Budgets: Lecornu et Faure croient à un compromis, le camp gouvernemental en plein doute


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Paris, France | AFP | mardi 25/11/2025 - "Nous allons y arriver." Avec la même formule, Sébastien Lecornu et Olivier Faure semblent les seuls à croire qu'un compromis est possible sur les budgets, alors que même le camp gouvernemental, droite comprise, est sceptique sur son issue ainsi que sur la nouvelle méthode du Premier ministre.

Le Sénat dominé par la droite, mais qui n'a pas le dernier mot au Parlement, devrait enterrer provisoirement mardi soir la "suspension" de la réforme des retraites, principale condition posée par les socialistes pour ne pas censurer les textes budgétaires.

Mais "on va y arriver", a assuré Sébastien Lecornu dans une allocution surprise, lundi dans la cour de Matignon, dont n'avaient pas été avertis les présidents des deux chambres Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher. Le président Emmanuel Macron a lui aussi dit sur RTL avoir "bon espoir" que les parlementaires, "dont c'est la responsabilité", parviennent à un accord. 

Et ce malgré le rejet du projet de budget de l'Etat 2026 en première lecture vendredi par la quasi-unanimité des députés.

Le Premier ministre propose une nouvelle méthode: l'organisation de débats suivis de votes au Parlement sur plusieurs "priorités absolues" à commencer par la défense le 10 décembre, puis le narcotrafic. 

Il a aussi évoqué des débats sur l'agriculture et sur l'énergie, autant de thèmes chers à la droite. 

- "Petite musique" -

Le patron du Parti socialiste garde, lui aussi, espoir d'un compromis budgétaire avant la fin de l'année. 

"Nous avons besoin de faire avancer le pays", a-t-il plaidé mardi sur franceinfo, refusant un "échec collectif" et regrettant que La France insoumise et le Rassemblement national cherchent à "faire dérailler le train". 

Deux formations dont M. Lecornu a également dénoncé le "cynisme" et la volonté de "blocage".

Tel un "éclaireur", le Premier ministre entend "aiguiller" les discussions budgétaires avec ces débats thématiques pour convaincre ses soutiens de la droite et du centre de voter les budgets, explique un proche.

Il "veut jouer franc jeu: il y a des enjeux plus importants, internationaux et régaliens, que telle ou telle taxe", et donc "mieux vaut un mauvais budget que pas de budget", ajoute-t-il.

M. Lecornu a salué mardi matin devant les députés MoDem leur "rôle pivot" dans la recherche de compromis, selon un élu.

Devant le groupe EPR (Renaissance), il a souhaité d'après un participant ne "pas laisser s'installer la petite musique" d'une "loi spéciale", en ciblant le patron des Républicains Bruno Retailleau. 

La droite semble avoir abandonné tout espoir d'une percée sur le budget et préfèrerait cette loi pour pallier l'absence de budget et assurer la continuité de l'Etat début 2026.

- "Se défausser" -

Le groupe socialiste doute que les débats thématiques "puissent faire avancer la situation". "Le sujet n'est pas la nécessité d'augmenter notre effort en matière de défense, mais comment cet effort va bien pouvoir être financé", a relevé Béatrice Bellay, porte-parole.

Le locataire de Matignon n'en est pas à sa première méthode. Il a d'abord renoncé à utiliser l'article 49.3 de la Constitution pour redonner entièrement la main au Parlement. 

Puis, fin octobre, considérant que "le changement culturel n'intervient pas aussi vite" qu'il l'avait "imaginé", il avait invité ses ministres à recevoir les groupes parlementaires pour s'entendre sur "l'atterrissage" des textes.

Autant de manières de procéder qui interrogent ses soutiens.

Le président de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale, Frédéric Valletoux (groupe Horizons), fustige dans le journal L'Opinion un gouvernement qui "se contente de faire les additions des mesures votées, comme s'il allait rejeter par avance la faute de l'échec des discussions sur le Parlement". Or il "ne peut pas se défausser et se placer uniquement en spectateur" de propositions "qui viennent de lui".

Un cadre du bloc central pense qu'en réalité le Premier ministre "godille en fonction des événements matin, midi et soir". 

Les examens des budgets de l'Etat et de la Sécurité sociale se poursuivent cette semaine au Sénat.

Si le projet de budget de la Sécurité sociale, avec la "suspension "de la réforme des retraites, "réussit à passer le cap de l'Assemblée" lors d'une deuxième lecture, "c'est évident que ça enclenche du positif pour la suite", reconnaît ce cadre. Reste que "c'est difficilement prévisible parce qu'on n'a pas de visibilité".

En attendant, Sébastien Lecornu se prépare "à toutes les hypothèses", selon ce proche. Y compris celle de finir censuré comme Michel Barnier il y a an.

le Mardi 25 Novembre 2025 à 04:29 | Lu 231 fois