Cancer: un meilleur arsenal de médicaments "ne suffira pas", dit le président du congrès européen


PATRICK HERTZOG / AFP
Paris, France | AFP | vendredi 17/10/2025 - Contre les cancers, améliorer l'arsenal des médicaments, comme avec l'usage ciblé d'anticorps ou de cellules immunitaires, est crucial mais "ne suffira pas", affirme dans un entretien à l'AFP Fabrice André, président du Congrès européen de cancérologie.

La quête d'une détection plus précoce mais aussi d'une prévention ciblée sur des personnes très à risque sont des tendances croissantes, explique le directeur de la recherche de l'hôpital Gustave Roussy en région parisienne, à l'occasion de l'ouverture du congrès de l'Esmo, où est présenté un panorama d'avancées médicales du 17 au 21 octobre à Berlin.

Q: Le cancer reste la deuxième cause de mortalité dans le monde et le fardeau devrait encore s'alourdir d'ici 2050. Alors que démarre le grand rendez-vous européen de la cancérologie, quels outils de riposte thérapeutique semblent les plus prometteurs?

R: "Les médicaments restent un pilier majeur pour améliorer la survie d'un cancer, mais ne suffisent pas. 

La famille des médicaments conjugués - acronyme ADC en anglais pour "Antibody-Drug Conjugate" -, des anticorps qui embarquent de la chimiothérapie dans les cellules cancéreuses, a déjà une efficacité démontrée pour des patients avec des métastases. Cette classe de médicaments montre désormais une efficacité importante pour des patients avec un cancer localisé, par exemple du sein ou de la vessie. Comme les cancers localisés sont plus faciles à guérir que les cancers métastatiques, cela peut avoir de vrais impacts en santé publique.

Il y aussi des anticorps auxquels on accroche de la radiothérapie: la radiothérapie interne vectorisée. Quand on utilise cette technique plus tôt dans la maladie, on s'aperçoit que l'efficacité est importante. Et on voit aussi qu'on peut améliorer cette thérapie en utilisant d'autres types d'émetteurs d'énergie.

Les premières générations de ces deux classes médicamenteuses, qui fonctionnent, peuvent donc être optimisées.

Il y a aussi, de plus en plus, la thérapie cellulaire, où l'on injecte des cellules, généralement immunitaires, ayant une efficacité contre le cancer. On va voir à Berlin un exemple d'une cellule de type lymphocyte, génétiquement modifiée, utilisée contre un certain type de mélanome. L'enjeu est aussi d'améliorer l'accessibilité à ce type de thérapie pour les patients, en utilisant la biotechnologie."

Q: Où en est la recherche d'une désescalade thérapeutique, soit l'utilisation de traitements moins lourds, quand c'est possible, dans les traitements anticancéreux?

R: "L'enjeu n'est pas tant la désescalade que de donner la bonne dose et le bon schéma de traitement. Pour certains patients, on peut opter pour cette désescalade, avec moins de toxicité (du traitement), et pour le système de santé, moins de ressources nécessaires. A contrario, au niveau global, pour des pays ne pouvant pas se payer certains traitements actuellement, des traitements plus courts seront plus accessibles." 

Q: Hors médicaments, quel autre type de leviers peut améliorer le pronostic des patients?

R: "La détection précoce des cancers, grâce aux nouvelles technologies de diagnostic, favorise une bonne stratégie de soins en aidant à mieux positionner les médicaments: à quel moment précis, dans quelle indication les utiliser? 

Ce qui est beaucoup en vogue, c'est d'utiliser la détection d'ADN issu de cellules cancéreuses dans le sang (biopsie liquide) pour optimiser les traitements. Des études au programme à Berlin explorent ainsi l'octroi d'une thérapie supplémentaire, ou pas, si l'on détecte de l'ADN tumoral circulant pour les malades de certains cancers." 

Q: La prévention est-elle devenue un enjeu plus important?

R: "Les sociétés savantes sur le cancer, historiquement peu investies dans ce domaine, s'intéressent de plus en plus à la prévention. 

A côté de la prévention à large échelle où l'on dit +ne fumez pas+, +n'allez pas au soleil+, etc., émerge une prévention ciblant des personnes à très fort risque de cancer, auxquelles on donne un traitement avant l'apparition de tumeurs. Cela consiste par exemple à délivrer une immunothérapie à des patients ayant un pré-cancer détectable. 

Et cela nécessite de devenir un champ d'investissement important."

Q: Il y a plus de malades du cancer, des soins plus complexes, mais souvent moins de soignants disponibles. Comment faire?

R : "L'équation est très complexe. Utiliser l'intelligence artificielle et la digitalisation/robotisation des soins pourrait contribuer à optimiser les infrastructures de santé, avec parfois moins de soignants nécessaires et, pour eux, une charge de travail potentiellement moindre."

le Vendredi 17 Octobre 2025 à 04:37 | Lu 1148 fois