Drogue: les cartels internationaux exploitent les migrants philippins


Manille, Philippines | AFP | mercredi 22/04/2015 - Mary Jane Veloso, une domestique philippine de 30 ans, attend d'être passée par les armes en Indonésie pour trafic de drogue. Mais ses proches disent que son seul crime est d'avoir été piégée par un cartel de la drogue qui les menace de mort.

A l'instar des histoires de centaines de Philippins détenus à travers le monde, cette mère célibataire affirme avoir été dupée par un cartel international. Elle dit qu'elle n'aurait jamais misé l'avenir de ses deux fils sur un sac d'héroïne.

Mary Jane Veloso, arrêtée il y a cinq ans à l'aéroport de Yogyakarta avec 2,6 kilogrammes d'héroïne dans sa valise, figure parmi un groupe d'étrangers, dont un Français, qui attendent dans le couloir de la mort en Indonésie.

La législation antidrogue de ce pays d'Asie du Sud-Est est l'une des plus sévère au monde et le président Joko Widodo a rejeté toutes les demandes de grâce des condamnés, estimant être dans une situation d'urgence face aux stupéfiants qui font des dizaines de morts chaque jour.

D'après sa famille, la jeune Philippine pense avoir été piégée par une bande de trafiquants alors qu'elle cherchait désespérément du travail à l'étranger comme domestique.

Son père, César, 59 ans, dit que les criminels l'ont contacté plusieurs fois, ainsi que d'autres proches, pour leur intimer l'ordre de se taire. "Ses recruteurs ont menacé de nous tuer un par un", raconte-t-il en pleurs aux côtés de ses deux petits-fils silencieux.

Mary Jane habitait une région agricole pauvre à trois heures de route de Manille. Sa vie est devenue difficile lorsqu'elle s'est séparée du père de ses enfants et a dû les élever seule.


- Proie facile -



Elle s'est envolée pour la Malaisie où un emploi lui avait été promis. Là, on lui a dit que le seul travail disponible était en fait en Indonésie, racontent ses parents. C'est en Malaisie que la drogue a été cousue à son insu dans sa valise, disent-ils.

D'après Garry Martinez, président de Migrante, groupe de défense des droits des émigrés, elle est tombée dans un traquenard très fréquent.

Faute de travail chez eux, environ 10 millions de Philippins sont employés à l'étranger, souvent comme domestiques ou ouvriers.

Ce sont des proies faciles pour les bandes criminelles à la recherches de mules pour transporter la drogue, dit Garry Martinez.

"Les Philippins qui sont exploités par les cartels de la drogue sont déjà souvent les victimes de mauvais traitement ou ont été recrutés de manière illégale. Ils sont vulnérables", dit-il.

Cinq Philippins ont été exécutés en Chine depuis 2011 pour trafic de drogue, selon le ministère des Affaires étrangères. Quarante-et-un Philippins attendent d'être exécutés, quasiment tous en Chine et en Malaisie, tandis que plus de 800 ont été condamnés à des peines moindres.

Le gouvernement et la police tentent de mettre en garde les Philippins quittant l'archipel contre les trafiquants. Des avertissements sont placardés dans les aéroports, explique Charles Jose.


- Sans pitié -



Mais, comme le souligne l'Agence de lutte contre la drogue, parfois la tentation de l'argent vite gagné est trop forte.

Généralement, une mule se voit proposer entre 3.000 et 15.000 dollars (jusqu'à 14.000 euros) pour transporter de la drogue en avion.

Garry Martinez reconnaît que la plupart des mules savent pertinemment ce qu'elles transportent. Mais "elles sont forcées de le faire, elles sont menacées de mort ainsi que leur famille", dit-il.

Et de citer le cas d'un homme auquel Migrante est venu en aide, parti pour la Thaïlande où il croyait trouver un emploi. "On lui a proposé de l'argent pour transporter de la drogue en Chine. Quand il a refusé, le cartel a appelé sa famille aux Philippines avant de lui demander: +lequel tu veux qu'on tue en premier+".

Le père de Mary Jane Veloso explique que la famille a décidé de passer outre sa peur des représailles. Dans une tentative de la dernière chance pour lui sauver la vie, ils ont voulu attirer l'attention sur le sort de la jeune femme.

Ses parents et ses deux fils âgés de 12 et six ans manifestent quasi quotidiennement à Manille. "Il ne faut pas perdre espoir. Le bonheur viendra. Il faut se souvenir qu'il y a toujours un lendemain", chante au micro son fils cadet, Mark Darren.

Rédigé par () le Mercredi 22 Avril 2015 à 05:47 | Lu 490 fois