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Des jeunes Polynésiens fabriquent du poisson tanné


Le cuir véritable fabriqué à partir de peaux de poissons est 100% écolo.
Le cuir véritable fabriqué à partir de peaux de poissons est 100% écolo.
Papeete, le 20 février 2018 - Transformer des peaux de poissons en cuir véritable ! L'idée, venue directement de Laponie, a inspiré deux Polynésiens, Rahei Dudès et Tixier Haumanava. Ecolos dans l'âme, les deux jeunes souhaitent proposer ce cuir, respectueux de l'environnement, comme matière première aux artisans locaux pour créer des sacs, des accessoires de maroquinerie, voire même des chaussures.

"C'est en surfant sur le net que l'idée nous est venue de transformer de la peau de poisson en cuir. C'est une pratique utilisée depuis longtemps en Laponie par les femmes de pêcheurs. La pêche est importante à Tahiti, alors on s'est dit que ce serait intéressant de recycler en cuir les peaux jetées. Les déchets sont ainsi transformés, cela participe au développement durable de notre fenua", explique avec enthousiasme Raihei Dudès, une jeune femme de 22 ans, qui se consacre depuis deux ans sur ce projet avec son ami Tixier Haumanava, 24 ans.

Rahei Dudès.
Rahei Dudès.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont de l'enthousiasme à revendre ces deux jeunes qui sont en train de relever un superbe défi. Si l'idée est séduisante, elle n'est pas facile à concrétiser, car avant d'obtenir du cuir, les deux jeunes doivent passer par de nombreuses étapes. Tout d'abord, il faut trouver la matière première, de ce côté-là, c'est chose facile et surtout gratuite, Raihei et Tixier récupèrent tout simplement les déchets des peaux auprès de certains producteurs de poissons et sélectionnent le type de poissons qui terminera en poisson tanné. "Le saumon des dieux a le sang trop chaud, quant au mahi mahi, il a la peau trop rugueuse. On va surtout utiliser du thon, du perroquet et quelques poissons lagunaires car ils sont plus simples à tanner grâce à leurs peaux fines", précise la jeune fille, devenue experte en poisson mais surtout en tannage. Car l'un des principaux challenges de ce projet est de trouver le bon process à utiliser pour le tannage végétal du poisson. "Nous ne voulons pas utiliser de tannage industriel, on préfère en créer un végétal, même si c'est beaucoup plus long et compliqué. On va mélanger des racines, des écorces de manguiers, de bananiers, mais les quantités ne sont pas suffisantes ici, on doit donc en importer", explique la jeune fille qui souhaite garder les autres ingrédients secrets, car dans ce domaine, il semble que le mystère soit de mise. "Il existe quelques rares tanneurs en métropole, on a essayé de les contacter, mais impossible d'obtenir leur recette", regrette la jeune fille.
Même si c'est difficile parfois, il en faut plus pour décourager nos deux entrepreneurs en herbe, qui ont déjà à leur actif gagné, 4 millions de francs en remportant le 2e Prix du concours de l’innovation agro-industrielle en septembre 2017 et 120 000 francs au concours Cré'Adie ce mois-ci. Ces sommes conséquentes permettent à Raihei et Tixier d'investir dans la recherche et le développement, car les étapes sont encore complexes et nombreuses. "Ensuite le produit doit être trempé dans un bain, puis essoré, séché, assoupli pour être enfin coloré et ce toujours en utilisant des produits naturels. Pour l'instant, nous rencontrons encore quelques difficultés, car le produit sent notamment un peu le poisson. On a quelques idées pour faire disparaître cette odeur", explique la jeune fille qui se félicite de l'aide prochaine de l'association Tahiti Faa'hotu qui va les aider à rencontrer une personne expérimentée dans le tannage.

Outre la partie recherche qui se poursuit sans cesse pour optimiser les procédés, les deux entrepreneurs ont également investi dans la construction d'un site de production qui devrait être fini d'ici le mois de mai.
Une fois, l'atelier construit, ils pourront ensuite démarrer pleinement leurs activités en septembre prochain. Ils espèrent produire environ un millier de cuirs de 40 cm de long pour 15 cm de large par mois.
Les cuirs seront ensuite vendus entre 500 à 750 francs. Rahei et Tixier souhaitent démarcher les associations d'artisans, le centre des métiers de l'artisanat, les bijoutiers, les maroquiniers ou encore les instituts de formation technique pour proposer cette nouvelle matière première à travailler. "Nous avons même un contact avec un cordonnier qui serait intéressé pour créer une paire de chaussures en cuir de poisson véritable. Il faut susciter la demande, il y a tout un marché à créer", déclare souriante la jeune fille.

UN KIT DE TANNAGE

Parallèlement à leur activité de production de cuir, Raihei et Tixier souhaitent mettre à la vente un kit de tannage. "Nous avons eu de nombreuses demandes émanant de toute part, même de l'étranger. On proposera ce kit aux alentours de 15 000 francs afin de permettre à toutes les personnes désireuses de se lancer dans cette nouvelle activité de le faire", précise la jeune fille.
Une chose est sûre, Rahei et Tixier ont l'air de nager comme des poissons dans l'eau dans le monde de l'entreprise.


Si vous êtes artisan ou si vous souhaitez en savoir plus sur cette nouvelle matière, n'hésitez pas à contacter en MP Dudes Raihei sur Facebook.

le Mardi 20 Février 2018 à 12:41 | Lu 5223 fois