Batteries automobiles : une arnaque à 30 millions à la barre


Tahiti, le 13 octobre 2020 - Trois prévenus ont comparu devant le tribunal correctionnel pour la vente de 10 000 batteries automobiles soi-disant “reconditionnées” d’occasion, voire neuves. Montant du butin : 20 à 30 millions de francs. Ils écopent de 8 à 12 mois de prison avec sursis, avec obligation de payer les dommages et intérêts aux victimes.

L’alerte est venue des réseaux sociaux, où de plus en plus d’internautes se sont mis à dénoncer les défaillances de batteries vendues soi-disant “neuves”. Une “énorme arnaque” montée par trois prévenus : un homme, son épouse et son frère. Jugés pour escroquerie par le tribunal correctionnel, ils comptent ironiquement de nombreux délits aux volants au compteur : conduites sans permis, sans assurance, ou sous l’emprise de stupéfiants.

Pas de quoi les dissuader de se lancer dans une escroquerie automobile. Le mode opératoire ? Equipés “d’appareils de mesure”, les trois prévenus font le tour des stations et des bacs jaunes des points d'apport volontaire pour collecter en toute discrétion les batteries usagées. “On les rinçait aux douches publiques de bord de mer parce qu’il y a de l’acide dedans” précise l’un des prévenus aux enquêteurs. « Bonjour les dégâts pour les gens qui se baignent à la plage » ironise la présidente du tribunal.

Plus ou moins vidées de leur acide sulfurique, les batteries sont ensuite “reconditionnées” raconte l’un des prévenus. En réalité, ils ne font que les recharger grossièrement. “Je démarrais ensuite une voiture avec pour voir si ça marchait” raconte le jeune homme. Voilà qui suffit aux trois mis en cause pour mettre le produit sur le marché via Facebook, à un prix dérisoire. “6 000 francs” se hasarde d’abord le prévenu, avant de se raviser quelques minutes plus tard. “On les vendait en moyenne 3 000 francs en fait, indique le grand frère, l’instigateur de l’entreprise. On faisait des prix quand les gens en achetaient plusieurs”.

A ce prix-là, les clients ne se font pas prier. Les ventes démarrent sur les chapeaux de roue : en l’espace de quelques mois, 10 000 unités sont vendues, pour un juteux butin estimé à près de 30 millions de francs. « Vous en avez fait quoi de tout cet argent ? » interroge la présidente du tribunal. “Je viens d'une fratrie de 11 enfants, j’en ai fait profité à toute ma famille” répond le jeune homme. Des auditions pourtant, il ressort que cet argent est passablement dépensé dans la ice, la boisson, et la nourriture.

Sa propre femme le désigne comme “un grand consommateur” pendant les auditions : « dès qu'on a des sous, ça part dans la ice. C'est dingue, on a pas d'argent de côté. La situation est devenue ingérable, il me menace si je cherche à le quitter, la dernière fois son frère m'a retrouvé. » Ce qui ne l’empêche pas de participer activement à l’escroquerie et d’utiliser une photocopie d'un permis afin de louer une voiture dans le cadre de leur petite affaire.

"On nous parle de 10 000 clients, mais au final on n’a que le haut de l'iceberg dans cette procédure” commente le procureur. Devant ce “volume inquiétant”, il a requis douze mois de prison avec sursis pour le grand frère, 10 pour son épouse, et 8 pour le petit frère, mise à l'épreuve probatoire sur trois ans, obligation de travail, obligation de passer le permis de conduire et obligation de réparer les dommages. Le tribunal a suivi ses réquisitions.
 

Rédigé par Esther Cunéo le Mardi 13 Octobre 2020 à 20:25 | Lu 7837 fois