Blanchiment : les notaires mobilisés


Tahiti, le 7 octobre 2025 - Alors que les autorités ont récemment exprimé leur volonté d'intensifier leur action contre le blanchiment de l'argent issu de la drogue sur le territoire, la Chambre des notaires de Polynésie française indique que la profession est sensible à ce sujet et qu'elle a elle-même demandé l'“assistance” du parquet afin d'affronter cette problématique. La direction de la Socredo indique quant à elle que la législation a été considérablement renforcée ces dernières décennies en la matière, notamment d'obligations imposées aux établissements bancaires.
 
Lors de l'audience solennelle d’installation de nouveaux magistrats au palais de justice puis de la prise de commandement du nouveau commandant de la gendarmerie, le colonel Brunet, qui se sont déroulées vendredi, les autorités – procureure de la République, procureur général et haut-commissaire de la République – se sont toutes respectivement exprimées sur la question de la lutte contre le blanchiment de l'argent issu du trafic d'ice, mais aussi de celui du paka. Une problématique assez ancienne sur le territoire où les affaires de trafics de stupéfiants démontrent, depuis des années, que le blanchiment passe notamment par de conséquents achats en numéraire – voitures, électroménager, biens fonciers... – qui concernent des transactions parfois évaluées à plusieurs dizaines de millions de francs.
 
Alors que le procureur général, Frédéric Benet-Chambellan, affirmait vendredi que le ministère public s'attaquera aussi à ceux qui facilitent ou alimentent le trafic de stupéfiants en participant au blanchiment de l'argent issu de leur revente, le président de la Chambre des notaires de Polynésie française, Ariitu Guichenu, expliquait lundi qu'il juge ces propos très “positifs” et que les notaires travaillent “de concert” avec le Pays et la justice. Il lui semble en effet “important que ceux qui essaient de blanchir de l’argent provenant de trafics divers prennent conscience que les notaires sont en état de vigilance et partenaires de la justice pour lutter contre le blanchiment”.
 
Le “fait générateur”
 
Si les notaires ne peuvent percevoir plus de 119 000 francs en numéraire ou recevoir un chèque d'un montant supérieur à 500 000 francs, ils doivent aussi suivre une procédure stricte en matière de virements bancaires tel que le précise Ariitu Guichenu : “Un client qui paie comptant tout ou partie d’un prix de vente doit nous justifier de l’origine et de la provenance des fonds. Pour la provenance, les fonds proviennent du compte bancaire du client et sont virés sur le compte du notaire. Pour l’origine, il s’agit de savoir comment cet argent est arrivé sur le compte bancaire de l’acquéreur et quel en est le fait générateur (donation de somme d’argent par un parent, économies justifiées par des revenus déclarés, vente d’un bien immobilier…).” Dans tous les cas, “le client et la banque de l’acquéreur doivent nous produire un document justifiant que les fonds ont régulièrement suivi un processus de justification d’origine des fonds”.
 
À défaut de justificatifs sérieux quant à la provenance des fonds, les notaires, tout comme les banques, peuvent effectuer un signalement auprès du Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin). Ainsi, “lorsqu’un client n’est pas un client habituel de l’étude concernée et que nous nous appuyons sur des signaux d’alerte (jeune âge de l’acquéreur, profession ne permettant de justifier d’un niveau de revenus en cohérence avec le prix d’achat, prix anormalement haut par rapport au marché, absence de négociation, désintérêt et/ou absence de questions du client sur le bien acquis, revente d’un bien à vil prix…)”, la Chambre des notaires procède à une “déclaration de soupçon”.
 
Également interrogé lundi, le directeur général délégué de la Socredo, David Willecomme, indiquait quant à lui que “les banques sont très sensibilisées à cette problématique et exercent une vigilance constante à travers une organisation, des processus et des outils dédiés”. Elles sont par ailleurs “soumises à des contrôles réguliers du superviseur bancaire qui, en cas de manquements, dispose d’un pouvoir de sanction”. Une “vigilance” qui “s’inscrit donc dans le cadre d’un dispositif légal bien établi, que nous appliquons en lien avec les autorités et notamment Tracfin qui est un service de renseignement, placé sous l’autorité du ministère de l’Économie et des Finances”.
 
 
 
 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 7 Octobre 2025 à 06:01 | Lu 2813 fois