Tahiti, le 10 novembre 2025 - Les textes sur la création des Établissements publics de santé (EPS) et sur le dépistage des cancers féminins seront étudiés ce jeudi à l’Assemblée. Entre volonté politique affirmée de trouver un nouveau souffle sanitaire, prudence de la Chambre territoriale des comptes, et réserves du Cesec, la réforme des EPS voulue par le ministre Cédric Mercadal divise même si le diagnostic est largement partagé. Remède vital pour certains, mesure précipitée pour d’autres, la méthode et le calendrier interrogent.
La réforme portée par le ministre de la Santé Cédric Mercadal arrive enfin devant les représentants de l'assemblée dans un contexte d’urgence. Le système hospitalier polynésien, à bout de souffle, ploie sous le poids du vieillissement de la population, de la montée des maladies chroniques et de la dispersion géographique du Pays. Le Centre hospitalier de Polynésie française (CHPF), pivot de la prise en charge, assure à lui seul plus de 80 % de l’activité hospitalière du Fenua, au prix d’un épuisement structurel et humain qui frôle l’asphyxie.
C’est à ce constat qu’entend répondre la réforme des Établissements publics de santé (EPS), présentée par le ministre de la Santé Cédric Mercadal. Objectif : redonner de la souplesse budgétaire et managériale à des hôpitaux figés dans un statut administratif “inadapté”. “On n’a plus assez d’argent, plus assez de flexibilité. Résultat : des retards, de la désorganisation. Ce n’est pas une réforme pour réformer, c’est une réforme pour soigner mieux”, plaidait le ministre en juillet dernier dans nos colonnes, promettant un cadre “plus agile mais toujours public”. Le CHPF doit être le premier à franchir le pas, avant les hôpitaux périphériques et les dispensaires. À la clé : des budgets pluriannuels, une gouvernance collégiale et un Groupement hospitalier de Polynésie française (GHPF) chargé de mutualiser les achats, la formation et les outils numériques.
Le Cesec dénonce une réforme “précipitée”
Mais le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) est moins enthousiaste et a rappelé ses réserves dans son avis défavorable rendu en juin. L’institution estime que le projet, bien que “pertinent dans ses objectifs”, est “précipité au regard des prérequis à remplir”, jugeant que ce texte “ratisse trop large” et n’offre pas de garanties sur son application. Manque d’analyse capacitaire, flou budgétaire, gouvernance trop politisée : les critiques ont fusé. “Je ne peux pas donner un blanc-seing sans chiffres”, avait lancé la rapporteure, Maiana Bambridge.
“Donnez-moi un exemple où public et privé fonctionnent vraiment ensemble… “, avait rebondi Christophe Plée, redoutant qu’un partenariat mal cadré n’aggrave les déséquilibres. L’institution avait également pointé les failles structurelles : manque de médecins, statut du personnel hospitalier obsolète, et dispensaires dévalorisés, alors qu’ils pourraient désengorger le CHPF. Pour les représentants de la société civile, la réforme devrait d’abord recentrer l’hôpital de Taaone sur les soins aigus, et renforcer la proximité sanitaire dans les îles.
La Chambre territoriale des comptes plus mesurée
À l’inverse, la Chambre territoriale des comptes (CTC) a livré un diagnostic plus conciliant. Dans son rapport d’observations définitives publié en octobre, elle juge la transformation du CHPF en EPS “souhaitable” à condition de la finaliser “avant fin 2026”. Il n’y a donc pas de temps à perdre. D’autant que les magistrats dénoncent eux aussi un statut administratif obsolète, source de rigidités et de retards, mais saluent le volontarisme du ministère et du centre hospitalier, déjà engagé dans une démarche qualité en vue d’une certification volontaire d’ici 2030.
La CTC plaide pour un directoire médicalisé, associant les praticiens aux décisions stratégiques, et pour une adaptation de l’offre de soins au vieillissement de la population, notamment par la création d’un court séjour gériatrique et d’unités post-urgences. Mais elle souligne aussi la fragilité financière du CHPF, toujours dépendant des subventions publiques, et l’urgence de recruter et fidéliser les soignants. “On est en train de revoir le statut des praticiens hospitaliers, de faire une étude RH [Ressources humaines, NDLR], de rouvrir l’école d’infirmiers. C’est une démarche structurée”, se défendait encore Cédric Mercadal, affirmant que le rapport de la CTC ne faisait que “dire tout haut ce que l’on est déjà en train de mettre en oeuvre”.
