2-juillet : Forte mobilisation pour le 56e anniversaire du premier essai nucléaire


Tahiti, le 2 juillet 2022 - Environ 2 000 personnes ont marché, samedi matin, dans les rues de Papeete, pour commémorer le 56e anniversaire du premier essai nucléaire en Polynésie française. Elles répondaient à l'appel de l'association Moruroa e tatou et de l'Église protestante ma'ohi. À Tarahoi, l'association 193 s'est quant à elle réunie devant la stèle de Pouvana'a a Oopa, rassemblant une centaine de personnes.
 
Environ 2 000 personnes ont marché, samedi matin, dans les rues de Papeete, pour commémorer le 56e anniversaire du premier essai nucléaire en Polynésie française. Elles répondaient à l'appel de l'association Moruroa e tatou et de l'Église protestante ma'ohi (EPM). Deux cortèges, partis vers 8 heures du quai de Papeete et de la salle Maco-Nena, près du stade Willy-Bambridge, se sont retrouvés à l'intersection de l'avenue Pouvana'a a Oopa pour rejoindre ensemble le parc Paofai, où ils ont été accueillis, en chants, par le 3e arrondissement de l'EPM (Moorea-Maiao) en face du temple Paofai.
 
Cette année, pas de pancartes avec des slogans ni haut-parleur, tous sont venus habillés d'un tee-shirt blanc, couronnés et brandissant une feuille de bananier en guise de symbole de paix. “L'an dernier, le président de l'Église protestante ma'ohi, à la fin du synode, a dit que nous, protestants, représentant une grande partie de la population et en particulier les Polynésiens, nous pardonnons à ce colonialisme qui a fait de notre terre une terre d'expériences nucléaires. Nous pardonnons tout le mal qu'il nous a fait. Même si l'État ne veut pas nous demander pardon, nous, nous lui accordons notre pardon”, développe le président de Moruroa et tatou, Hiro Tefaarere.
 
Ponctuée de chants et de danses, la commémoration dans les jardins de Paofai avait des airs de fête. “C'est la manière protestante et c'est la manière polynésienne de se souvenir”, souligne Hiro Tefaarere, qui ne veut pas parler chiffres, mais qui se satisfait de la mobilisation. "C'est la démonstration qu'il y a et qu'il y aura toujours, ici, chez nous, des gens qui ne vont jamais oublier leur histoire”, dit-il.
 
Ismaël Huukena, habitué des défis sportifs, est quant à lui venu porter un message écologique. Il est arrivé à la nage sur la plage de Paofai vers 9h45 après être parti de Taapuna, à Punaauia. La veille, il avait rallié Moorea, au départ de Afareaitu, à Taapuna. Plus de 8 heures de nage au total pour défendre l'océan, victime lui aussi des essais.
 
En fin de matinée, la parole a été donnée à la jeunesse pour délivrer, là encore, un message de paix, en tahitien, en française et en anglais. Deux d'entre eux ont même égrainé, telle une recette de cuisine, leur recette de la paix et du bonheur, en distribuant des petits cœurs en papier à l'assemblée.

Manifestations dans les îles

L'association 193 a elle aussi commémoré “le triste anniversaire” du premier essai nucléaire en Polynésie. Un sit-in était organisé, de 6 heures à 12 heures, devant la stèle de Pouvana'a a Oopa place Tarahoi, avec distribution de flyers. Une manifestation qui a beaucoup moins rassemblé –seule une centaine de personnes était présente– mais pour le président de l'association, le père Auguste Uebe-Carlson, ce n'est pas le nombre qui est important. “Pour nous, le plus important, c'est qu'il y ait de nombreuses petites manifestations comme ça, dans les districts et dans toutes les îles. Ce matin [samedi, NDLR], à Rikitea, le gouvernement sera accueilli par une section de 193. Fakarava, Huahine, Maupiti, Tureia, Anaa et d'autres îles encore vont aussi faire leur manifestation en communion avec ce qu'il se passe ici à Tahiti. On va allumer un feu d'unité.”
 
L'association 193 a accompagné 300 personnes pour leur dossier d'indemnisation auprès du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen), parmi lesquelles “une centaine a reçu une note favorable, ce qui équivaut à 1,2 milliard de Fcfp d'indemnisations”. Les autres victimes étaient symboliquement mises à l'honneur samedi, la centaine de personnes qui attendent encore la réponse du Civen étaient représentées par des ballons rouges et les personnes décédées sans avoir eu de réponse du Comité étaient symbolisées avec des ballons noirs.

Hiro Tefaarere, président de Moruroa e tatou : “Le plus grand génocide français a eu lieu ici, en Polynésie”

“Le plus grand génocide français a eu lieu ici, en Polynésie. L'État aujourd'hui doit 100 milliards de Fcfp à la CPS, il y a plus de 30 000 morts sur une population à l'époque de 130 000 à 150 000. Et ça va aller en s'amplifiant puisque la démonstration a été faite qu'il y a transmission transgénérationnelle. Nous demandons au Civen qu'il y ait une globalisation de l'aide. Parce que si on y va au cas par cas, dans cent ans, on en sera toujours au même stade. Nous, Moruroa e tatou, ce sont 1 124 dossiers. À raison de dix dossiers par an, faites le calcul…”



Rédigé par Anne-Laure Guffroy le Samedi 2 Juillet 2022 à 16:52 | Lu 2927 fois