crédit photo APF
Tahiti, le 25 juillet 2025 – Le groupe Tavini de l’assemblée, qui souhaite une “large concertation” préalable, vient de déposer une proposition de résolution pour s’opposer à l’extension automatique en Polynésie du droit à l’aide à mourir et de l’égal accès aux soins palliatifs. Deux propositions de loi déjà adoptées en première lecture par l’Assemblée nationale et qui doivent passer au Sénat d’ici la fin de l’année. La députée Nicole Sanquer trouve la démarche un peu “précipitée” puisqu’à l’initiative du sénateur Teva Rohfritsch, le Cesec a lancé une consultation citoyenne sur ce sujet qui divise, et que les élus de Tarahoi seront de toute façon consultés “pour avis”.
Adoptés en première lecture par l’Assemblée nationale en mai dernier, c’est de manière pour le moins cavalière que le gouvernement central a introduit, au dernier moment en séance plénière, des amendements permettant d’étendre à la Polynésie française les dispositions de deux propositions de loi (PPL) par voie d’ordonnance : la première créant une aide à mourir et la seconde visant à garantir un égal accès aux soins palliatifs. Une méthode surprenante aussitôt pointée du doigt par la députée Nicole Sanquer et qui avait beaucoup fait réagir localement, chacun ayant un avis différent sur la question. Il faut dire que ce sujet déjà extrêmement sensible est encore plus clivant en Polynésie où le poids des convictions religieuses et toujours très prégnant.
Mais en tant que “protestant pratiquant”, le représentant Tavini Tematai Le Gayic, qui a un temps siégé au Palais Bourbon, n’hésite pas à dire qu’il est “favorable” à ce droit à l’aide à mourir qui reste une “possibilité” offerte aux Polynésiens. “Le texte n’est pas une obligation et c’est pour ceux qui sont atteints d’une maladie irréversible. Chacun a son libre arbitre. Je trouve que c’est une avancée supplémentaire dans les droits humains et il faut éviter de mettre des doctrines religieuses ou culturelles”, nous a-t-il indiqué, soulignant être évidemment d’accord “sur le principe” de la proposition de résolution déposée par son groupe à l’assemblée le 23 juillet.
“Il faut éviter de mettre des doctrines religieuses et culturelles”
Car même si les textes nationaux prévoient des verrous solides en définissant des critères précis pour avoir accès à ce droit à l’aide à mourir, ils nécessitent, a minima, une consultation préalable au plan local. C’est ce que demandent les élues du Tavini (Patricia Pahio-Jennings et Teremuura Kohumoetini-Rurua) auteurs de cette proposition de résolution, afin de pouvoir “évaluer, de manière responsable et apaisée, l’opportunité d’une éventuelle adaptation législative, respectueuse des spécificités culturelles, sociales et spirituelles de la Polynésie française”.
Le groupe majoritaire demande ainsi “solennellement aux parlementaires et au gouvernement de la République de retirer les articles” concernés, “dans l’attente de la tenue de cette concertation”. Une démarche jugée “un peu prématurée” et que ne “comprend pas bien” la députée Nicole Sanquer puisqu’une consultation citoyenne est justement déjà en cours au Cesec et que “de toute façon, lorsque l'ordonnance va être rédigée, nous serons forcément consultés pour donner un avis”. Certes, mais comme les élus de Tarahoi – tous bords politiques confondus – l’ont souligné à de nombreuses reprises, l’État a une fâcheuse tendance à ne pas prendre en compte les avis émis par l’assemblée de la Polynésie. “On nous demande souvent notre avis sur des textes qui n’ont rien à voir avec nous et, sur un sujet aussi important, on aurait dû être mis dans la boucle”, appuie ainsi Tepuaraurii Teriitahi (Tapura) qui voit dans cette proposition de résolution une façon d’enfoncer le clou, à l’instar de ce qu’avait fait la sénatrice Lana Tetuanui avec sa résolution relative à l’élargissement des compétences des communes. La sénatrice qui s’est d’ailleurs déjà exprimée pour dire haut et fort sa farouche opposition à l’extension de ces deux textes sur la fin de vie dont elle redoute d’éventuelles “dérives”.
