Bien que cela ne soit pas le cas pour toutes les affaires, il arrive fréquemment que le GIR travaille en collaboration avec des acteurs internationaux dont des pays majeurs de la zone Pacifique tels que l'Australie, les Etats-Unis ou la Nouvelle Zélande. "Lorsque les enquêteurs ont des interrogations d'ordre financier ou criminel, ils utilisent la Plate-forme d'identification des avoirs criminels (PIAC) en France métropolitaine qui fait ensuite le pont avec ses homologues un peu partout dans le monde », décrit Yann Wanson.

« Cash et flambe »

Face à l'augmentation des réseaux trafiquant de l'ice en Polynésie ces dernières années, le GIR se retrouve en première ligne lorsqu'il s'agit de saisir l'argent généré par ces trafics. Et si tous les délinquants ne se ressemblent pas, ils présentent tout de même, selon Yann Wanson, des constantes : « Ces personnes ont en commun d'aimer l'argent liquide, le « cash » et d'avoir souvent recours à des prête-noms. Lorsque nous enquêtons, nous ne nous contentons pas de viser la personne concernée, nous faisons également tout son entourage : ses amis, ses parents, ses enfants. »

Souvent issus d'un milieu précaire, les trafiquants sont trahis par le goût de la « flambe ». Il y a deux ans, lors d'une perquisition, le commandant du GIR avait été en effet surpris de découvrir une maison « insalubre » à côté d'un grand nombre de luxueux véhicules : « les délinquants avaient préféré investir dans ces apparats plutôt que d’arranger le domicile où vivait un bébé ».

« Nous enquêtons toujours sur le train de vie des trafiquants et cela se révèle très instructif », ajoute-t-il en se référant notamment à Kikilove. Condamné en juin 2018 à huit ans de prison pour des faits de trafic d'ice, cet ancien guide touristique avait dépensé des centaines de milliers de Fcfp en hôtels, restaurant et shopping. Ce train de vie flamboyant avait alors été minutieusement décrit par les enquêteurs du GIR au travers de leurs investigations.

Pour Yann Wanson, il n'y a « pas de limites » dans les saisies que peuvent opérer les enquêteurs du GIR : « l'idéal, c'est la confiscation générale du patrimoine qui peut concerner des récidivistes notoires ».

Quelques chiffres

-Le COMGEND de Polynésie française a été classé 39ème en 2018 sur 107 groupements de gendarmerie ou formations assimilées en matière de saisies d'avoirs criminels.
-Cela a représenté un montant de 1 782 800 € (= 212 744 630 XPF).
En sachant que le GIR de Polynésie française a opéré 87% de ses saisies.
-Le GIR a opéré en Polynésie également 58 % des saisies d'avoirs criminels de la DSP.
-Depuis sa création en 2010, le GIR a saisi 12 612 490 € soit 1,5 milliards de XPF.

Rédigé par Garance Colbert le Lundi 15 Juillet 2019 à 19:39 | Lu 6664 fois