Bora Bora rappelée à l’ordre par la CTC


Tahiti, le 29 juillet 2025 – La Chambre territoriale des comptes publie mardi le rapport d’observations définitives de la commune de Bora Bora de 2019 à 2023. Si l’appréciation de la gestion communale reste correcte, la CTC enjoint la Perle du Pacifique à plus de vigilance sur la situation des budgets annexes “restauration scolaire”, “ordures ménagères et déchets” et “assainissement” et à doter ses services de plus d’expertise.
 
La Chambre territoriale des comptes (CTC) publie mardi son analyse de la gestion des services de la commune de Bora Bora sur les exercices 2019 à 2023. Un rapport dont a pris acte le conseil municipal lors d’une assemblée convoquée le 16 mai dernier. Depuis l’examen de la gestion des services de la commune, mené par la CTC en décembre 2024, la juridiction financière reconnaît que la commune s’est notamment illustrée par une amélioration de l’information délivrée aux membres du conseil municipal avecla mise à disposition de rapports complétés sur les orientations budgétaires et d’annexes exhaustives aux documents budgétaires”. Des éléments communiqués aux élus lors d’un conseil municipal fin février dernier. Mais cette information “doit également être complétée par la mise en ligne des données financières de la commune sur son site internet”, invite la CTC. “Des améliorations sont également à rechercher dans la gouvernance, notamment par la présentation chaque année d’un plan pluriannuel d’investissement, évoqué lors des débats sur les orientations budgétaires, et la formalisation du processus d’attribution des subventions aux associations.
 
Budgets annexes structurellement déficitaires
 
La commune de Bora Bora a une place très particulière parmi les collectivités locales du Fenua. L’île accueille environ la moitié des touristes séjournant en Polynésie française et bénéficie en conséquence d’importantes nouvelles recettes fiscales grâce à la perception, depuis le 1er avril 2023, des centimes additionnels à la redevance de promotion touristique, qui lui offrent une marge de manœuvre financière très importante. En 2024, ces recettes ont dépassé de 33 % les prévisions budgétaires de la commune. “Pour autant, une vigilance accrue doit être apportée à l’évolution des charges de gestion”, souligne la CTC. “Doit également faire l’objet d’une vigilance toute particulière, la situation des budgets annexes ‘restauration scolaire’, ‘ordures ménagères et déchets’ et ‘assainissement’. La commune maintient en effet l’équilibre financier de ces différents budgets annexes grâce à une subvention annuelle prélevée sur le budget principal.”
 
En 2024, le budget annexe de la restauration scolaire était en déficit de 5,4 millions de francs, celui des ordures ménagères et déchets s’est trouvé en excédent de 13,2 millions, grâce à la subvention d’équilibre du budget principal, dans un contexte où le taux de couverture par les usagers était de 39 % en recul par rapport à 2023. Quant au budget annexe de l’assainissement, il termine l’année en excédent de 13,3 millions de francs avec une contribution du budget principal à hauteur de 54,2 millions. Mais, au regard du Code général des collectivités territoriales (CGCT), ces subventions d’équilibre “récurrentes” prélevées dans le budget principal sont “irrégulières”, dans les communes de plus de 10 000 habitants “s’agissant des budgets annexes ‘assainissement’ et ‘ordures ménagères’”, prévient la CTC.
 
Entre 2019 et 2023, 950 millions de francs ont ainsi été versés aux budgets annexes dont la situation est structurellement déficitaire, constate la CTC. Et ce phénomène a connu une augmentation de 36,2 % en 2024. Des “irrégularités” que la Chambre invite à “corriger dans les meilleurs délais”.
 
Tarifications à revoir
 
Pour ce qui est du budget annexe “ordures ménagères et déchets”, “si la commune de Bora Bora recherche des solutions innovantes dans le but d’assurer le développement durable de l’île, dans un contexte de croissance de la population et de la fréquentation touristique, le développement de nouveaux projets, tels que la mise en place d’un système de production d’hydrogène ou encore la création d’une ressourcerie, d’une déchetterie et d’un centre de tri, doit toutefois faire l’objet d’une étude détaillée avant le lancement, intégrant notamment la totalité du financement et l’incidence du projet sur les dépenses de fonctionnement du budget annexe ordures ménagères et déchets. La situation de ce budget, qui bénéficie de subventions de plus en plus importantes en provenance du budget principal et est en situation de trésorerie négative, nécessite la mise en place d’une stratégie de redressement reposant notamment sur le réexamen de la tarification, calculée en fonction du service rendu, et une politique de recouvrement plus active, avec l’appui du comptable public”.

Des services en manque d’encadrement et d’expertise
 
La commune doit conserver la maîtrise des services publics de production et de distribution de l’eau potable et d’exploitation de l’assainissement collectif, qu’elle a délégués, et contrôler effectivement l’activité de ses délégataires. Et cela ne peut être effectué par la seule lecture des rapports annuels du délégataire, observe la CTC invitant Bora Bora à s’entourer de personnels qualifiés, “afin d’assurer la préservation des intérêts de la commune”.
 
Et la CTC de prendre en exemple la passation récente du contrat d’affermage pour l’exploitation du service public d’assainissement collectif avec distribution de l’eau industrielle qui “s’avère défavorable à la commune” : “D’une durée non justifiée au regard de l’investissement demandé au délégataire, ce contrat ne permet en outre pas à la commune de disposer des ressources nécessaires pour réaliser les travaux à sa charge, rendant impossible le financement du service par les usagers, 95 % des redevances perçues revenant au délégataire. Dans ces conditions, le niveau de la part communale doit être revu en tenant compte des investissements à la charge de la commune. L’ensemble des améliorations à rechercher dans le pilotage administratif, technique et financier de la commune ne peut se faire qu’avec un renforcement du taux d’encadrement et d’expertise des services, aujourd’hui insuffisant au regard des actions menées par la commune et des projets ambitieux qui sont initiés.”

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 29 Juillet 2025 à 15:14 | Lu 5081 fois