Chevauchement de compétences
Si, contrairement aux lois, les résolutions n’ont pas de valeur contraignante, elles permettent d’ouvrir le débat localement et d’avoir peut-être un meilleur écho à Paris. Car ces textes doivent maintenant être examinés et votés par le Sénat avant la fin de l’année. Ce jeudi, “on a appris que le sénateur Teva Rohfritsch, qui est à l'origine de la saisine du Cesec pour faire une consultation populaire, essaiera lors de l'examen de cette proposition de loi au Sénat de demander au gouvernement de surseoir cette extension”, nous a confié Nicole Sanquer qui s’inquiète surtout des modalités d’application en Polynésie. Une inquiétude partagée par toute la classe politique locale, l’élu du Tavini Tematai Le Gayic estimant, lui aussi, que le véhicule législatif employé à Paris “n’est pas forcément le plus respectueux des compétences et des institutions polynésiennes”.
Rappelons en effet qu’en choisissant de proposer l'extension de ces deux textes par voie d'ordonnance comme l'y autorise l'article 38 de la Constitution, l'État met en avant ses prérogatives régaliennes en matière de “liberté publique” des personnes et coupe ainsi l'herbe sous le pied du Pays qui est pourtant compétent en matière de santé. “Pour nous, il y a un problème de l’exercice des compétences puisque c’est bien notre ministre de la Santé qui devra mettre en œuvre ces dispositions”, souligne Tepuaraurii Territahi, appuyée par la députée Nicole Sanquer : “Il va falloir former le personnel parce qu'il y a la clause de conscience : vous savez que le personnel soignant peut refuser d'administrer ce produit létal. Ensuite, il y a aussi cette seconde PPL qui est rattachée au droit à mourir et qui concerne les soins palliatifs. Elle aussi a été étendue à la Polynésie par voie d'amendement. Mais cela demande évidemment la mise en place de moyens humains, financiers et techniques.”
Lutter contre les “tentations électoralistes”
Une chose est sûre, la position politique des uns et des autres diverge selon que l’on se focalise sur le fond du sujet ou sur sa forme. Car si l’on peut être opposé, pour diverses raisons, au principe même d’un droit à l’aide à mourir, peut-on être contre la possibilité d’y avoir recours ? Car encore une fois, il ne s’agit pas d’une obligation mais d’un choix qui appartient à chacun, dès lors que cette demande individuelle répond aux critères strictement encadrés par la loi.
Et attention à ne pas profiter de ce débat pour tomber dans un discours démagogique à l’approche d’échéances électorales, comme l’a souligné Tematai Le Gayic : “J’entends même au sein du groupe Tavini des voix qui s’élèvent en disant que si on avance sur ces textes de la fin de vie, ça peut nous faire perdre des voix du côté des chrétiens pratiquants. Et c’est là où il faut qu’on lutte contre ces tentations électoralistes.” Et pas qu’au Tavini. Au Tapura également, au-delà du débat de fond, la perspective d’une érosion de certains électeurs est aussi dans tous les esprits.
Adoptés en première lecture par l’Assemblée nationale en mai dernier, c’est de manière pour le moins cavalière que le gouvernement central a introduit, au dernier moment en séance plénière, des amendements permettant d’étendre à la Polynésie française les dispositions de deux propositions de loi (PPL) par voie d’ordonnance : la première créant une aide à mourir et la seconde visant à garantir un égal accès aux soins palliatifs. Une méthode surprenante aussitôt pointée du doigt par la députée Nicole Sanquer et qui avait beaucoup fait réagir localement, chacun ayant un avis différent sur la question. Il faut dire que ce sujet déjà extrêmement sensible est encore plus clivant en Polynésie où le poids des convictions religieuses et toujours très prégnant.
Mais en tant que “protestant pratiquant”, le représentant Tavini Tematai Le Gayic, qui a un temps siégé au Palais Bourbon, n’hésite pas à dire qu’il est “favorable” à ce droit à l’aide à mourir qui reste une “possibilité” offerte aux Polynésiens. “Le texte n’est pas une obligation et c’est pour ceux qui sont atteints d’une maladie irréversible. Chacun a son libre arbitre. Je trouve que c’est une avancée supplémentaire dans les droits humains et il faut éviter de mettre des doctrines religieuses ou culturelles”, nous a-t-il indiqué, soulignant être évidemment d’accord “sur le principe” de la proposition de résolution déposée par son groupe à l’assemblée le 23 juillet.
“Il faut éviter de mettre des doctrines religieuses et culturelles”
Car même si les textes nationaux prévoient des verrous solides en définissant des critères précis pour avoir accès à ce droit à l’aide à mourir, ils nécessitent, a minima, une consultation préalable au plan local. C’est ce que demandent les élues du Tavini (Patricia Pahio-Jennings et Teremuura Kohumoetini-Rurua) auteurs de cette proposition de résolution, afin de pouvoir “évaluer, de manière responsable et apaisée, l’opportunité d’une éventuelle adaptation législative, respectueuse des spécificités culturelles, sociales et spirituelles de la Polynésie française”.