Entre urgence et méthode
Entre le scepticisme du Cesec et les encouragements prudents de la CTC, le gouvernement tente de maintenir le cap. Cédric Mercadal assume une réforme “structurée mais volontariste” : “Une fois la loi votée, on aura 36 mois pour transformer chaque établissement. Ce délai, je l’ai imposé volontairement, car trop de réformes ont été lancées sans jamais être achevées”, expliquait-il. Reste que les chantiers s’empilent : réorganisation du CHPF, intégration des hôpitaux périphériques, réforme statutaire des soignants, ou encore mise en place du Groupement hospitalier de Polynésie française.
Dans les faits, la réforme s’annonce comme un test politique autant que technique : réussir à concilier rigueur comptable, attractivité médicale et service public universel. Car si tout le monde s’accorde à dire que le système de santé doit être refondé, la question demeure : le Pays a-t-il les moyens humains et financiers de réussir cette mutation sans en compromettre la cohérence ? Reste à savoir si la réforme Mercadal, à force de vouloir tout réorganiser, ne court pas le risque d’être, elle aussi, victime de son propre excès d’enthousiasme. Le ministre avance sur une ligne de crête et ce sont les élus de Tarahoi qui devront décider, ce jeudi, si cette réforme sera un traitement salutaire, ou une prescription administrée trop vite. Déjà très remontée contre le texte réformant les conditions d’affiliation au régime des salariés (RNS) qui fait d’ailleurs l’objet de deux recours au Conseil d’Etat, l’opposition risque de monter encore une fois au créneau.
La réforme portée par le ministre de la Santé Cédric Mercadal arrive enfin devant les représentants de l'assemblée dans un contexte d’urgence. Le système hospitalier polynésien, à bout de souffle, ploie sous le poids du vieillissement de la population, de la montée des maladies chroniques et de la dispersion géographique du Pays. Le Centre hospitalier de Polynésie française (CHPF), pivot de la prise en charge, assure à lui seul plus de 80 % de l’activité hospitalière du Fenua, au prix d’un épuisement structurel et humain qui frôle l’asphyxie.
C’est à ce constat qu’entend répondre la réforme des Établissements publics de santé (EPS), présentée par le ministre de la Santé Cédric Mercadal. Objectif : redonner de la souplesse budgétaire et managériale à des hôpitaux figés dans un statut administratif “inadapté”. “On n’a plus assez d’argent, plus assez de flexibilité. Résultat : des retards, de la désorganisation. Ce n’est pas une réforme pour réformer, c’est une réforme pour soigner mieux”, plaidait le ministre en juillet dernier dans nos colonnes, promettant un cadre “plus agile mais toujours public”. Le CHPF doit être le premier à franchir le pas, avant les hôpitaux périphériques et les dispensaires. À la clé : des budgets pluriannuels, une gouvernance collégiale et un Groupement hospitalier de Polynésie française (GHPF) chargé de mutualiser les achats, la formation et les outils numériques.
Le Cesec dénonce une réforme “précipitée”
Mais le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) est moins enthousiaste et a rappelé ses réserves dans son avis défavorable rendu en juin. L’institution estime que le projet, bien que “pertinent dans ses objectifs”, est “précipité au regard des prérequis à remplir”, jugeant que ce texte “ratisse trop large” et n’offre pas de garanties sur son application. Manque d’analyse capacitaire, flou budgétaire, gouvernance trop politisée : les critiques ont fusé. “Je ne peux pas donner un blanc-seing sans chiffres”, avait lancé la rapporteure, Maiana Bambridge.
“Donnez-moi un exemple où public et privé fonctionnent vraiment ensemble… “, avait rebondi Christophe Plée, redoutant qu’un partenariat mal cadré n’aggrave les déséquilibres. L’institution avait également pointé les failles structurelles : manque de médecins, statut du personnel hospitalier obsolète, et dispensaires dévalorisés, alors qu’ils pourraient désengorger le CHPF. Pour les représentants de la société civile, la réforme devrait d’abord recentrer l’hôpital de Taaone sur les soins aigus, et renforcer la proximité sanitaire dans les îles.
