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Bataille d’experts au procès du crash d’Air Moorea


PAPEETE, le 14 novembre 2019 - Au troisième jour du procès du crash d’Air Moorea, qui avait coûté la vie à vingt personnes le 9 août 2007, plusieurs témoins ont été cités par la défense pour démontrer qu’une “incapacité” du pilote pouvait être à l’origine du drame.

Sept prévenus comparaissent depuis mardi devant la cour d’appel de Papeete dans le cadre du procès du crash d’Air Moorea. En ce troisième jour d’audience jeudi, la matinée a été notamment consacrée à l’audition des témoins cités par la défense qui ont tenté, parfois maladroitement, de démontrer que la cause du crash n’était pas la rupture du câble de gouverne de profondeur.

Premier témoin à être entendu, M. Schmidt a sous-entendu que le pilote de l’avion, Michel Santurenne, n’avait “rien fait de positif”. A la barre, cet ingénieur de formation, qui cumule 1 500 heures de vol, a indiqué qu’il connaissait très bien “le monde des pilotes” et qu’en quelques secondes, Michel Santurenne aurait dû réagir et non agir dans la “demi-mesure”. A l’audition du cockpit voice recorder, dans lequel le pilote profère “Oh putain” quelques secondes avant que l’avion s’abîme en mer, M. Schmidt a affirmé que ce juron était un “juron de dépit”, une exclamation qui signifiait que Michel Santurenne ne savait pas quoi faire. Le témoin a été vertement critiqué par les avocats des parties civiles qui ont dénoncé des expertises sur “commande” dans lesquelles on “évacue des éléments” en manquant cruellement d’ “objectivité”.

Même affirmation pour le second témoin, un pilote de ligne cumulant plus de 28 000 heures de vol qui a évoqué l’état du pilote qui aurait, selon lui, était dans un “état d’incapacité”. “Un pilote en pleine possession de ses moyens est formé pour contrôler son avion”, a-t-il ainsi affirmé.



Un pilote "méticuleux"

Si ces deux témoins semblaient savoir exactement ce qu’ils auraient fait à place de Michel Santurenne le jour du drame, l’audition par visioconférence de l’experte agréé par la Cour de cassation, Claudine Osterlinck, a apporté une tout autre vision de la situation. Cette spécialiste a en effet rappelé qu’elle avait fait des essais en vol pour savoir s’il aurait été possible de récupérer l’avion à une aussi basse altitude et qu’elle avait échoué.

Interrogée par la cour sur la thèse d’une erreur de pilotage, Claudine Osterlinck a déclaré que le comportement du pilote, tel qu’il était décrit par les deux témoins de la défense, n’était pas celui d’un pilote professionnel. Ce qui était pourtant le cas de Michel Santurenne que beaucoup décrive comme un homme qui était “méticuleux”.

Egalement cité par la défense, un ancien pilote d’Air Moorea a été confronté à un certain malaise lorsque la présidente de la cour d’appel lui a rappelé, qu’à l’époque des faits, il avait qualifié les avions de la compagnie de “poubelles volantes mal entretenues”. Désormais employé chez Air Tahiti, l’homme a maladroitement tenté de mettre ses déclarations contradictoires sur le compte de l’émotion ressentie suite au crash.

"Plus bas que terre"

Déjà entendu en première instance, un ancien employé de la compagnie, mécanicien à l’atelier de Moorea, s’est ensuite avancé à la barre pour livrer un témoignage édifiant. Selon ses déclarations, les relations entre la direction d’Air Moorea et ses employés étaient très mauvaises. A l’atelier, la charge de travail était excessive, les “matériaux cassés” et les “outils insuffisants”. Certaines réparations étaient “de fortune” alors que les mécaniciens étaient en sous-effectif.

Le procès, qui continuera vendredi, doit s’achever le 29 novembre.


Rédigé par Garance Colbert le Jeudi 14 Novembre 2019 à 18:30 | Lu 2084 fois