Le groupe majoritaire demande ainsi “solennellement aux parlementaires et au gouvernement de la République de retirer les articles” concernés, “dans l’attente de la tenue de cette concertation”. Une démarche jugée “un peu prématurée” et que ne “comprend pas bien” la députée Nicole Sanquer puisqu’une consultation citoyenne est justement déjà en cours au Cesec et que “de toute façon, lorsque l'ordonnance va être rédigée, nous serons forcément consultés pour donner un avis”. Certes, mais comme les élus de Tarahoi – tous bords politiques confondus – l’ont souligné à de nombreuses reprises, l’État a une fâcheuse tendance à ne pas prendre en compte les avis émis par l’assemblée de la Polynésie. “On nous demande souvent notre avis sur des textes qui n’ont rien à voir avec nous et, sur un sujet aussi important, on aurait dû être mis dans la boucle”, appuie ainsi Tepuaraurii Teriitahi (Tapura) qui voit dans cette proposition de résolution une façon d’enfoncer le clou, à l’instar de ce qu’avait fait la sénatrice Lana Tetuanui avec sa résolution relative à l’élargissement des compétences des communes. La sénatrice qui s’est d’ailleurs déjà exprimée pour dire haut et fort sa farouche opposition à l’extension de ces deux textes sur la fin de vie dont elle redoute d’éventuelles “dérives”.
Chevauchement de compétences
Si, contrairement aux lois, les résolutions n’ont pas de valeur contraignante, elles permettent d’ouvrir le débat localement et d’avoir peut-être un meilleur écho à Paris. Car ces textes doivent maintenant être examinés et votés par le Sénat avant la fin de l’année. Ce jeudi, “on a appris que le sénateur Teva Rohfritsch, qui est à l'origine de la saisine du Cesec pour faire une consultation populaire, essaiera lors de l'examen de cette proposition de loi au Sénat de demander au gouvernement de surseoir cette extension”, nous a confié Nicole Sanquer qui s’inquiète surtout des modalités d’application en Polynésie. Une inquiétude partagée par toute la classe politique locale, l’élu du Tavini Tematai Le Gayic estimant, lui aussi, que le véhicule législatif employé à Paris “n’est pas forcément le plus respectueux des compétences et des institutions polynésiennes”.
Rappelons en effet qu’en choisissant de proposer l'extension de ces deux textes par voie d'ordonnance comme l'y autorise l'article 38 de la Constitution, l'État met en avant ses prérogatives régaliennes en matière de “liberté publique” des personnes et coupe ainsi l'herbe sous le pied du Pays qui est pourtant compétent en matière de santé. “Pour nous, il y a un problème de l’exercice des compétences puisque c’est bien notre ministre de la Santé qui devra mettre en œuvre ces dispositions”, souligne Tepuaraurii Territahi, appuyée par la députée Nicole Sanquer : “Il va falloir former le personnel parce qu'il y a la clause de conscience : vous savez que le personnel soignant peut refuser d'administrer ce produit létal. Ensuite, il y a aussi cette seconde PPL qui est rattachée au droit à mourir et qui concerne les soins palliatifs. Elle aussi a été étendue à la Polynésie par voie d'amendement. Mais cela demande évidemment la mise en place de moyens humains, financiers et techniques.”
Lutter contre les “tentations électoralistes”
Une chose est sûre, la position politique des uns et des autres diverge selon que l’on se focalise sur le fond du sujet ou sur sa forme. Car si l’on peut être opposé, pour diverses raisons, au principe même d’un droit à l’aide à mourir, peut-on être contre la possibilité d’y avoir recours ? Car encore une fois, il ne s’agit pas d’une obligation mais d’un choix qui appartient à chacun, dès lors que cette demande individuelle répond aux critères strictement encadrés par la loi.
Et attention à ne pas profiter de ce débat pour tomber dans un discours démagogique à l’approche d’échéances électorales, comme l’a souligné Tematai Le Gayic : “J’entends même au sein du groupe Tavini des voix qui s’élèvent en disant que si on avance sur ces textes de la fin de vie, ça peut nous faire perdre des voix du côté des chrétiens pratiquants. Et c’est là où il faut qu’on lutte contre ces tentations électoralistes.” Et pas qu’au Tavini. Au Tapura également, au-delà du débat de fond, la perspective d’une érosion de certains électeurs est aussi dans tous les esprits.