“Cette élection, c'est la démocratie des chefs d'entreprises”


Tahiti, le 11 septembre 2025 – Au terme de trois mandats de quatre ans, le président de la CCISM, Kelly Asin-Moux, va prochainement quitter ses fonctions de juge consulaire au tribunal mixte de commerce (TMC) de Papeete. À cette occasion, il revient sur l'exercice de cette fonction chronophage mais nécessaire.
 
Quelles sont les conditions dans lesquelles vous avez exercé et pourquoi vous êtes-vous présenté à plusieurs reprises ?


“Un juge commissaire, c'est avant tout un chef d’entreprise bénévole qui n’est pas du tout rémunéré et qui prend de son temps pour participer à des prises de décision et à l'aide aux entreprises qui sont en difficulté, en priorité. Mais il intervient également dans toute la procédure contentieuse, c'est à dire qu'avec le président qui est un magistrat professionnel, nous allons juger les litiges commerciaux entre les chefs d'entreprise. Voilà la principale mission d'un juge commissaire. L'idée que j'avais à l'origine, et qui m'a en partie poussé à venir dans cette institution, est que comme tout chef d'entreprise, nous rencontrons parfois des difficultés et il est très compliqué d'en sortir, une fois que l'on a le doigt dans l'engrenage. C'est la raison pour laquelle je me suis dit qu'en participant au processus judiciaire du TMC, cela pourrait permettre de venir aider les entreprises et surtout celles qui ont la possibilité de rebondir et d'avoir une seconde chance. C'est ce qui m'a motivé en priorité.
 
Ensuite, c'est aussi une manière de pouvoir apporter sa contribution. En effet, qui mieux qu'un chef d'entreprise peut juger un autre chef d'entreprise ? Nous connaissons le langage des chefs d'entreprise et nous savons parfaitement comment fonctionnent le terrain et l'environnement économique polynésien. C'était une manière pour moi d'apporter ma contribution et surtout, d'aider mes pairs lorsqu'ils sont en difficulté. Lorsqu'il y a un contentieux en entreprise, c'est bien d'avoir cette vision du terrain et pas simplement la vision d'un magistrat professionnel.”
 
Vous étiez déjà à ce poste durant la pandémie. Rétrospectivement, comment les entreprises ont-elles traversé cette période et comment s'en sont-elles remises ?

“Contrairement à ce que l'on aurait pu penser, pendant la période du Covid-19, nous pensions que nous allions être submergés de dossiers de sociétés en difficulté qui viendraient à la barre du tribunal pour demander à être mises en redressement judiciaire –mesure qui est avant tout une protection de l'entreprise et qui permet de lui donner une espèce de souffle nouveau. Et cela ne s'est pas passé. Nous pensons que les subventions et toute l'aide de l’État et du territoire qui ont été mises en place ont permis à ces sociétés de garder la tête hors de l'eau. C'est bien après, quand il a fallu commencer à rembourser les prêts qui avaient été octroyés, que nous nous sommes aperçus que certaines sociétés n'avaient pas joué le jeu. Elles avaient bénéficié de subventions alors qu'elle n'était pas en situation pour ce faire. Nous nous sommes retrouvés avec ces sociétés qui sont venues à la barre du tribunal. Il n'y en a pas eu tant que cela et celles qui sont venues étaient déjà en difficulté avant le Covid-19. Elles ont juste eu une bulle d'air car elles ont reçu l'ensemble de ces aides et de ces prêts ; mais au final, la structure n'étant pas viable, elles ne pouvaient pas tenir de toute manière. En fin de compte, nous nous sommes plutôt retrouvés avec des sociétés au tribunal qui devaient être soit en redressement judiciaire, soit en liquidation car elles n'étaient plus viables du tout sur le plan économique.”
 
Cette mission nécessite-t-elle une charge de travail importante ?

“Tout à fait. Je ne veux pas décourager les candidats car c'est important. Cette élection, c'est la démocratie des chefs entreprises qui vont élire leurs pairs et le tribunal mixte du commerce, c'est véritablement le tribunal des entreprises. Nous avons donc la chance de pouvoir y participer et je le répète, je n'ai même pas de formation en droit : je suis un chef d'entreprise comme un autre et il est important que l'on soit jugé par des gens qui comprennent ce que l'on fait. C'est un métier qui n'est pas toujours facile. Après, moi qui ai une expérience de 12 ans de mandature, je peux dire qu'à partir du deuxième mandat, on commence à mieux s'organiser sachant qu'en tant que juge-commissaire, vous êtes magistrat à part entière et que vous rédigez vous-même vos ordonnances. Vous dirigez aussi vous-même vos audiences en procédure collective. C'est donc un travail qui nécessite beaucoup d’implication en dehors de votre activité professionnelle et l'on n'assiste pas simplement en tant qu'assesseur. Il y a une action à mener dans cette procédure collective pour aider les sociétés en difficulté. Pour candidater, il faut donc intégrer ces obligations dans son emploi du temps car c'est tout de même assez prenant. Il y a deux audiences par mois et à peu près une par mois en tant que juge-commissaire. Pendant les deux premières années, je pense donc qu'il faut être complètement investi pour comprendre comment fonctionne l'institution.”

 

Rédigé par Garance Colbert le Jeudi 11 Septembre 2025 à 06:58 | Lu 940 fois