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Cotisation patronale exceptionnelle : le CESC favorable, mais...


PAPEETE, 23 octobre 2018 - Le CESC a rendu un avis favorable au projet de loi visant à instituer une cotisation patronale exceptionnelle pour résorber le déficit de l’assurance maladie. Mais la quatrième institution de la Polynésie française demande à ce que le texte soit précisé avant d’être transmis à l’assemblée.
 
Saisi dans le cadre d’une procédure d’urgence, le Conseil économique social et culturel (CESC) a rendu mardi un avis favorable par 33 voix pour et quatre abstentions, en faveur du projet de loi du Pays portant création d’une cotisation exceptionnelle pour le financement de la branche Assurance maladie du régime des salariés.

Si ce projet de loi est adopté par l'assemblée durant la session ordinaire actuellement en cours, une cotisation spécifique de 0,75 % entrerait en vigueur dès le 1er janvier 2019 et serait exclusivement à la charge des employeurs. A terme cette recette doit contribuer à l’ "assainissement du risque maladie du régime des salariés" , en vue de la création d’un régime de couverture maladie unique auquel serait affilié l’ensemble des Polynésiens. La création de ce régime unique est au cœur de la réforme du système de Protection sociale généralisée (PSG) qui compte actuellement trois régimes : le RGS, le Régime des non-salariés (RNS) et le Régime de solidarité (RSPF). Le préalable à leur unification, dans le cadre de cette réforme, est l’assainissement des déficits des différents régimes.

Dans ce contexte et pour ne pas créer de charge nouvelle sur le travail, le prélèvement nouveau que projette de mettre en place le Pays, serait compensé par une baisse de valeur équivalente des cotisations versées en faveur des prestations familiales, dont le fonds est excédentaire et disposera d’une réserve de 5,4 milliards Fcfp, fin 2018.

Parallèlement, la cotisation "exceptionnelle" de +0,75 % qu’envisage le Pays permettrait d’abonder la branche maladie de 1,66 milliard Fcfp par an, tandis que de son côté le fonds de prestations familiales enregistrerait chaque année un manque à gagner de 1,65 milliard Fcfp, selon les estimations de la Caisse de prévoyance sociale.

Le "puits sans fond" de la maladie

A ce compte, le déficit cumulé de la branche Maladie du régime général des salariés (4,7 milliards Fcfp au 31 décembre 2017) pourrait être comblé en 34 mois, selon l’estimation de la Caisse de prévoyance sociale. Au global, à fin décembre 2017, la caisse d’assurance maladie accusait un déficit cumulé de 13,96 milliards Fcfp ; mais 9,27 milliards Fcfp sont déjà pris en charge et épongés progressivement par le Pays via le Fades, le Fonds pour l’amortissement du déficit social.

Dans l’avis favorable rendu mardi, le CESC "adhère au principe de réduire le déficit de l’assurance maladie tout en n’impactant pas le coût du travail", dans la perspective "d’un assainissement global des comptes sociaux préalable à la mise en place d’une réforme" d’ensemble du système de la PSG (la PSG 2). Mais l’institution déplore l’incertitude, laissée entière par le projet de loi, quant à la durée de cette cotisation exceptionnelle. Crainte d'autant plus grande que la croissance prévisionnelle des dépenses de santé est évaluée à +3,2 % par an. A fin 2018, le déficit (hors Fades) de la branche assurance maladie devrait être de 6,4 milliards Fcfp, soit 1,5 milliard Fcfp supérieur à celui observé fin 2017. A ce compte, pour le CESC l’assurance maladie est un "puits sans fond" qu'il risque d'être difficile de combler. Et l’institution s’inquiète de la durée de cotisation "exceptionnelle", si sa raison d'être est d’apurer le déficit de l’assurance maladie.

Des craintes ont également été exprimées au sujet du financement des prestations familiales, victime en première ligne de la mesure comptable. 

La CESC rend en conséquence un avis favorable au projet de loi du Pays mais préconise qu’une durée maximale de 4 ans et qu’un taux maximal de 0,75% de la cotisation créée "soient précisés dans les formes juridiques qui s’imposent sous réserve que le budget du Fonds d’actions sanitaires et sociales ne soit pas diminué". 

"Il nous faut attaquer au plus vite cette deuxième phase de la réforme de la PSG" (Plée, CPME)

Trois questions au président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, Christophe Plée.

Plusieurs intervenants reprochent des imprécisions à ce projet de texte. Cette limitation de la mesure dans le temps est-elle fondamentale, pour vous ?
Ce qui est important, c’est déjà que cette cotisation exceptionnelle soit compensée par une baisse équivalente de la cotisation Prestations familiales. Ce qui est important aussi, en effet, c’est que le CESC souhaite limiter dans le temps et s’assurer que ce sera bien une "cotisation exceptionnelle" et qu’elle ne durera pas dans le temps. Mais cette notion de durée n’est pas précisée dans le texte. Nous demandons à ce qu’elle le soit. Et forcément, les organisations patronales vont se tourner vers le gouvernement pour que ce projet de texte soit modifié et que soit précisé que ce sera une cotisation exceptionnelle, avec une durée, par exemple de 4 ans, le temps de renflouer la caisse d’assurance maladie.
Reste aussi à savoir si ensuite on remet le montant de cette cotisation exceptionnelle sur le fonds des prestations familiales, qui est aujourd’hui baissé d’autant… En somme, il y a des incertitudes concernant ce texte, et le CESC les a bien relevées.
 
Plusieurs conseillers ont qualifié cette mesure de "pansement", lors des débats aujourd’hui.
Oui, parce qu’au-delà de tout ça, comme l’ont relevé plusieurs intervenants lors de cette assemblée plénière, il faut s’attaquer au vrai problème : le gouffre que représente l’assurance maladie. Il faut s’attaquer au point n°2 de la réforme de la Protection sociale généralisée. La réforme des retraites a été mise en route, maintenant il faut s’occuper de la santé, de la maladie. Il faut réunir les partenaires sociaux et commencer la réforme de la PSG, version maladie et santé des Polynésiens.
Pour l’instant, tout ça est fait de pansements : on tente de combler les déficits mais on ne va pas chercher le mal à l’origine ; on ne va pas chercher la vraie réforme qui va nous permettre de pérenniser notre système de santé en Polynésie française.
 
En attendant, pour le patronat ce sera une opération blanche.
Oui, mais n’oubliez pas que ce qui nous est annoncé pour 2019 n’est pas loin de 2 % d’augmentation des cotisations patronales pour aller sauver les retraites. Aujourd’hui, le Pays demande aux patrons d’aller renflouer un trou. Et vous verrez, on trouvera d’autres trous ailleurs à renflouer. C’est ce qu’on fait depuis 20 ans.
Le gouvernement souhaite que l’on crée de l’emploi pour les jeunes Polynésiens. Et paradoxalement, on taxe de plus en plus le travail. Si vous allez dans les pays scandinaves, vous verrez qu’ils ne taxent surtout pas l’emploi, parce que c’est ce qui est le plus dur à créer. Il existe d’autres solutions : fiscaliser sur l’ensemble par exemple… C’est ce que préconisent les syndicats de salariés et le patronat depuis près de 10 ans. Donc, mettons-nous autour d’une table. Commençons à travailler, parce que tout ça met du temps à se mettre en place. Il nous faut attaquer au plus vite cette deuxième phase de la réforme de la PSG.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 23 Octobre 2018 à 15:11 | Lu 3005 fois