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Aérien : Islands Airline se tourne vers la justice pour décrocher sa licence


Islands Airline envisage la commercialisation de vols domestiques réguliers à destination de Bora Bora, Raiatea, Huahine, Rangiroa, Hao, Tubuai, Nuku Hiva et l’ouverture de lignes directes à destinations de Rarotonga aux îles Cook et Apia aux Samoa (Illustration : photomontage)
Islands Airline envisage la commercialisation de vols domestiques réguliers à destination de Bora Bora, Raiatea, Huahine, Rangiroa, Hao, Tubuai, Nuku Hiva et l’ouverture de lignes directes à destinations de Rarotonga aux îles Cook et Apia aux Samoa (Illustration : photomontage)
PAPEETE, 19 février 2018 - Sans nouvelle de l'administration quatre mois après le dépôt d'une demande de licence d’exploitation pour des vols domestiques, la société Islands Airline a annoncé lundi à Tahiti Infos qu’elle saisissait la justice pour obtenir l’annulation de ce qu'elle considère dorénavant comme une décision implicite de rejet.

Le dépôt d'une requête devrait être fait ce mardi au tribunal administratif de la Polynésie française.

"Si l’on se base sur la réglementation actuelle, rien ne s’oppose à la délivrance d’une licence à Islands Airline", analyse un spécialiste du secteur aérien local qui a souhaité garder l’anonymat. Pour lui, cela cadre avec l'esprit de la loi du Pays 2016-3 du 25 février 2016 et l’ouverture à la concurrence dans le secteur du transport interinsulaire aérien et maritime, en Polynésie française. "Mais dans cette affaire, il semble évident qu’il y a une volonté de protéger l’opérateur actuel".

L’offre d’Islands a été dévoilée en septembre dernier. La société détenue par l’homme d’affaires Bill Ravel prévoit de s’attaquer de front à la part la plus rentable de l’activité d’Air Tahiti. L’offre promet, à compter du quatrième trimestre de 2018, la mise en place de vols commerciaux réguliers entre Tahiti, les îles Sous-le-vent, les Marquises et les Australes, a des prix "entre 15 % et 20 % inférieurs" à ceux pratiqués par l’opérateur historique. Les vols projettent d’être opérés à bord d’aéronefs à réaction plus rapides que les ATR d’Air Tahiti. Des avions Embraer E-175 de 78 sièges, avec une configuration de cabine en deux classes, économique et affaires.

Un investissement de 7,5 milliards Fcfp est annoncé par Islands Airline. L’activité devrait nécessiter l’embauche de 150 personnes.

C’est dans cette perspective qu’une demande de licence d’exploitation pour la desserte aérienne régulière de sept destinations a été déposée le 21 octobre 2017. Elle porte sur la commercialisation de quatre vols quotidiens à destination de Bora Bora, deux à destination de Raiatea, un vers Huahine, et un vol journalier vers Rangiroa aux Tuamotu. Parallèlement, cette demande sollicite la permission d’effectuer trois vols hebdomadaires vers Tubuai, aux Australes, vers Nuku Hiva, aux Marquises et à destination de Hao (Tuamotu).

Le programme de vols d’Islands Airline prévoit même l’ouverture de routes aériennes directes vers les îles Cook (Rarotonga) et vers Apia, aux Samoa.
Seulement voilà : quatre mois après avoir demandé à l’administration l’octroi d’une licence d’exploitation de transporteur aérien, la société Islands Airline est toujours sans réponse.

La loi de Pays 2016-3 du 25 février 2016 établit pourtant le principe d’une politique des transports publics interinsulaires animée par "une situation de libre concurrence entre opérateurs". Ce texte a pour objectif de poser les principes d’organisation du transport interinsulaire en Polynésie française. Il prévoit que cette activité s’exerce dans un cadre concurrentiel, par l’attribution d’une licence d’exploitation qui fixe individuellement les éventuelles obligations de service public liées à cette activité. Au regard de ce texte, il apparaît difficile pour le Pays de rejeter une demande de licence d’exploitation vers des îles polynésiennes présentant, pour certaines, jusqu’à 1 000 mouvements commerciaux par an.

"Le dossier est incomplet", objecte-t-on au gouvernement, où cette demande de licence d’exploitation n’aurait pour l’heure été évoquée que dans le cadre de "discussions informelles", le président se tenant informé. Du côté de la SAS Islands Airline, on affirme que le dossier est on ne peut plus complet. On en veut pour preuve la validation de la demande de licence d’exploitation par la Direction de l’aviation civile, courant décembre ; puis une validation réitérée en janvier, à la demande du ministère des transports, suite au changement de responsable à la tête de la DAC. Un rapport de présentation en conseil des ministres avait même été rédigé par le ministère, le 16 janvier 2018. Il se positionnait en faveur de l’octroi à la SAS Islands Airline de la licence d’exploitation demandée. Une communication était envisagée à ce titre lors du conseil des ministres du 24 janvier. "On était satisfaits de la tournure que prenaient les événements", explique Franck Mailleret, président d’Islands Airline. "Mais il se trouve que depuis lors, rien de tout cela n’a été fait. Officieusement, on nous dit aujourd’hui que la licence ne sera pas accordée à Islands ; mais rien ne nous est justifié officiellement. C’est pour cela nous allons saisir dès cette semaine le tribunal administratif".

L’avocat de la SAS confirme qu’une requête doit être déposée ce mardi. Pour Me Mourad Mikou, qui défend déjà les intérêts de la SAS Viti dans une affaire semblable (demande de licence d'opérateur de téléphonie mobile restée lettre morte), la non-réponse de l’administration dans un délai de deux mois est assimilable à une décision implicite de rejet de la demande de licence d’exploitation. La justice administrative devrait être saisie d’une demande d’annulation de cette décision implicite, assortie d’une mesure d’injonction visant à contraindre le Pays à délivrer la licence demandée sous astreinte d’un million de francs par jour de retard.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 19 Février 2018 à 15:34 | Lu 13839 fois