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Flosse condamné en appel à une nouvelle peine d'inéligibilité dans l'affaire du SED


PAPEETE, 25 février 2016 – La peine de deux ans d’inéligibilité est confirmée en appel à l’encontre de Gaston Flosse dans l’affaire du SED. Le leader autonomiste a annoncé son intention de se pourvoir immédiatement en cassation tandis que son avocat estime que le contraire est préférable.

Deux ans d’inéligibilité, 18 mois de prison avec sursis et deux millions Fcfp d’amende pour détournement de fonds publics : la cour d’appel de Papeete a rendu un arrêt, jeudi matin, par lequel est confirmée la peine prononcée le 23 juin 2015 en correctionnelle à l’encontre de Gaston Flosse dans l’affaire du Service d’étude et de documentation (SED).

Officiellement créé le 13 mai 1997 avec le vertueux objet de "réaliser toute étude prospective dans les domaines économiques, scientifiques et culturels" le SED avait en réalité couvert jusqu'en 2004 une cellule de renseignements, le "bureau du manifeste". Dans cette affaire, la justice reproche à Gaston Flosse, en tant qu’ordonnateur, alors qu’il était Président du gouvernement, d’avoir recruté avec la fausse qualité d’agent administratif, 19 personnes qui étaient en réalité employées pour faire des filatures, des écoutes et espionner la vie privée de proches ou d'opposants. Et c’est à ce titre que le leader politique se voit aujourd'hui confirmé dans sa condamnation pour détournement de fonds publics. Ce chef de prévention avait été joint en décembre 2014, par suite d’une citation complémentaire, a un dossier initialement constitué pour des faits d'atteintes à la vie privée.

L'arrêt prononcé jeudi rejette par ailleurs la demande de prescription faite par la défense en juin dernier, de même qu'il rejette la demande de confusion de cette nouvelle peine d'inéligibilité avec celle que purge le Vieux Lion jusqu'en juillet 2017, dans une autre affaire de détournement de fonds publics (emplois fictifs).

A l’issue de l’audience, Gaston Flosse s'est agacé sur ce qu'il nomme un "traitement politique" (Ohipa poritita teie) de son sort judiciaire. Il a également dénoncé un lien entre cet arrêt et la récente visite officielle à Tahiti de François Hollande : "On voit que le président de la République est passé par là", a-t-il suggéré. "Je me battrai encore plus pour qu'il y ait une vraie justice dans ce pays ; je me battrai jusqu'au bout !", a martelé Gaston Flosse sous les applaudissements d'une douzaine d'élus Tahoera'a présents pour assister au délibéré. "Je pense qu'il y aura plus de justice en cassation", a-t-il aussi affirmé.

Cassation, pas cassation ?

Le Vieux Lion a annoncé son intention de se pourvoir sans attendre en cassation. Il a 5 jours pour le faire. Mais une telle option judiciaire présente un risque pour l'avenir politique du président du Tahoera'a Huiraatira et de son mouvement. Car dans l'hypothèse d'un rejet de ce pourvoi, courant 2017, Gaston Flosse se trouverait dans l'incapacité légale de participer aux élections territoriales de mai 2018. Et à 87 ans, une telle perspective sonnerait le glas de la carrière du leader autonomiste et probablement la mort lente de son parti politique.

Conscient de cette perspective, Me François Quinquis a déclaré, jeudi matin à l'hebdomadaire Tahiti Pacifique, ne pas être certain d'engager un pourvoi. "Explication : si Flosse accepte sa condamnation de ce jeudi 25 février (deux ans d’inéligibilité) il aura donc purgé sa peine le 25 février 2018 ce qui lui laissera la possibilité de conduire le Tahoera’a aux élections territoriales de [mai] 2018", analyse Tahiti Pacifique Hebdo.

Pour le parquet cependant, en matière d'application des peines une telle "confusion de fait" n'existe que "dans l'esprit fertile de Me François Quinquis". L'analyse juridique y est assez contradictoire dans la mesure où en l'absence de confusion des peines, le parquet général attendra que Gaston Flosse ait fini de purger sa première peine d'inéligibilité, le 24 juillet 2017, pour transmettre au haut-commissaire la demande de mise en application de cette nouvelle peine de deux ans, jusqu'en juillet 2019.

La raison qui pourrait pousser l’avocat de Flosse à choisir le pourvoi, selon les déclarations également faites à Tahiti Pacifique Hebdo, est la question prioritaire de constitutionnalité, également rejetée par la cour d’appel, mais en laquelle Quinquis croit visiblement beaucoup juridiquement.

"Je vous rappelle qu'à l'occasion de cette affaire nous avions déposé une QPC qui, selon moi, a toute sa solidité", a affirmé François Quinquis peu après que la décision ait été rendue. "Et j'ai bon espoir que la cour de cassation rétablisse le droit. J'ajoute que venir condamner le président Flosse à deux années d'inéligibilité en 2016 pour des faits qui remontent au plus tard à 2004 - c'est-à-dire 12 ans après -, sans retenir les moyens de prescription... Il y a quelque chose qui choque, là, pas la morale ni la justice mais le simple bon sens".


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 25 Février 2016 à 10:29 | Lu 5238 fois