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Des hommes et des récifs


Tahiti, le 12 novembre 2019 - Récifs coralliens, cœur de l’océan, regards croisés d’un artiste, d’un photojournaliste et d’un scientifique sur l’un des plus merveilleux et des plus riches écosystèmes connus.
 
Trois regards pour l’océan. Trois regards posés avec poésie, rigueur, tendresse, sur des écosystèmes qui à eux seuls contiennent 30% de la biodiversité de nos océans : les récifs coralliens. Celui de Lambert Wilson, acteur réalisateur mobilisé depuis 20 ans aux côtés de l’ONG Greenpeace, celui de Serge Planes, directeur de recherches au CNRS et spécialiste mondial de l’étude des récifs coralliens, enfin celui d’un photographe plongeur, Alexis Rosenfled, dont l’œil, au fil des expéditions (Cousteau) et des aventures extraordinaires (découverte de l’épave de l’avion de Saint Exupéry), a su saisir les 64 nuances de bleu du Moana Nui. “L’idée de ce livre, nous dit-il, c’est de sensibiliser par le beau”.
 
Les photos sous-marines sur lesquelles Lambert Wilson est venu poser sa délicate poésie et Serge Planes son savoir scientifique, ont été prises dans tous les océans du monde. On y découvre l’élégance des Gorgones de la mer de Sulu, les poissons de verre des Maldives, la technique de pêche traditionnelle de Madagascar ou encore, scène rare, photo stupéfiante, l’accouplement de tortues vertes en eaux Mahoraises.
 
Mais c’est en Polynésie que quelques-unes des photos les plus emblématiques ont été prises. Comme celle des “coraux solitaires” uniques au monde de Rikitea, ou celle des coraux de feu : “Je me souviens de ce sentiment d’enivrement lorsque je me suis mis à l’eau, décrit Alexis Rosenfled. C’était perdu sur des îlots de l’archipel des Gambier bien loin dans l’océan Pacifique à l’extrême est de la Polynésie. J’étais seul. Personne n’avait jamais plongé dans cette zone. L’exaltation de l’exploration ! De la première ! De découvrir l’exceptionnel ! J’avais repéré cet imposant massif de corail de feu. J’avais préparé tout le petit réglage pour faire cette photo et sans aucune attente, ce petit requin est sorti de derrière. Clic.”
 
Au fenua encore, cette double page qui témoigne de l’épisode de blanchissement corallien des récifs de la côte nord de Moorea début 2019, phénomène qui se produit lorsque le corail subit un stress thermique. Car si l’ouvrage célèbre la magnificence des fonds marins, il dévoile également la tragédie qui s’y joue. Pollution plastique, débris vestiges du passage des cyclones, récifs dévastés. Avec des images esthétiques toujours, des légendes concises, des mots qui touchent.
 
“J’ai voulu transcrire des sensations, confie Lambert Wilson. Des sensations que le lecteur pourra identifier. Les récifs coralliens étaient un peu abstraits pour moi. C’était beau mais scientifiquement je n’étais absolument pas au courant. C’est vraiment grâce à la rencontre avec Serge Planes que j’ai découvert ce biome là, au plus beau, au plus riche, au plus dense. J’ai plongé avec lui en Polynésie. Toutes les photographies d’Alexis que j’avais vues, je les ai eues devant les yeux en vrai. Quand il y a eu l’idée de ce livre, j’ai dit oui, il faut montrer au public que les récifs coralliens sont des marqueurs, comme il existe des marqueurs pour les maladies des humains. Ce sont des marqueurs extrêmement beaux et extrêmement parlants, qui indiquent la santé des écosystèmes et l’être humain doit s’habituer à ouvrir les yeux sur les signes qu’ils nous envoient.”
 
Pour Serge Planes, le spécialiste mondial des récifs, résidant une partie de l’année sur la station de terrain du Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement (Criobe) à Moorea, ce livre nous offre avant tout une opportunité, celle de ne pas nous cacher derrière le “je ne savais pas”. “Oui nous savons ! martèle-t-il. Oui nous détruisons notre nature !! Oui nous sommes responsables !!! A force de ne regarder que le côté beau de notre planète et de notre nature, on oublie qu’elle n’est pas éternelle (…) Je voudrais que ce livre qui mélange de belles photos de nos récifs coralliens et des photos présentant aussi les dégradations dramatiques qu’ils subissent, puisse être un choc pour certains et qu’il sensibilise au futur que nous voulons.”

Zoom

Le livre “Récifs coralliens, cœur de l’océan” édité à 3 000 exemplaires, est en pré-vente sur le site d’Alexis Rosenfeld.
 
5% des ventes de l’ouvrage seront reversés à l’Observatoire des Requins de Polynésie (ORP), organisme qui mène des actions de suivi et de préservation des requins et sensibilise à l’importance de ces animaux pour la bonne santé de nos récifs coralliens.

Lambert Wilson : “Nous entrons dans une nouvelle ère de réaction”

Que retenez-vous de votre séjour, de votre expérience polynésienne ?

“J’ai avant tout découvert les Polynésiens, j’ai trouvé les gens extraordinaires. Ensuite, c’est la beauté, terrestre et sous-marine, qui m’a frappé. J’étais basé à Moorea, j’aime la botanique et cette île est passionnante de ce point de vue là. Puis nous avons plongé, je ne pensais pas qu’une telle densité d’espèces, de couleurs, pouvaient cohabiter. On a toujours l’impression que nous sommes rattrapés par la capacité de destruction de l’humain, qu’il y a plus de destruction que de bonne volonté. Or en Polynésie j’ai vu des jeunes, des très jeunes, sensibiliser la population, faire des bouturages de coraux. Cela me donne de l’espoir.”
 
On peut sensibiliser le grand public, comment sensibiliser les décideurs, ceux qui font les lois ?

“Le législateur est influencé par la personne qui vote et la personne qui vote doit savoir maintenant qu’il faut entrer dans une nouvelle phase, une phase de désobéissance civile. Les initiatives individuelles ne suffisent plus. Il faut des actes forts. Nous entrons dans une nouvelle ère de réaction. Il faut un recours légal contre les Etats pour non respect de leurs engagements pour la sauvegarde des individus et de la planète. Il faut faire la grève pour le climat. Ce sont ces actions là, qui peuvent faire en sorte de convaincre le législateur et les lobbys.”
 

Rédigé par KB le Mardi 12 Novembre 2019 à 18:00 | Lu 580 fois