En Suisse, le pergélisol se réchauffe à un niveau record


Genève, Suisse | AFP | mardi 17/06/2025 - C'est une bombe à retardement pour le climat, mais aussi pour les montagnes en Suisse: le réchauffement du pergélisol dans le pays alpin a atteint un niveau "record", a indiqué l'Académie suisse des sciences naturelles mardi.

Le pergélisol en français, permafrost en anglais, est un sol tel que la roche, l'éboulis ou la moraine, qui présente durant plusieurs années consécutives des températures inférieures ou égales à 0°C.

Lorsqu'il dégèle, à vitesse accélérée sous l'effet du réchauffement climatique, cela peut provoquer des chutes de pierres ou les laves torrentielles.

Les experts pensent que ce phénomène a joué un rôle dans la destruction récente du petit village alpin de Blatten, les chutes de pierre entraînant l'éboulement du glacier dont les images spectaculaires ont fait le tour du monde. 

Selon une nouvelle étude de l'Académie suisse des sciences naturelles (Scnat), le pergélisol des Alpes suisses n'a jamais été aussi chaud qu'au cours de l'année hydrologique 2024, qui débute le 1er octobre en Suisse et court jusqu'au 30 septembre.

"Au cours des dix dernières années (2014–2025), les températures du pergélisol ont généralement augmenté sur les 23 sites d'étude avec des changements pouvant dépasser +0.8°C à une profondeur de 10 mètres menant ainsi à de nouveaux records de température en 2024", indique la Scnat dans un communiqué.

L'augmentation des températures du pergélisol a été renforcée en 2024 par un enneigement précoce en haute altitude à l'automne 2023 qui a piégé la chaleur de l'automne dans le sol.

En Suisse, on rencontre le pergélisol sur environ 5% du territoire, en général dans des éboulis et parois rocheuses froides au-dessus de 2.500 m. 

Les années hydrologiques 2022, 2023 et 2024 comptent parmi les cinq années les plus chaudes mesurées en Suisse depuis le début des mesures en 1864, avec des températures supérieures de 1,4 à 1,9 °C à la moyenne de la période 1991-2020.

- Changements en profondeur -

La présence et l'évolution du pergélisol dépendent principalement de la température à la surface du sol qui est elle-même fortement influencée par la température de l'air, le rayonnement solaire et la durée de l'enneigement.

Or la Suisse est particulièrement touchée par le réchauffement climatique : la moyenne climatique actuelle de la température de l'air près du sol est déjà supérieure d'environ 2,9°C à la moyenne préindustrielle (1871-1900), contre 1,3°C pour la moyenne globale, selon l'Office fédéral de météorologie et climatologie MétéoSuisse.

Le réchauffement le plus important du pergélisol en Suisse a été enregistré là où il est plus froid (avec une température inférieure à environ –2°C) ou lorsqu'il contient peu de glace comme dans les parois rocheuses situées au-dessus d'environ 3.500 m d'altitude, selon la Scnat. 

L'étude montre aussi qu'à 20 mètres de profondeur, le réchauffement observé est environ deux fois moins important pour l'instant.

Mais les changements vont se propager en profondeur, préviennent les experts.

Les résultats de 25 années de mesures dans les Alpes suisses montrent un réchauffement marqué et une dégradation croissante du pergélisol, ainsi qu'une augmentation de la vitesse des glaciers rocheux (vers l'aval). 

"Les changements observés actuellement vont se poursuivre au cours des prochaines décennies et les changements de température enregistrés dans les 10 premiers mètres vont se propager à de plus grandes profondeurs", assure la Scnat.

- Dangers naturels -

Sur tous les sites observés, la profondeur de la couche active — la couche superficielle du sol qui dégèle en été et regèle en hiver — a subi une augmentation pouvant aller jusqu'à plusieurs mètres lors les deux dernières décennies, atteignant des niveaux sans précédent en 2024.

Les changements les plus importants ont été observés au Schilthorn, au centre de la Suisse, où la couche active a passé de moins de 5 m en 2000 à plus de 13 m en 2023 et n'est finalement pas parvenue à regeler durant l'hiver 2024.

Globalement, le réchauffement du pergélisol et la diminution du contenu en glace qui en découle ont un impact sur la stabilité des pentes qui sont gelées en permanence.

Ce phénomène est de grande importance pour la planification des infrastructures et villages de montagne et la surveillance des dangers naturels.

Plus d'un tiers des refuges du Club alpin suisse pourraient être instables à l'avenir en raison du dégel du permafrost, selon une étude publiée l'an dernier.

le Mardi 17 Juin 2025 à 06:19 | Lu 516 fois