La Chambre territoriale des comptes plus mesurée
À l’inverse, la Chambre territoriale des comptes (CTC) a livré un diagnostic plus conciliant. Dans son rapport d’observations définitives publié en octobre, elle juge la transformation du CHPF en EPS “souhaitable” à condition de la finaliser “avant fin 2026”. Il n’y a donc pas de temps à perdre. D’autant que les magistrats dénoncent eux aussi un statut administratif obsolète, source de rigidités et de retards, mais saluent le volontarisme du ministère et du centre hospitalier, déjà engagé dans une démarche qualité en vue d’une certification volontaire d’ici 2030.
La CTC plaide pour un directoire médicalisé, associant les praticiens aux décisions stratégiques, et pour une adaptation de l’offre de soins au vieillissement de la population, notamment par la création d’un court séjour gériatrique et d’unités post-urgences. Mais elle souligne aussi la fragilité financière du CHPF, toujours dépendant des subventions publiques, et l’urgence de recruter et fidéliser les soignants. “On est en train de revoir le statut des praticiens hospitaliers, de faire une étude RH [Ressources humaines, NDLR], de rouvrir l’école d’infirmiers. C’est une démarche structurée”, se défendait encore Cédric Mercadal, affirmant que le rapport de la CTC ne faisait que “dire tout haut ce que l’on est déjà en train de mettre en oeuvre”.
Entre urgence et méthode
Entre le scepticisme du Cesec et les encouragements prudents de la CTC, le gouvernement tente de maintenir le cap. Cédric Mercadal assume une réforme “structurée mais volontariste” : “Une fois la loi votée, on aura 36 mois pour transformer chaque établissement. Ce délai, je l’ai imposé volontairement, car trop de réformes ont été lancées sans jamais être achevées”, expliquait-il. Reste que les chantiers s’empilent : réorganisation du CHPF, intégration des hôpitaux périphériques, réforme statutaire des soignants, ou encore mise en place du Groupement hospitalier de Polynésie française.
Dans les faits, la réforme s’annonce comme un test politique autant que technique : réussir à concilier rigueur comptable, attractivité médicale et service public universel. Car si tout le monde s’accorde à dire que le système de santé doit être refondé, la question demeure : le Pays a-t-il les moyens humains et financiers de réussir cette mutation sans en compromettre la cohérence ? Reste à savoir si la réforme Mercadal, à force de vouloir tout réorganiser, ne court pas le risque d’être, elle aussi, victime de son propre excès d’enthousiasme. Le ministre avance sur une ligne de crête et ce sont les élus de Tarahoi qui devront décider, ce jeudi, si cette réforme sera un traitement salutaire, ou une prescription administrée trop vite. Déjà très remontée contre le texte réformant les conditions d’affiliation au régime des salariés (RNS) qui fait d’ailleurs l’objet de deux recours au Conseil d’Etat, l’opposition risque de monter encore une fois au créneau.
Prévenir pour mieux guérir
En parallèle, un autre texte sera examiné par l’Assemblée, et il vise à moderniser le dépistage gratuit des cancers gynécologiques. Le test HPV remplacera progressivement le frottis pour les femmes de 30 à 64 ans, plus efficace et moins fréquent, tandis que le dépistage du cancer du sein commencera désormais à 45 ans au lieu de 50. Les femmes à risque élevé bénéficieront d’un suivi spécifique dès 30 ans.
Ces évolutions, entièrement prises en charge par le Pays, visent à réduire une mortalité féminine encore élevée. En 2024, le taux de participation au dépistage atteignait à peine 40 %. En conjuguant réorganisation hospitalière, prévention renforcée et discipline budgétaire, “l’objectif, c’est que chaque Polynésien ait accès au meilleur soin possible, où qu’il vive”, résumait ainsi Cédric Mercadal.
Ces évolutions, entièrement prises en charge par le Pays, visent à réduire une mortalité féminine encore élevée. En 2024, le taux de participation au dépistage atteignait à peine 40 %. En conjuguant réorganisation hospitalière, prévention renforcée et discipline budgétaire, “l’objectif, c’est que chaque Polynésien ait accès au meilleur soin possible, où qu’il vive”, résumait ainsi Cédric Mercadal.